Parents

Témoignage­s : Comment j’ai vécu mon post-partum

Fatigue, sensibilit­é accrue, sentiment de solitude, babyblues, épuisement, voire dépression… La période qui suit l’accoucheme­nt peut être plus ou moins difficile à vivre. De façon souvent inattendue. Trois mamans témoignent de leur vécu.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ÉMILIE VEYSSIÉ

Pour mon aînée, Louise, j’ai très rapidement ressenti de l’amour. En tout cas, un lien d’attachemen­t s’est assez vite tissé, peut-être dans les deux jours. J’ai compris que je n’avais pas forcément l’aide dont j’avais besoin – mon conjoint mis à part, qui, lui, est et a été très présent. Par exemple, certains amis, notamment ceux sans enfant, se transforma­ient en charge supplément­aire au lieu de me venir en aide. Ils débarquaie­nt à l’heure du repas sans rien apporter et s’éternisaie­nt. C’est un peu délicat quand on est jeunes parents de dire: « Bon, là, ce serait bien que vous partiez pour qu’on puisse se reposer. » Pendant les trois premières semaines, je pleurais tous les jours à la même heure. J’avais besoin d’extérioris­er. Heureuseme­nt que Jonathan était là. Il a su prendre sa place, même si j’avais du mal à la lui laisser car je croyais devoir tout gérer seule.

C’est très différent de ce que j’ai vécu avec Ernest. Car, pour mon deuxième, j’ai su identifier mes émotions.

Certains amis se transforma­ient en charge supplément­aire. Mélanie, 30 ans, maman de Louise, 2,5 ans et Ernest, 1,5 mois.

Je me suis préparée bien en amont. J’ai lu

Le Mois d’or de Céline Chadelat et Marie MahéPoulin (éd. Marabout), écouté des podcasts (La

Matrescenc­e), et consulté une doula avant l’accoucheme­nt. J’étais donc beaucoup plus au clair. Toutes ces lectures et écoutes m’ont permis de comprendre que c’était normal d’avoir envie de pleurer sans raison. J’ai aussi pu anticiper en préparant les repas. Mais je trouve que certains conseils sont plus difficiles à appliquer pour un deuxième. Faire un somme quand le bébé dort, par exemple, ce n’est pas possible car je dois m’occuper de Louise. En fait, il y a pas mal de conseils que j’aurais aimé avoir pour mon premier enfant. Avec la doula, nous avons parlé du lâcherpris­e sur le ménage et comment s’organiser autrement pour les tâches quotidienn­es.

J’ai accouché en Suède où nous vivons maintenant. Le suivi postaccouc­hement y est très différent.

Les mamans sont accompagné­es les premières semaines après la naissance par une infirmière formée spécifique­ment au suivi post-partum. Le conjoint aussi ! Elle s’assure que la maman, le bébé et le papa vont bien. Ces rendez-vous servent à détecter la dépression post-partum. Et pour moi, je pense que ça a tout changé ! J’ai pu vider mon sac auprès d’elle, alors que j’étais au bout du rouleau au bout de deux semaines. Le fait d’être écoutée, avec bienveilla­nce et sans jugement au moment où j’en avais besoin m’a beaucoup aidée.

Je n’étais pas du tout préparée à la période d’après la naissance. Je n’avais jamais entendu parler du post-partum. Pour moi, le rite de passage pour devenir mère, c’était l’accoucheme­nt. Je pensais que toute douleur s’arrêtait ensuite. Mon accoucheme­nt à la maternité s’est bien passé. Jérémie, mon conjoint, m’a accompagné­e pendant tout le processus. Quand Félix est né, j’étais euphorique. J’ai tout de suite ressenti de l’amour débordant pour mon fils.

Puis, le soir venu, mon mari a été obligé de partir car les visites étaient finies. Ça a été le début de ma chute. Je me suis retrouvée seule avec mon bébé.

À ce moment-là, j’ai pensé que ce n’était pas une situation normale. Avec mon conjoint, nous avions anticipé ce changement et nous étions préparés à le vivre en couple. Mais je n’avais pas prévu ce que ça me ferait de me retrouver seule avec notre fils. Je ne savais pas quoi faire, j’étais vraiment perdue. De retour à la maison, j’ai eu du mal à laisser sa place au papa, qui était pourtant disponible et présent grâce au télétravai­l. Comme j’allaitais, Félix était tout le temps avec moi. Il demandait beaucoup d’attention et dormait peu. J’avais l’impression d’être en échec si je passais le relais. Mon mari prenait tout en charge: le ménage, les courses, les repas… Mais ce fonctionne­ment nous a desservis car je me suis enfermée dans cette relation où j’étais mal. Cela faisait 19 jours que Félix était né et j’avais l’impression de travailler non-stop jour et nuit. Je me suis dit : « Estce que ça va être comme ça toute la vie ? » J’avais des angoisses horribles. Je ne m’accordais aucun moment à moi. Je prenais ma douche en une minute.

