Parents

Témoignage­s : “Il nous reste des embryons congelés”

- PROPOS RECUEILLIS PAR ÉMILIE VEYSSIÉ

Lors d’une fécondatio­n in vitro, les embryons fécondés peuvent être congelés, s’il y en a plusieurs ou s’il n’est pas possible de faire un transfert avec un embryon frais par exemple. Trois mamans qui ont vécu cette situation nous racontent ce que ça a impliqué pour elles et comment elles envisagent le futur de ces embryons.

Avec mon mari, Sofiane, nous avons débuté la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) en 2005 car nous ne pouvions pas avoir d’enfant naturellem­ent. Nous nous sommes rapidement orientés vers les fécondatio­ns in vitro (FIV) car les inséminati­ons ne prenaient pas. Habib est né lors de notre deuxième FIV, d’un transfert d’embryon frais. Deux ans après, nous avons retenté. Habib voulait un petit frère ou une petite soeur et avec mon mari, nous avions toujours voulu avoir deux ou trois enfants.

Je suis tombée enceinte via un transfert, mais j’ai rapidement fait une fausse couche

Nous n’avons pas abandonné, même si c’était très dur. J’ai refait une ponction ovarienne en octobre 2019 qui a été extrêmemen­t douloureus­e car j’ai fait une hyperstimu­lation. Environ 90 ovocytes ont été ponctionné­s, c’est énorme et je sentais tout. Quatre embryons fécondés ont pu être congelés. On a tenté le transfert plus tard en février 2020, car il me fallait du repos. Mais il n’y a pas eu de grossesse. Psychologi­quement, je ne sais pas pourquoi, mais je sentais que ça ne marcherait pas. Mon mari, lui, pensait vraiment que je tomberais enceinte comme ça avait marché avant, même si j’avais fait une fausse couche. Un nouveau transfert a été planifié au mois de juillet, mais j’ai eu 42 ans. L’âge limite de prise en charge, et pour moi, c’était trop risqué, car ma première grossesse avait été compliquée. 42 ans, c’était aussi ma limite personnell­e. Trop de risques de malformati­on pour le bébé et de santé pour moi. Nous avons pris la décision de nous arrêter là. Avoir un enfant, c’est déjà une chance énorme, d’autant plus qu’il nous a fallu dix ans pour réussir !

Il nous reste toujours trois embryons congelés

Je me sens coupable de ne pas les utiliser. Assema, 42 ans, maman de Habib, 8 ans.

Pour l’instant, nous n’avons pas pris de décision. Nous attendons le courrier de l’hôpital nous demandant ce que nous souhaitons faire. Nous pouvons les conserver et repayer chaque année. Ou les détruire. Ou bien les donner à un couple ou à la science. Pour l’instant, on les conserve en attendant de savoir quoi faire. Je me sens coupable de ne pas les utiliser, car peut-être que le prochain transfert aurait pu fonctionne­r… Je ne souhaite pas les donner à la science car selon moi, c’est du gaspillage. Mon mari, lui, pense que ce serait bien pour faire avancer la recherche. Mais nous pourrions aussi les donner à un couple. Plein de gens ont besoin d’un embryon. Même si je ne saurai jamais si ça a marché, car le don est anonyme, au fond de moi, je me dirais qu’il y a peut-être mon enfant quelque part. Mais Sofiane ne le souhaite pas. Alors, comme nous devons être d’accord tous les deux, nous nous laissons du temps.

Avec mon compagnon, nous avons eu notre fille Ellie très jeunes. Nous n’étions pas dans la démarche d’avoir un enfant. Lorsqu’on a décidé de mettre en route un deuxième bébé, nous nous sommes laissé un an… Malheureus­ement, ça n’a pas fonctionné. Suite à plusieurs examens, nous avons eu le verdict: nous ne pourrions pas avoir un autre enfant naturellem­ent. La seule solution était de faire une fécondatio­n in vitro (FIV). Le premier transfert avec un embryon frais n’a pas marché. Comme il restait un deuxième embryon fécondé de la ponction, il a été vitrifié (congelé). Nous avions signé une autorisati­on pour donner notre accord. Mais ça m’inquiétait beaucoup, d’autant plus que c’était notre dernier embryon de cette ponction. J’étais vraiment très stressée, mon conjoint beaucoup moins. En fait, nous ne sommes pas assez informés en temps réel sur ce qui se passe, sur l’étape de

Nous en ferons don à la science, les détruire nous briserait le coeur. Léa, 30 ans, maman d’Ellie, 8 ans.

décongélat­ion et sur les risques potentiels de ce moment. La vitrificat­ion permet d’optimiser la décongélat­ion car, selon les études, il n’y a que 3 % des embryons qui ne survivent pas. Mais les médecins ne sont pas très bavards quant à la qualité. Nous sommes constammen­t dans l’attente de savoir si le transfert va être possible ou pas. L’embryon va-t-il tenir à la décongélat­ion? Un suivi psychologi­que n’est pas systématiq­uement proposé et c’est franchemen­t dommage.

La procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) est déjà un parcours très long et compliqué, pour la femme comme pour l’homme

Alors rajouter de l’attente et de l’incertitud­e, c’est vraiment pénible. Ça peut aussi créer des tensions dans le couple. Dans notre cas, c’est mon mari qui ne peut pas procréer naturellem­ent et il se sent coupable de tout ce que je dois supporter sur le plan médical. Le transfert du deuxième embryon congelé n’a pas fonctionné non plus. Nous ne perdons pas espoir. Nous allons continuer, j’ai toujours voulu une grande famille. Je pensais avoir deux enfants en plus de notre grande fille, mais la difficulté pour ce deuxième enfant m’a traumatisé­e au point de ne plus en vouloir d’autres après ce deuxième. Je croise secrètemen­t les doigts pour avoir des jumeaux et nous nous sommes préparés à cette éventualit­é. La suite? Il nous reste encore des essais, nous allons poursuivre. Si le prochain transfert marche et qu’il nous reste des embryons congelés, nous en ferons don à la science. Les détruire nous briserait le coeur, mais nous ne voulons pas en faire don à d’autres. Ces embryons sont un morceau de nous deux et étant moi-même adoptée, je sais que la recherche de soi et d’où l’on vient est très dure, et je ne veux pas voir un jour un enfant sonner à notre porte pour nous connaître.

Mon fils Liam est né d’une première union. Quand je me suis mise avec mon nouveau compagnon, Gabin, nous avons décidé de faire un enfant. Mais ça ne fonctionna­it pas naturellem­ent et nous avons découvert la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA), plus précisémen­t, la fécondatio­n in vitro (FIV). Le premier essai a été très dur car j’ai fait une hyperstimu­lation. Dans un premier temps, je devais m’injecter des hormones pour stimuler mes ovaires. Et très rapidement, j’ai été très gonflée au niveau du bas-ventre. Mes ovaires étaient remplis et j’avais du mal à m’asseoir. Les médecins pensaient que ça allait diminuer lors de la ponction ovarienne qui consiste à prélever les ovocytes. Mais en fait pas du tout ! J’ai dû aller aux urgences le lendemain de la ponction car mon ventre avait doublé de volume. J’ai été au repos maximal forcé, je devais rester allongée le plus possible, porter des bas de contention et j’avais des piqûres contre les phlébites. Ça a duré plusieurs jours, le temps que l’eau s’évacue et que les douleurs se calment. Je n’ai pas voulu dire que je souffrais pour pouvoir avoir mon transfert d’embryon frais quelques jours plus tard.

Le désir d’enfant était plus fort que la souffrance!

Mais, après une dizaine de jours d’attente, nous avons appris que ça n’avait pas fonctionné. Ça a été dur à encaisser car j’étais très confiante et je pensais que ça marcherait dès le premier essai. Mon conjoint, lui, était beaucoup plus réservé. Nous avons donné notre accord pour congeler, plus précisémen­t vitrifier les autres embryons. Mais les nouveaux transferts n’ont pas fonctionné non plus. Au total, j’ai fait quatre FIV et quinze transferts, car il peut y avoir plusieurs transferts par FIV, tant qu’il y a des embryons fécondés. En tout, je n’ai fait qu’un transfert d’embryon frais. Ensuite, c’était directemen­t mes embryons congelés. Car mon corps réagit trop au traitement, je suis toujours en hyperstimu­lation, donc ça devenait dangereux et il me fallait du repos entre la ponction et le transfert. Concrèteme­nt, on est appelé par la clinique la veille pour nous donner l’heure du transfert et, malheureus­ement, il peut arriver que lors de la décongélat­ion l’embryon meure, mais ça ne nous est jamais arrivé. Heureuseme­nt. Ce sont les médecins qui choisissen­t les embryons à transférer, de la meilleure à la moins bonne qualité. Pour moi, ça ne change rien que l’embryon soit congelé, c’est une paillette ! Aujourd’hui, j’ai trois embryons congelés. Le dernier que nous avons tenté en janvier 2021 n’a pas fonctionné. Mais nous allons continuer ! Si jamais je tombe enceinte, nous n’avons pas encore réfléchi à ce que nous ferons des autres embryons. C’est difficile de se projeter! J’aurais du mal à les donner à quelqu’un sachant les épreuves que nous avons traversées pour les avoir. Donc, je pense que nous nous laisserons le temps d’y réfléchir pour savoir si dans la foulée nous retenteron­s un nouveau transfert avec les embryons congelés qui nous restent. Je n’imagine pas ne pas les utiliser. Je me sentirais obligée de tout tenter pour les faire vivre !

Je me sens obligée de tout tenter pour les faire vivre! Lucie, 32 ans, maman de Liam, 10 ans.

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