Pêches hivernales
Fichu hiver qui glace le sang ! Je ne sais pas pour vous, v mais en ce qui me concerne, le temps n’est pas encore venu de courir pour retrouver l’eau glacée. g Pour autant, je reconnais à cette période de nombreux avantages. Que ce soit pour les pêches au
Fichu hiver qui glace le sang ! Pourtant, je reconnais à cette période de nombreux avantages. Que ce soit pour les pêches aux appâts ou pour les pêches aux leurres, l’hiver peut être riche d’enseignements…
“Que de temps pour perfectionner sa technique de lancer ! Ces acquis techniques vous suivront tant que vous saurez les entretenir...”
Avant toute chose, il me semble important d’apporter une précision sur le contenu de cet article. Nous allons parler de pêche en période hivernale, et développer quelques pratiques qui pourraient être mal interprétées. Sachez donc quelle est ma position personnelle. Je suis conscient que parler de pêche en hiver, et qui plus est de pêche aux leurres, laisse planer le doute sur la ressource. Alors éclairons la chose : j’abonde pleinement (et abondamment) dans le sens d’un arrêt total des prélèvements de certaines espèces en cette période de l’année, qu’il s’agisse de l’espèce bar comme d’autres d’ailleurs. Néanmoins, arrêt total des prélèvements ne signifie pas pour moi arrêt de la pêche, à condition que celle- ci soit pratiquée avec une totale conscience du sujet qui va nous intéresser ici. La conscience dont je parle est celle de l’intention qui est la nôtre au moment de sortir en mer. Vais- je pêcher pour m’enrichir
sur le plan des connaissances et de la technique, ou vais- je sortir pour prendre du poisson ? Certains penseront, comme il m’a déjà été reproché, de prôner la pêche hivernale et qu’en conséquence j’incite à “déranger” les poissons durant leurs ébats. Je ne débattrais pas ici de ce sujet. Je pense n’inciter personne à prélever, du fait que je conteste le prélèvement, et j’irais même plus loin puisque je conteste le prélèvement également en dehors de la période de reproduction lorsque ce dernier est irraisonné. Quant à l’idée de déranger les poissons durant leurs ébats, je pense que mon expérience personnelle me conduit à me rappeler de certaines fois où j’ai été dérangé, et qui ne m’ont pas tué. Pardonnez cette introduction un peu longue, mais je la pense nécessaire. Nous en arrivons donc à la pêche en hiver, et plus précisément aux avantages et aux inconvénients des différentes techniques. Il est bien évident qu’avec - 2° dehors et 8° dans l’eau, on ne peut pas vraiment espérer sortir pour le plaisir. J’imagine que cela est vrai pour le pêcheur en bateau, mais également pour le pêcheur du bord. Néanmoins, rester des mois durant chez soi peut avoir quelque chose d’usant pour le passionné, raison pour laquelle cet article trouvait sa nécessité. Je vous propose donc de passer en revue quelques- unes des approches qui pourraient être intéressantes, aussi bien pour le pêcheur aux leurres que pour le pêcheur aux appâts.
