Je voulais que Lucas soit parfait pour montrer que j’étais légitime.
Lorsque ma grossesse a été confirmée par une échographie, j’avais 16 ans et dépassé les délais légaux d’IVG. Au début, je l’ai vécue comme un véritable choc. Mais ces sentiments se sont très vite transformés. Avec le papa, Kévin, on était ensemble depuis qu’on avait 13 ans, on s’est posé énormément de questions, mais on était aussi insouciants. On s’aimait, donc ce bébé était la suite logique de notre amour. On a décidé de le garder et de construire notre avenir avec lui. On avait peur et on était heureux en même temps.
Étant fille de parents divorcés, ça venait aussi me conforter dans ma capacité à construire une famille.
À l’époque, j’étais en dernière année de BEP (Brevet d’études professionnelles) Carrières sanitaires et sociales. J’ai beaucoup travaillé car je voulais absolument obtenir mon diplôme et pouvoir trouver un emploi d’aide-soignante. L’idée était quand même de reprendre mes études après. Kévin, lui, était en apprentissage électricité.
Le plus dur pendant la grossesse a été le regard des autres et les remarques comme : « Que font les parents ? », « Tu gâches ta vie, tu ne feras jamais rien » ou encore « Tu es une Marie-couche-toi-là ! ». Pour contrer ces jugements, je me suis imposé une grosse charge mentale et je voulais que Lucas soit parfait en tout point pour montrer que je savais faire et que j’étais légitime.
On était des parents comme les autres, avec, en plus, cette insouciance qui faisait qu’on ne se rendait pas compte que nos actes pouvaient impacter son futur.
Par exemple, je laissais Lucas regarder des dessins animés à 8mois, ce que je n’ai pas fait avec mes autres enfants. Mes amis m’ont tourné le dos car je ne pouvais pas sortir. Ça a été douloureux, je me suis sentie isolée, très seule. Heureusement, mes beaux-parents gardaient Lucas certains soirs et on a pu sortir et découvrir les soirées en boîte, parce que sinon, on était comme enchaînés. J’idéalisais la maternité et je me suis rendu compte que ce n’était pas aussi simple. Heureusement Lucas a été ma petite lumière au bout du tunnel et il m’a aidée à me construire.
Quand Lucas a eu 7 ans, on a eu trois autres enfants avec Kévin. On avait besoin de se construire avant d’agrandir notre famille. Aujourd’hui, j’ai repris mes études, je suis en dernière année d’école d’infirmière. Quand je regarde Lucas, je suis fière du chemin parcouru et encore plus de lui.