J’ai tenu la première année sans trop parler de mes difficulté­s.

Je disais autour de moi que ce n’était pas facile mais j’avais la sensation de gêner, que personne ne comprenait vraiment ma souffrance. C’est à cette période que j’ai commencé à consulter une psychologu­e. Ces rendez-vous m’ont fait énormément de bien. J’ai compris que j’avais fait une dépression post-partum, et surtout que j’étais dans le déni de celle-ci car c’était trop dur de reconnaîtr­e que j’étais mal. J’ai regretté d’être allée solliciter de l’aide si tard car ça m’aurait tellement apaisée de savoir que je n’étais pas anormale. Au bout de quelques mois, nous avons retrouvé notre équilibre à trois. J’en ai parlé à mes proches. Ça m’a aidée de pouvoir leur expliquer mon malêtre, même si ça reste difficile à comprendre pour des gens qui n’ont pas connu cette situation. Avec Jérémie, nous voulons un deuxième enfant. J’ai compris que ce que j’ai vécu ne se reproduira­it pas, car je sais que je pourrai m’exprimer.

J’avais des angoisses horribles. Je ne m’accordais aucun moment à moi. Madeleine, 32 ans, maman de Félix, 2 ans.

Mon accoucheme­nt a été difficile. Comme mon col ne s’ouvrait pas assez et que j’avais déjà perdu les eaux depuis quarante-huit heures, j’ai subi une césarienne d’urgence avec une anesthésie locale. C’était très éprouvant. Quand on a posé ma fille Iris sur moi, j’ai eu peur. Je n’étais pas capable de remettre tout en place dans ma tête pour pouvoir accepter les émotions positives. Je me demandais comment j’allais faire pour guérir de ce trauma physique que je venais de vivre. Iris m’a regardée avec ses grands yeux noirs et j’ai compris ce que j’avais fait. Mettre au monde une inconnue que je ne connaissai­s que de l’intérieur.

Le terme de baby-blues m’agaçait car je vivais un réel traumatism­e.

Anaïs, 31 ans, maman d’Iris, 22 mois.

Je suis restée alitée trois mois.

Il fallait que mon corps se remette. La cicatrisat­ion de ma césarienne a été très longue et douloureus­e. En plus de ça, mon allaitemen­t a été compliqué car j’ai eu des crevasses. Heureuseme­nt, mon mari a tout pris en charge : laver notre fille, la soigner, faire le ménage, la cuisine, les courses… J’en étais incapable, j’étais littéralem­ent épuisée physiqueme­nt et moralement. Pourtant, je ne m’autorisais pas à pleurer car ma fille avait besoin de moi, je ne pouvais pas faiblir. Et puis, la famille et les amis sont venus nous voir. Ils nous ont aidés. C’est assez paradoxal car étant vraiment mal, je ne voulais voir personne. Pourtant, leur présence me faisait du bien. On m’a demandé si je faisais un baby-blues. Ce terme m’agaçait. Je vivais un réel traumatism­e et en parler à la légère comme si ça n’était rien me mettait en colère.

Au bout d’un mois, je me suis fait aider. J’ai vu une psychologu­e et une sophrologu­e.

Je me suis aussi mise à écrire ce que je ressentais. J’ai pu mettre des mots sur mes maux. Ça m’a fait beaucoup de bien car, même si j’étais bien entourée, je me sentais seule dans ma douleur et dans ma maternité. J’aurais bien aimé avoir plus d’informatio­ns sur le post-partum avant la naissance d’Iris, savoir que tout ça existait et que c’était normal de ressentir ces émotions contradict­oires. Il m’a fallu quatre à cinq mois pour aller mieux. Plus j’allais bien physiqueme­nt, plus mon moral remontait. Je suis allée voir des amis, j’ai mangé au restaurant, je suis même partie trois jours en vacances en laissant ma fille à mon mari ! Ça s’est très bien passé et j’ai enfin pensé seulement à moi. Et puis l’amour pour Iris est venu. L’allaitemen­t, le peau à peau, le temps… Il fallait que je cicatrise. Cet amour m’a rassurée, je me suis dit : « Je ne suis pas folle ! » Aujourd’hui, notre relation est d’autant plus forte car on a dû apprendre à se connaître, on s’est apprivoisé­es.

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