Se rapprocher de la nature
La nature et le pêcheur sont liés. Notre objectif étant de prendre des poissons, nous sommes bien évidemment tributaires de ce que la nature décide. Dans ce domaine, je fais partie de ceux qui pensent que le hasard n’a que très peu de place dans notre passion. La nature décide de tout, et mis à part quelques circonstances particulières ( qui sont tout de même importantes), la très grande majorité des belles pêches sont souvent le fruit de conjonctions naturelles bien précises. La lune, les heures, la marée, la zone de pêche et la technique utilisée sont autant de constantes d’équations à chaque fois différentes. Avec l’expérience, et pour autant que l’on porte une attention précise à tous ces éléments, on peut évoluer avec ces données collectées. Grâce à ces connaissances on devient un meilleur pêcheur. C’est incontestable, me semble- t- il. Néanmoins, il n’y a rien de nouveau dans ce que je viens d’écrire, sauf qu’il est rare de faire deux choses à la fois : pêcher et observer la nature. Il est difficile d’avoir l’attention à la fois portée sur la pratique de la pêche, et sur les évènements naturels. Simplement remarquer en temps réel la vitesse de réajustement du marnage est moins simple qu’il n’y paraît. Si on ne prend pas la peine de fixer son regard sur un point de repère ( une roche par exemple), pendant au moins
quelques minutes, on ne peut pas prendre conscience de la vitesse à laquelle l’eau monte ou descend. Sans cette information, il est alors difficile d’estimer la corrélation qui existe entre ces amplitudes de variation à l’instant “T” et le comportement de la ligne, ou du leurre. Généralement, on pêche et on constate les changements uniquement quand ils deviennent problématiques. Ainsi, quand le courant est devenu bien trop fort, on remarque que le leurre n’atteint plus le fond. On insiste un temps jusqu’à comprendre que ça ne marche plus et qu’il faut changer le poids. Avec une finesse d’analyse accrue en temps réel, on peut anticiper. Ce que nous appelons le sixième sens du pêcheur est en réalité un sens inné qui dépend très fortement de cette capacité d’observation et de perception de l’environnement. Alors on peut anticiper ce qui va se dérouler, et agir plus rapidement, sans perdre de temps. Ce sens se travail et se développe. Ce genre de comportement est selon moi difficile à adopter durant la saison, car notre but est de pêcher, et on s’est préparé pour cela. Alors pourquoi ne pas le faire durant la saison hivernale ? Le but n’est alors pas de prendre un poisson, mais simplement de reconnecter notre lien avec la nature, ses flux et ses reflux. Partant sur cette base, entre amis et avec l’intention claire d’apprendre de la nature, on peut passer de bons moments. Puis, si on prend un poisson c’est tant mieux, même s’il s’agit d’un bar. On le décroche et on le rend à son élément. Donc, pour vous donner quelques exercices à faire durant ces sorties hivernales, je vous propose les points suivants :
Pêche aux leurres
Comprendre les courants : l’étude des courants est la base, nous le savons tous. Prenons donc plusieurs marées différentes, avec des coefficients différents, des plus petits aux plus grands. Le nombre de données à intégrer est considérable. Réaction des poids de tête en fonction des coeffi- cients, de l’heure du montant ou descendant, de la profondeur atteinte… Réaction de la ligne, des différents diamètres et natures de tresses vis- à- vis des courants. Réaction des courants face aux obstacles ( roches), et plus précisément l’amplitude des dispersions sur les flancs. En d’autres termes, jusqu’où est dévié un courant d’une marée montante avec un coefficient de 90 ? Avec un autre de 50 ?
L’étude des zones de pêche : ici vous pouvez faire le point sur les heures de marées qui permettent une pêche efficace en fonction d’un coefficient donné. La hauteur d’eau variant, un poste peut n’être pêchable qu’à partir de la Xème heure du montant, ou du descendant… On peut également tenter d’observer les déplacements des poissons dans les différentes couches d’eau, si bien sûr poissons il y a. Naturellement, en hiver ce dernier point est moins évident à vérifier.
L’étude de la dérive au vent, et au courant : si vous pêchez en bateau, il est primordial d’avoir une bonne perception de cette dérive. On peut apprendre à estimer la vitesse de déplacement sur l’eau, car cela conditionne fortement la durée effective de travail du leurre. On observe également les interactions entre vent et
“Quand il fait froid, les céphalopodes sont rois. Se consacrer entièrement à leur pêche est ludique.”
courant, pour affiner progressivement ses ressentis. Ce ne sont que des exemples...
Pêche aux appâts
L’étude des zones de pêche : cartographier ses fonds sous marins est important, pour ne pas dire primordial. Quelle période peut être la plus à même de nous permettre cette recherche méthodique ? Relever une tête de roche, un herbier, un fond de graviers permet d’y revenir à la belle saison.
Le perfectionnement de l’ancrage : pour pêcher en bateau, il faut s’ancrer correctement. L’ancrage en deux points est pratiquement une science, et cela
relève de l’expérience. Entre vents, courants et profondeur il y a de quoi faire !
Du bord, ce seront les réactions de la ligne qui mériteront notre attention. Quelles formes de plomb et quels poids seront adaptés aux courants en présence ? Ces observations permettent une fois de plus de forger un acquis technique qui nous évitera de subir une dérive incontrôlable le jour où les poissons semblent présents pour les autres et pas pour nous.
