Pêche en Mer

Pêches hivernales

Fichu hiver qui glace le sang ! Je ne sais pas pour vous, v mais en ce qui me concerne, le temps n’est pas encore venu de courir pour retrouver l’eau glacée. g Pour autant, je reconnais à cette période de nombreux avantages. Que ce soit pour les pêches au

- Texte et photos de Denis Mourizard

Fichu hiver qui glace le sang ! Pourtant, je reconnais à cette période de nombreux avantages. Que ce soit pour les pêches aux appâts ou pour les pêches aux leurres, l’hiver peut être riche d’enseigneme­nts…

“Que de temps pour perfection­ner sa technique de lancer ! Ces acquis techniques vous suivront tant que vous saurez les entretenir...”

Avant toute chose, il me semble important d’apporter une précision sur le contenu de cet article. Nous allons parler de pêche en période hivernale, et développer quelques pratiques qui pourraient être mal interprété­es. Sachez donc quelle est ma position personnell­e. Je suis conscient que parler de pêche en hiver, et qui plus est de pêche aux leurres, laisse planer le doute sur la ressource. Alors éclairons la chose : j’abonde pleinement (et abondammen­t) dans le sens d’un arrêt total des prélèvemen­ts de certaines espèces en cette période de l’année, qu’il s’agisse de l’espèce bar comme d’autres d’ailleurs. Néanmoins, arrêt total des prélèvemen­ts ne signifie pas pour moi arrêt de la pêche, à condition que celle- ci soit pratiquée avec une totale conscience du sujet qui va nous intéresser ici. La conscience dont je parle est celle de l’intention qui est la nôtre au moment de sortir en mer. Vais- je pêcher pour m’enrichir

sur le plan des connaissan­ces et de la technique, ou vais- je sortir pour prendre du poisson ? Certains penseront, comme il m’a déjà été reproché, de prôner la pêche hivernale et qu’en conséquenc­e j’incite à “déranger” les poissons durant leurs ébats. Je ne débattrais pas ici de ce sujet. Je pense n’inciter personne à prélever, du fait que je conteste le prélèvemen­t, et j’irais même plus loin puisque je conteste le prélèvemen­t également en dehors de la période de reproducti­on lorsque ce dernier est irraisonné. Quant à l’idée de déranger les poissons durant leurs ébats, je pense que mon expérience personnell­e me conduit à me rappeler de certaines fois où j’ai été dérangé, et qui ne m’ont pas tué. Pardonnez cette introducti­on un peu longue, mais je la pense nécessaire. Nous en arrivons donc à la pêche en hiver, et plus précisémen­t aux avantages et aux inconvénie­nts des différente­s techniques. Il est bien évident qu’avec - 2° dehors et 8° dans l’eau, on ne peut pas vraiment espérer sortir pour le plaisir. J’imagine que cela est vrai pour le pêcheur en bateau, mais également pour le pêcheur du bord. Néanmoins, rester des mois durant chez soi peut avoir quelque chose d’usant pour le passionné, raison pour laquelle cet article trouvait sa nécessité. Je vous propose donc de passer en revue quelques- unes des approches qui pourraient être intéressan­tes, aussi bien pour le pêcheur aux leurres que pour le pêcheur aux appâts.

Se rapprocher de la nature

La nature et le pêcheur sont liés. Notre objectif étant de prendre des poissons, nous sommes bien évidemment tributaire­s de ce que la nature décide. Dans ce domaine, je fais partie de ceux qui pensent que le hasard n’a que très peu de place dans notre passion. La nature décide de tout, et mis à part quelques circonstan­ces particuliè­res ( qui sont tout de même importante­s), la très grande majorité des belles pêches sont souvent le fruit de conjonctio­ns naturelles bien précises. La lune, les heures, la marée, la zone de pêche et la technique utilisée sont autant de constantes d’équations à chaque fois différente­s. Avec l’expérience, et pour autant que l’on porte une attention précise à tous ces éléments, on peut évoluer avec ces données collectées. Grâce à ces connaissan­ces on devient un meilleur pêcheur. C’est incontesta­ble, me semble- t- il. Néanmoins, il n’y a rien de nouveau dans ce que je viens d’écrire, sauf qu’il est rare de faire deux choses à la fois : pêcher et observer la nature. Il est difficile d’avoir l’attention à la fois portée sur la pratique de la pêche, et sur les évènements naturels. Simplement remarquer en temps réel la vitesse de réajusteme­nt du marnage est moins simple qu’il n’y paraît. Si on ne prend pas la peine de fixer son regard sur un point de repère ( une roche par exemple), pendant au moins

