Parents

J’ai l’impression que c’est plus facile pour mes enfants, par rapport à ce que j’ai vécu, enfant.

Pierre, 37 ans, père de Lino, 13 ans, Numa 10 ans, Rita 8 ans.

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Lorsque j’étais gamin, on partait toujours du principe que j’étais adopté, il fallait toujours expliquer que j’étais bien le fils de mon père, parce qu’il est blanc. Quand nous allions faire des courses ensemble, il fallait que mon père justifie ma présence en précisant que je l’accompagna­is. Il n’était pas rare que l’on me suive dans le magasin ou que l’on me regarde de travers. Quand nous allions au Brésil, d’où ma mère vient, il fallait que mon père prouve à nouveau notre filiation. C’était usant. J’ai grandi dans un milieu plutôt aisé, pas vraiment mixte. J’étais souvent le seul noir dans ma scolarité. J’entendais beaucoup de remarques plutôt limites, ponctuées d’un “oh mais toi, c’est pas pareil”. J’étais l’exception et il fallait prendre ces remarques comme un compliment. Je dis souvent, en plaisantan­t, que j’ai parfois l’impression d’être un “fake”, un blanc dans un corps de noir.

J’ai l’impression que c’est différent pour mes enfants, trois petits blonds!

Il n’y a pas trop cette présomptio­n d’adoption dans ce sens-là. Les gens sont peut-être surpris, ils se disent peut-être “tiens, ils ne se ressemblen­t pas”, mais c’est tout. Je sens effectivem­ent les regards curieux quand on est tous ensemble à une terrasse de café et que l’un d’entre eux m’appelle papa. Mais ça me fait plutôt marrer. Et j’en joue aussi : j’ai appris que mon fils aîné se faisait embêter à l’école. Je suis allé le chercher un jour à la sortie du collège. Avec mon afro, mes tatouages, mes bagues, ça a fait son effet. Depuis, les enfants le laissent tranquille. Plus récemment aussi, Lino m’a dit, quand je suis allé le chercher à la piscine : “Je suis sûr qu’ils te prennent pour mon homme de ménage ou mon chauffeur”. Sous-entendu : ces crétins racistes. Je n’ai pas trop réagi sur le coup, c’est la première fois qu’il me dit un truc pareil, ça m’a surpris. Il doit entendre des choses à l’école ou ailleurs et ça devient peut-être un sujet, une préoccupat­ion pour lui.

Mes deux autres enfants sont persuadés qu’ils sont métis, comme moi, alors qu’ils sont blonds et plutôt clairs !

Ils s’associent à fond à la culture brésilienn­e, ils veulent parler le portugais et passent leur temps à danser, surtout ma fille. Pour eux, le Brésil, c’est le Carnaval, la musique, la danse tout le temps. Ils n’ont pas tout à fait tort… D’autant plus qu’ils ont l’habitude de voir ma mère danser partout, même dans la cuisine. J’essaie donc de leur transmettr­e ce double héritage, de leur apprendre le portugais. Nous devions d’ailleurs aller au Brésil cet été, mais la pandémie est passée par-là. Ce voyage reste au programme. »

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