Se retrouver avec soi-même
En hiver, on le répète, l’intention est d’apprendre, d’améliorer, de polir la pierre précieuse que vous êtes. Zéro stress ! Il est donc temps de vous retrouver avec vous- même. J’entre ici-même dans le monde de votre silence intérieur, en vue d’améliorer votre sens de l’écoute. Vous êtes pêcheur, et vous savez à quel point la concentration est importante. Ce n’est pas dans le feu de l’action estivale, avec l’horloge des marées qui tourne sans attendre, la pression de la journée millimétrée de la pêche du dimanche que l’on doit écourter pour raison familiale que l’on peut prendre ce temps pour soi. Alors l’hiver est bon pour ça. Se poser au bord de l’eau ou sur l’eau. Bien couvert, avec sa canne et sa musique en vue de s’écouter pêcher. Donc, je vous propose quelques exercices fort utiles (pour ceux qui accepteront de les pratiquer).
Pêche aux leurres
Étudiez les courants : on peut observer les courants avec les yeux. On peut voir la ligne entrer dans l’eau, et dériver avec l’eau. On peut observer la surface, les perturbations liquides. Puis, on associe ces informations visuelles à celles que l’on reçoit dans la canne. La densité du leurre, sa légèreté, la pression du courant sur la ligne et la vibration du leurre sont de cet ordre là. Ces informations sont évidemment les plus importantes, et ce sont pourtant celles qui sont le plus souvent mal perçues. Il faut donc travailler cela… en fermant les yeux. Apprenez à ressentir la pression de l’eau, identifiez tout ce qui peut être un signal intéressant. Cela prend du temps et ne vient pas tout de suite.
Étudiez vos zones de pêche : le jeu consiste ici à stimuler votre imagination. Nous sommes trop habitués à l’électronique. Je ne dis pas qu’elle n’est pas utile, loin de là, mais elle ne peut être la seule source sur laquelle s’appuyer. Le jeu consistera donc à se couper un moment de l’électronique, et en se référant uniquement à ce que l’on voit en surface, à identifier les changements du fond. Comprendre ainsi la façon dont se dessine les courants crée une compétence certaine qui sera utile dans les dérives, ou dans le dessin
de ses lignes de dérive.
Travaillez vos capacités techniques : cette partie de pêche hivernale est l’occasion de travailler ses aptitudes techniques, comme le lancer, les animations, et tout ce qui va avec. Entrer dans le plein contrôle de son matériel, de ses lignes, de ses leurres. Il n’y a pas en ce domaine de chose inutile.
Pêche aux appâts
Développez vos capacités techniques : les pêcheurs en surfcasting, mais aussi les pêcheurs au flotteur le savent, la distance est importante. Travailler son lancer est primordial. Cela peut se faire en période hivernale, même si on est un peu engoncé dans ses vêtements. Le bénéfice se verra ensuite tout au long de la saison. J’ajoute à cela tout ce qui touche indirectement au lancer : les poids, les diamètres de fil, l’utilisation d’un arracher ou d’une queue de rat, d’un doigtier. Faites vos expériences, développez-vous.
Améliorer son rapport aux appâts : un appât peut être présenté de plusieurs manières. Bien souvent on en utilise une, celle qu’on maîtrise le mieux. Pourtant, l’humilité pousse à reconnaître que cette façon là n’est pas pour autant la seule qui soit, ni même la meilleure. Prenons donc le temps d’essayer de nouvelles voies, de nouvelles possibilités. Pêcher en hiver n’est pas la meilleure période pour des poissons comme le bar ou la daurade. Ce n’est pas non plus la meilleure période pour les pêcheurs méditerranéens, ou atlantiques. D’autres verront en cette période l’occasion d’aller chercher du plat ou d’autres espèces qui se pêchent dans le froid. Ce que nous abordons ici peut être utile à tout le monde, et cela pourrait d’ailleurs l’être également pour les pêcheurs en eau douce, moyennant quelques restrictions d’usage. Le but de ces moments de pêche est bel est bien l’amélioration de ce que l’on est déjà. Des êtres humains dotés de potentiels de perception bien plus développés qu’ils ne le sont probablement. Ces sens demandent du travail, des automatismes. Je vois dans la période froide la saison idéale pour faire ce travail, dans le plus grand respect des équilibres de la nature.