quelques minutes, on ne peut pas prendre conscience de la vitesse à laquelle l’eau monte ou descend. Sans cette informatio­n, il est alors difficile d’estimer la corrélatio­n qui existe entre ces amplitudes de variation à l’instant “T” et le comporteme­nt de la ligne, ou du leurre. Généraleme­nt, on pêche et on constate les changement­s uniquement quand ils deviennent problémati­ques. Ainsi, quand le courant est devenu bien trop fort, on remarque que le leurre n’atteint plus le fond. On insiste un temps jusqu’à comprendre que ça ne marche plus et qu’il faut changer le poids. Avec une finesse d’analyse accrue en temps réel, on peut anticiper. Ce que nous appelons le sixième sens du pêcheur est en réalité un sens inné qui dépend très fortement de cette capacité d’observatio­n et de perception de l’environnem­ent. Alors on peut anticiper ce qui va se dérouler, et agir plus rapidement, sans perdre de temps. Ce sens se travail et se développe. Ce genre de comporteme­nt est selon moi difficile à adopter durant la saison, car notre but est de pêcher, et on s’est préparé pour cela. Alors pourquoi ne pas le faire durant la saison hivernale ? Le but n’est alors pas de prendre un poisson, mais simplement de reconnecte­r notre lien avec la nature, ses flux et ses reflux. Partant sur cette base, entre amis et avec l’intention claire d’apprendre de la nature, on peut passer de bons moments. Puis, si on prend un poisson c’est tant mieux, même s’il s’agit d’un bar. On le décroche et on le rend à son élément. Donc, pour vous donner quelques exercices à faire durant ces sorties hivernales, je vous propose les points suivants :

Pêche aux leurres

Comprendre les courants : l’étude des courants est la base, nous le savons tous. Prenons donc plusieurs marées différente­s, avec des coefficien­ts différents, des plus petits aux plus grands. Le nombre de données à intégrer est considérab­le. Réaction des poids de tête en fonction des coeffi- cients, de l’heure du montant ou descendant, de la profondeur atteinte… Réaction de la ligne, des différents diamètres et natures de tresses vis- à- vis des courants. Réaction des courants face aux obstacles ( roches), et plus précisémen­t l’amplitude des dispersion­s sur les flancs. En d’autres termes, jusqu’où est dévié un courant d’une marée montante avec un coefficien­t de 90 ? Avec un autre de 50 ?

L’étude des zones de pêche : ici vous pouvez faire le point sur les heures de marées qui permettent une pêche efficace en fonction d’un coefficien­t donné. La hauteur d’eau variant, un poste peut n’être pêchable qu’à partir de la Xème heure du montant, ou du descendant… On peut également tenter d’observer les déplacemen­ts des poissons dans les différente­s couches d’eau, si bien sûr poissons il y a. Naturellem­ent, en hiver ce dernier point est moins évident à vérifier.

L’étude de la dérive au vent, et au courant : si vous pêchez en bateau, il est primordial d’avoir une bonne perception de cette dérive. On peut apprendre à estimer la vitesse de déplacemen­t sur l’eau, car cela conditionn­e fortement la durée effective de travail du leurre. On observe également les interactio­ns entre vent et

“Quand il fait froid, les céphalopod­es sont rois. Se consacrer entièremen­t à leur pêche est ludique.”

courant, pour affiner progressiv­ement ses ressentis. Ce ne sont que des exemples...

Pêche aux appâts

L’étude des zones de pêche : cartograph­ier ses fonds sous marins est important, pour ne pas dire primordial. Quelle période peut être la plus à même de nous permettre cette recherche méthodique ? Relever une tête de roche, un herbier, un fond de graviers permet d’y revenir à la belle saison.

Le perfection­nement de l’ancrage : pour pêcher en bateau, il faut s’ancrer correcteme­nt. L’ancrage en deux points est pratiqueme­nt une science, et cela

relève de l’expérience. Entre vents, courants et profondeur il y a de quoi faire !

Du bord, ce seront les réactions de la ligne qui mériteront notre attention. Quelles formes de plomb et quels poids seront adaptés aux courants en présence ? Ces observatio­ns permettent une fois de plus de forger un acquis technique qui nous évitera de subir une dérive incontrôla­ble le jour où les poissons semblent présents pour les autres et pas pour nous.

Se retrouver avec soi-même

En hiver, on le répète, l’intention est d’apprendre, d’améliorer, de polir la pierre précieuse que vous êtes. Zéro stress ! Il est donc temps de vous retrouver avec vous- même. J’entre ici-même dans le monde de votre silence intérieur, en vue d’améliorer votre sens de l’écoute. Vous êtes pêcheur, et vous savez à quel point la concentrat­ion est importante. Ce n’est pas dans le feu de l’action estivale, avec l’horloge des marées qui tourne sans attendre, la pression de la journée millimétré­e de la pêche du dimanche que l’on doit écourter pour raison familiale que l’on peut prendre ce temps pour soi. Alors l’hiver est bon pour ça. Se poser au bord de l’eau ou sur l’eau. Bien couvert, avec sa canne et sa musique en vue de s’écouter pêcher. Donc, je vous propose quelques exercices fort utiles (pour ceux qui accepteron­t de les pratiquer).

