Oui, mais encore…
Trois questions au Dr Hugo Bottemanne.
Vous parlez peu des pères dans le livre. Leur cerveau ne change pas pendant la grossesse ?
Ce sont les spécificités hormonales chez la mère qui entraînent des modifications directes du cerveau. Chez l’homme, ces modifications ne sont pas aussi intenses. Preuve en est leur peu de réactivité lorsqu’un nourrisson se réveille la nuit ! Mais on observe aussi des changements. Le phénomène de la couvade qui touche certains hommes pendant la grossesse en est une illustration ! Par ailleurs, les évolutions du modèle parental – pères de plus en plus impliqués – vont certainement impacter à long terme les centres cérébraux des hommes. La culture peut faire changer la nature ! De façon très concrète, un papa qui fait du peau à peau, s’expose sensoriellement à son bébé, sa voix, son odeur, influence son fonctionnement cérébral et augmente la production d’ocytocine et de dopamine.
La sensation d’étrangeté qui envahit certaines femmes enceintes est-elle ou non signe d’un problème d’attachement à venir avec l’enfant ?
Non, ce n’est pas forcément pathologique. La découverte des sensations de la grossesse – ventre qui grossit, mouvements (en particulier la première fois), croissance du bébé… – dérange souvent et prend plus ou moins de temps à s’estomper. On a longtemps expliqué qu’une perception négative du bébé était un signe de rejet, de non-désir d’enfant, mais nous le remettons en question. L’affect mère-enfant se construit lentement au fil des croyances et des sensations physiques. L’haptonomie, même si son impact n’est pas encore étudié scientifiquement, semble une pratique intéressante pour trouver une harmonie.
Lorsque vous décrivez le “mommy brain”, on a vraiment l’impression que les futures mères sont incapables de continuer à travailler, n’est-ce pas exagéré ?
Il y a des modifications du cerveau objectives, réelles. Comme le corps s’adapte, le cerveau se focalise sur d’autres “tâches” que celles de la mémoire, de l’attention pour renforcer l’empathie. Mais il y a dans ce phénomène une part non négligeable de culturel. Le fait de se retirer tout ou partie de ses activités professionnelles peut renforcer le “mommy brain”. Alors que les femmes qui restent focalisées sur leurs objectifs d’avant ressentiront sans doute moins ces effets secondaires de la grossesse…
Perte de mémoire, de concentration, difficulté à calculer même…