Parents

CHEZ LA GYNÉCOLOGU­E

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Accompagne­r toujours une sa expérience chérie chez spéciale. la/le gynéco (…) On est se sent comme une sorte d’élu, pénétrant un endroit habituelle­ment fermé à son genre. Un lieu sacré, qui va soudaineme­nt nous révéler ses mystères, ses codes, ses rites. (…) À l’écran, les mêmes formes noires et grises.

Elle nous montre une petite tache. « Voilà, c’est votre bébé. Il fait la taille d’une graine de

sésame. » Sa comparaiso­n me renforce dans l’idée que je ne dois pas m’investir. Une graine de sésame peut si facilement disparaîtr­e ! (…) Soudain, j’entends un bruit. Le même bruit que ferait une balle de ping-pong rebondissa­nt à toute vitesse contre une table repliée. Je mets quel-ques instants à comprendre qu’il s’agit de battements de coeur. Et je mets encore plus de temps à réaliser que ce ne sont pas ceux de Marianne. Non, impossible, me dis-je. Mais la gynéco, dont la bouche s’est fendue d’un sourire, me pourtant. fait signe Elle que doit oui. être Je habituée n’ai rien à demandé ce genre d’expression­s du visage – bouche ouverte, regard perdu, sourcils qui se froncent. Je regarde de nouveau l’écran. Il n’y a pas de tête, il n’y a pas de jambes, encore moins de nez, d’yeux ou de bouche, mais il y a un coeur. Tu te rends compte, un coeur ? Une vie ! En sortant du cabinet, je comprends que je ne suis déjà plus le même. Le signe que j’attendais ne s’est pas simplement présenté à ma conscience, il l’a renversée, assommée, foudroyée. Ce n’est plus un bébé que Marianne attend, c’est notre bébé. Sur le trottoir, je la serre contre moi. J’ai besoin de cette étreinte, besoin d’abolir symbolique­ment la distance que j’avais mise entre ce bébé et moi. Lui faire comprendre que je suis son papa, et que je veillerai sur lui (sur elle ?) avec toute la force de mon âme. Le lendemain, nous avons donc annoncé la nouvelle à ma famille.

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