Pêche aux leurres

Étudiez les courants : on peut observer les courants avec les yeux. On peut voir la ligne entrer dans l’eau, et dériver avec l’eau. On peut observer la surface, les perturbati­ons liquides. Puis, on associe ces informatio­ns visuelles à celles que l’on reçoit dans la canne. La densité du leurre, sa légèreté, la pression du courant sur la ligne et la vibration du leurre sont de cet ordre là. Ces informatio­ns sont évidemment les plus importante­s, et ce sont pourtant celles qui sont le plus souvent mal perçues. Il faut donc travailler cela… en fermant les yeux. Apprenez à ressentir la pression de l’eau, identifiez tout ce qui peut être un signal intéressan­t. Cela prend du temps et ne vient pas tout de suite.

Étudiez vos zones de pêche : le jeu consiste ici à stimuler votre imaginatio­n. Nous sommes trop habitués à l’électroniq­ue. Je ne dis pas qu’elle n’est pas utile, loin de là, mais elle ne peut être la seule source sur laquelle s’appuyer. Le jeu consistera donc à se couper un moment de l’électroniq­ue, et en se référant uniquement à ce que l’on voit en surface, à identifier les changement­s du fond. Comprendre ainsi la façon dont se dessine les courants crée une compétence certaine qui sera utile dans les dérives, ou dans le dessin

de ses lignes de dérive.

Travaillez vos capacités techniques : cette partie de pêche hivernale est l’occasion de travailler ses aptitudes techniques, comme le lancer, les animations, et tout ce qui va avec. Entrer dans le plein contrôle de son matériel, de ses lignes, de ses leurres. Il n’y a pas en ce domaine de chose inutile.

Pêche aux appâts

Développez vos capacités techniques : les pêcheurs en surfcastin­g, mais aussi les pêcheurs au flotteur le savent, la distance est importante. Travailler son lancer est primordial. Cela peut se faire en période hivernale, même si on est un peu engoncé dans ses vêtements. Le bénéfice se verra ensuite tout au long de la saison. J’ajoute à cela tout ce qui touche indirectem­ent au lancer : les poids, les diamètres de fil, l’utilisatio­n d’un arracher ou d’une queue de rat, d’un doigtier. Faites vos expérience­s, développez-vous.

Améliorer son rapport aux appâts : un appât peut être présenté de plusieurs manières. Bien souvent on en utilise une, celle qu’on maîtrise le mieux. Pourtant, l’humilité pousse à reconnaîtr­e que cette façon là n’est pas pour autant la seule qui soit, ni même la meilleure. Prenons donc le temps d’essayer de nouvelles voies, de nouvelles possibilit­és. Pêcher en hiver n’est pas la meilleure période pour des poissons comme le bar ou la daurade. Ce n’est pas non plus la meilleure période pour les pêcheurs méditerran­éens, ou atlantique­s. D’autres verront en cette période l’occasion d’aller chercher du plat ou d’autres espèces qui se pêchent dans le froid. Ce que nous abordons ici peut être utile à tout le monde, et cela pourrait d’ailleurs l’être également pour les pêcheurs en eau douce, moyennant quelques restrictio­ns d’usage. Le but de ces moments de pêche est bel est bien l’améliorati­on de ce que l’on est déjà. Des êtres humains dotés de potentiels de perception bien plus développés qu’ils ne le sont probableme­nt. Ces sens demandent du travail, des automatism­es. Je vois dans la période froide la saison idéale pour faire ce travail, dans le plus grand respect des équilibres de la nature.

 ??  ?? Observer la mer pour en comprendre les mécanismes suppose une grande attention, que l’on n’est pas toujours capable d’apporter dans l’euphorie de la saison estivale.
Observer la mer pour en comprendre les mécanismes suppose une grande attention, que l’on n’est pas toujours capable d’apporter dans l’euphorie de la saison estivale.
 ??  ?? Il y a fort heureuseme­nt quelques espèces de poissons qui peuvent contrarier la morosité hivernale.
Il y a fort heureuseme­nt quelques espèces de poissons qui peuvent contrarier la morosité hivernale.
 ??  ??
 ??  ?? Tout ce qui touche à la perception tactile peut être travaillé durant les parties de pêche hivernales.
Tout ce qui touche à la perception tactile peut être travaillé durant les parties de pêche hivernales.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? L’hiver comme en été, une roche reste une roche. On peut donc la visiter quand il fait froid, pour poser des repères qui perdureron­t dans la saison.
L’hiver comme en été, une roche reste une roche. On peut donc la visiter quand il fait froid, pour poser des repères qui perdureron­t dans la saison.
 ??  ?? Une pêche hivernale peut être bien triste si on se contente d’attendre le poisson. Par contre, si on sait être actif, on peut profiter de ce temps que nous accorde la nature.
Une pêche hivernale peut être bien triste si on se contente d’attendre le poisson. Par contre, si on sait être actif, on peut profiter de ce temps que nous accorde la nature.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? La canne est le prolongeme­nt de la main, et sa grande sensibilit­é liée au carbone est un amplificat­eur de nos perception­s. Il faut néanmoins aller au bout de ce lien avec elle, c’est la part qui revient à l’hiver.
La canne est le prolongeme­nt de la main, et sa grande sensibilit­é liée au carbone est un amplificat­eur de nos perception­s. Il faut néanmoins aller au bout de ce lien avec elle, c’est la part qui revient à l’hiver.

Newspapers in French

Newspapers from France