Billet d’humeur Julien Blanc-Gras : Un quotidien de papa pendant la pandémie
Depuis un an, la vie sous Covid a modifié nos petites et grandes habitudes. L’impensable est devenu la routine. Et les parents se posent des questions qu’ils ne pensaient jamais devoir se poser.
Au départ, on se disait qu’un gamin de 6 ans ne pourrait jamais porter un masque toute la journée. Et puis, si. Il n’aime pas ça, personne n’aime ça. Mais il a pris le pli, tout le monde a pris le pli. Je lui ai dit qu’il pouvait baisser son masque quand il marchait dans la rue et qu’il n’y avait personne autour. Il le garde quand même. L’habitude.
L’école finit à 18 h. Pour respecter le couvre-feu, il faudrait qu’on se téléporte instantanément à la maison. On hâte le pas, on arrive chez nous à
18 h 07 avec une absurde sensation de culpabilité. Une fois au chaud, on fait les devoirs, on met les masques utilisés à la machine à laver et on glisse ceux du lendemain dans le cartable.
- Tu veux le blanc ou celui avec les rayures
pour demain matin ?
On consulte le carnet de correspondance.
Y a-t-il un mot de la directrice pour annoncer un nouveau cas de Covid dans la classe ?
À partir de combien de cas ils ferment l’école ? Être parent en période de pandémie, c’est gérer l’incertitude. Est-ce que j’inscris mon fils au centre de loisirs pour les vacances, sachant que le brassage d’enfants de différents établissements multiplie les risques de contamination et qu’on doit aller voir les grands-parents la semaine suivante ?
Il faut anticiper les scénarios, échafauder différentes hypothèses. L’activité foot du samedi, elle est maintenue ou pas ?
Il faut se tenir au courant de l’évolution des règles, qui changent souvent.
- Si on allait à la bibliothèque ce week-end ? Attends, je sais plus, elles sont ouvertes les bibliothèques en ce moment ? Tant pis, on va à l’aire de jeux. Tu as pris ton masque ?
Merde, faut retourner à la maison, on a oublié le gel hydroalcoolique !
Tout ça, ce sont des problèmes de parents. L’enfant, lui, est las mais pas inquiet. - Y en a marre du coronavirus, je vais le tuer ! peste-t-il quand son match de foot ou sa sortie scolaire sont annulés. Il discerne cependant les avantages de la situation. Maman ne rentre plus à point d’heure à la maison car maman travaille à la maison. Il s’est facilement accommodé des gestes barrières. Fini, les adultes qui viennent le saouler pour réclamer un bisou.
L’Enfant, surtout, a un rêve : le reconfinement avec fermeture des écoles. Il se souvient du printemps 2020, quand il n’avait pas besoin de se lever tôt, que le soleil brillait, que papa et maman s’occupaient de lui toute la journée et qu’on pensait que toute cette histoire de virus serait bientôt terminée. Peut-être que son rêve sera réalisé à l’heure où vous lirez ces lignes. J’ai prévenu l’Enfant : un confinement d’hiver dans la grisaille, ça risque d’être moins marrant, surtout quand c’est la troisième fois. Il hausse les épaules. Il a 6 ans, il s’adapte à tout. Tout ça, pour lui, désormais, c’est normal.