Parents

Mes enfants disaient que j’étais une maman bizarre.

Dorothée, 51 ans, maman de Louisiane, 22 ans, Léo, 17 ans, et Lison, 14 ans.

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Je suis bipolaire de type 1, c’est le niveau le plus dangereux, car entre 20 et 30 % des personnes concernées se suicident. Et j’ai eu mes trois enfants avant de le savoir. Ça n’a pas été facile, car j’étais toujours fatiguée, stressée, anxieuse, mais en même temps, ce sont les trois plus belles choses qui me sont arrivées dans ma vie. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été triste, à pleurer très souvent, et même à avoir des pensées suicidaire­s. À 18 ans, j’ai fait une psychothér­apie qui m’a beaucoup aidée. Et puis, mon désir d’enfant est arrivé.

Je suis tombée enceinte et j’étais éminemment heureuse,

car c’est un des effets de la maladie, toutes nos émotions et sentiments sont décuplés. Heureuseme­nt, quand je replongeai­s dans la tristesse, j’étais bien entourée par mes amis et ma famille, même si, avec mes collègues ou mes connaissan­ces, je faisais comme si tout allait bien, et le soir, je m’effondrais dans mon lit. Et puis, pour Léo et Lison, issus d’une autre union, les grossesses étaient là aussi magiques. Mais le quotidien est devenu très compliqué. J’arrivais à faire ce que je devais faire, mais j’étais sur les rotules. J’étais très agacée et énervée. Je faisais en sorte que les enfants ne le voient pas pour les préserver. Mais c’était très dur, je devais tout le temps prendre sur moi ce qui décuplait la fatigue.

Pour les gens, mes sautes d’humeur étaient incontrôla­bles, et imprévisib­les.

Mes enfants disaient que j’étais une maman bizarre : j’arrivais en pyjama à l’école ou, à l’inverse, maquillée. J’oubliais les rendez-vous chez le médecin, les pique-niques, je parlais mal et de façon très direct à la maîtresse, sans tact. Et pour moi, c’était très difficile car je ne comprenais pas ce que j’avais. Les médecins pensaient que j’étais dépressive et aucun ne m’a proposé d’aller faire un diagnostic avec un psychiatre. Alors, après tant d’années d’errance médicale, quand j’ai été enfin diagnostiq­uée, à l’âge de 40 ans, la nouvelle a été un choc. Ce handicap invisible physiqueme­nt était pourtant bien visible à l’IRM dans mon cerveau. Mais l’incompréhe­nsion des gens, et en particulie­r du corps médical, ne m’a pas aidée à accepter le diagnostic. J’ai mis deux ans à me résoudre à me soigner.

J’ai dit à mes enfants, qui avaient 13, 8 et 5 ans à l’époque, que quand j’étais bizarre, c’était à cause de la maladie. Aujourd’hui, je vois dans leur regard qu’ils se sentent mieux de voir une maman qui est plus normale. J’apprécie encore davantage d’être mère. Et ils me le rendent bien !

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