La pêche et la télévision française
Alors que nous sommes des millions de pêcheurs en France, notre activité est très peu représentée à la télévision. Vous savez, cette télévision parisienne où les présentateurs prononcent le « é » comme un « è » . Une prononciation sans importance ? Pas du
Je suis très agacé par la sousreprésentation de notre passion sur les chaînes françaises. Et ça ne va pas en s’améliorant. Autrefois, il y avait l’excellente série
Histoires naturelles, qui ravissait les pêcheurs. J’ai grandi en regardant cette série, et j’y ai moi-même participé à plusieurs reprises, une fois adulte, en invitant l’équipe de tournage dans plusieurs pays, notamment au Brésil pour pêcher le pirarucu, mais aussi aux ÉtatsUnis, en Alabama, pour découvrir le Deep sea rodeo fishing, un concours de pêche gigantesque que j’avais aussi présenté aux lecteurs de PEM. Mais voilà, c’était il y a 15 ans, et depuis, l’émission est malheureusement arrêtée. De nos jours, plus de trace des pêcheurs à la télévision. Certes, on peut trouver de très bons documentaires anglo-saxons sur certaines chaînes, comme Discovery et
National Geographic, mais aucune émission française de pêche n’est visible sur des chaînes importantes et à des horaires normaux. La raison est simple : la télévision, soi-disant française, est en fait parisienne et rongée par la cooptation. Dans un billet d’humeur antérieur, je critiquais la culture majoritairement littéraire de notre pays. J’ajoute, avec le présent billet, que la sous-représentation des diverses régions de France (et donc de leur culture proche de la nature) à la télévision est également une nuisance grave pour les pêcheurs. Il suffit de regarder n’importe quelle chaîne et de tendre l’oreille pour constater que les parisiens sont majoritaires dans ces chaînes. Vous avez compris où je voulais en venir : ces gens vivent tellement entre eux qu’ils ne se rendent même plus compte qu’ils ne parlent plus un français normal. Quand, dans un mot, ils doivent dire le son « é », ils prononcent le son « è », une prononciation typique d’un certain milieu parisien. C’est particulièrement remarquable quand le « é » est à la fin du mot : le mot « degré », par exemple, est systématiquement prononcé « degrè ». Le sociologue Pierre Bourdieu avait dénommé « habitus » l’ensemble des caractéristiques comportementales permettant de reconnaître un groupe social. Eh bien, dire « è » à la place de « é », cela fait partie de l’habitus de ce milieu parisien. De fait, allumez n’importe quelle chaîne de télévision, par exemple les chaînes d’information continue, et vous verrez que presque tous les présentateurs prononcent mal le « é », en particulier à la fin d’un mot. Voilà ce que c’est de vivre dans un pays ultra-centralisé, qui refuse toute forme de pensée non issue de la capitale, au point, parfois, de donner l’impression qu’un Breton, un Alsacien ou un Savoyard est une personne étrangère dans son propre pays. Il semblerait qu’un chanteur de Paris ou de sa banlieue (lui-même coopté) soit plus représentatif de la France qu’un pêcheur breton. La France, ce serait Paris et sa banlieue. Et à Paris, visiblement, on ne connaît pas la pêche, que ce soit en mer ou en eau douce. Et on ne connaît pas la nature non plus. À partir de ce constat, on peut faire des choix stratégiques totalement différents. On peut tenter de s’imposer dans le milieu parisien pour relancer la pêche et le naturalisme – un choix très compliqué et qui demande beaucoup de temps – ou alors, on peut choisir de court-circuiter cette télé parisienne, cette culture parisienne, pour promouvoir la pêche à l’échelon local ou par d’autres médias (Livres, Internet, etc.). Ce dernier choix est plus facile à mettre en oeuvre, mais on perd l’aspect pratique d’une exposition nationale. On peut, enfin, passer directement à l’échelon international, politiquement ou médiatiquement, pour court-circuiter Paris. Ce que je viens de décrire n’est pas propre à la pêche. Toute pensée ou culture qui n’est pas représentée à Paris est simplement niée à la télévision comme chez les politiques, les artistes et les intellectuels, et je suis bien gentil de ne pas mettre ces trois derniers noms entre guillemets. Devant le blocage de ce petit milieu parisien, qui recrute entre copains, il faut défendre notre passion par tous les moyens. Les auteurs halieutiques, par exemple, doivent individuellement décider s’ils veulent combattre à la capitale, à l’échelon local, dans la presse à thème ou encore dans des médias internationaux. Mais tout pêcheur est concerné. La défense de la pêche se fait aussi à l’échelon individuel. Je vous avais déjà invité à défendre la pêche sur le Net, je vous dis maintenant que toute initiative sera la bienvenue. Et si, tout simplement, vous pensez à parler régulièrement de la pêche et du naturalisme autour de vous, ce sera déjà bien beau.