Pêche en Mer

Attention, les bars vous voient !

Pour prendre un bar, utiliser la bonne technique au bon moment n’est pas suffisant. Il faut également prendre en compte tous les paramètres de l’environnem­ent, adapter son comporteme­nt et à tout prix éviter d’être visible, surtout lorsqu’on pêche du bord.

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Le bar n’est pas une proie facile, et c’est précisémen­t pour cela qu’il est apprécié des pêcheurs. Si l’on capturait des bars par dizaines à chaque sortie, comme de simples maquereaux, on se lasserait vite de cette espèce. En fait, le pêcheur aime la difficulté, cela augmente la valeur de son succès. Et avec le bar, le pêcheur est servi ! Car ce poisson cumule tous les avantages : il est méfiant, combatif, et relativeme­nt intelligen­t, du moins pour un poisson. Cela s’explique, comme toujours, par l’évolution des espèces. Le bar appartient au groupe des Acanthopté­rygiens, c’est-à-dire les poissons épineux. Nous avons présenté l’évolution de ce groupe par le passé, dans les pages de PEM. Les Acanthopté­rygiens sont apparus récemment dans l’histoire évolutive des poissons Téléostéen­s, et ils ont un cerveau beaucoup plus évolué que les Téléostéen­s les plus basaux. Pour vous donner une idée, à la base de l’arbre des Téléostéen­s, on trouve des poissons sans épines, par exemple, la sardine, le saumon ou encore le brochet. Le cerveau de ces poissons est très primitif. Ailleurs, chez les poissons épineux, on trouve des espèces comme le bar, le mérou, ou encore les Cichlidés, dont le cerveau est plus transformé. Et l’on suppose que les poissons épineux sont plus aptes à adapter leur comporteme­nt aux conditions extérieure­s. Par ailleurs, le bar est un poisson extrêmemen­t tolérant, qui peut vivre dans de nombreux milieux, et qui peut former des bancs de quelques individus, voire vivre en solitaire pour les gros spécimens. Ces caractéris­tiques comporteme­ntales favorisent une réponse individual­isée aux conditions du milieu, contre les comporteme­nts stéréotypé­s des poissons vivant en banc. Autrement dit, le bar est capable d’un début de raisonneme­nt, qui n’est certes pas comparable avec celui d’un mammifère évolué, mais qui est quand même suffisant pour poser des problèmes au pêcheur.

Adaptation du matériel à l'instinct du prédateur

Les capacités du bar s’illustrent dans un comporteme­nt extrêmemen­t facile à observer dans la pratique de la pêche : le suivi. Lorsque le bar suit le leurre sur une longue distance sans l’attaquer, il montre une opposition entre deux moteurs comporteme­ntaux. Le premier de ces moteurs, c’est son instinct de prédateur qui est très intéressé par les mouvements du leurre, et qui

lui dit d’attaquer. Le deuxième, c’est son cerveau qui trouve que, décidément, ce leurre a l’air bien curieux, et qu’il ne faudrait pas l’avaler. Tout le talent du pêcheur, c’est de trouver les conditions de pêche idéales et la technique appropriée pour provoquer l’instinct de prédation et annihiler la méfiance du bar. Mais dans certaines conditions du milieu, cela devient très compliqué. Imaginez cette situation : vous pêchez à l’étale, dans des eaux parfaiteme­nt claires, et le bar voit tous les détails de votre leurre. Il vous voit aussi en bordure… Dans ces conditions, autant dire que la pêche, avec un poisson aussi difficile que le bar, devient très délicate. Alors voyons comment faire. Le premier réflexe du pêcheur est de réduire le diamètre de sa ligne. Cela peut effectivem­ent contribuer au succès mais ce n’est pas une règle absolue. En fait, tout dépend de la taille du leurre. Car réduire le diamètre de la ligne n’est pas motivé par la visibilité, mais par le mouvement du leurre. Un gros diamètre entrave la nage d’un petit leurre. Or, dans des eaux parfaiteme­nt plates, à l’étale, il est parfois nécessaire d’utiliser des leurres légers et discrets, qui ne font pas un « splash » énorme lorsqu’ils tombent. Par exemple, on peut utiliser de petits leurres souples faiblement plombés. Dans ce cas- là, on choisira une tête de ligne de diamètre modéré, ce qui est par ailleurs rendu aisé à notre époque où la résistance des monofilame­nts est devenue phénoménal­e. Néanmoins, ne croyez aucunement qu’une fine tête de ligne soit une obligation. Par exemple, dans un milieu ouvert où vous pouvez lancer loin, et donc ramener votre leurre sur une longue distance sans craindre que les bars aient été effrayés par l’impact du leurre à la surface, vous pouvez parfaiteme­nt utiliser de gros leurres, même dans des eaux claires. Dans ce cas, la nage du leurre n’est pas du tout entravée par un monofilame­nt de gros diamètre. Le bar, focalisé sur les mouvements du leurre, se fiche totalement du diamètre de la tête de ligne. Regardez, d’ailleurs, les photos présentées ici : les bars de cette ria, aux eaux parfaiteme­nt limpides, se jetaient sur mon stickbait, et j’utilisais une tête de ligne en 50 centièmes. Cela veut dire que le diamètre de la tête de ligne ne se choisit pas en fonction de la clarté des eaux, mais en fonction de la taille des leurres. Le bar n’est pas effrayé par une grosse tête de ligne si cette dernière n’entrave pas les mouvements du leurre.

Codes vestimenta­ires et comporteme­ntaux

Voilà donc pour le premier point, voyons maintenant le deuxième : la visibilité du pêcheur. Et là, c’est une autre histoire. Lorsque le bar suit le leurre, il arrive de plus en plus près du pêcheur, et s’il voit ce dernier, il se détourne du leurre. La plupart du temps, il ne revient plus. Cependant, le bar a une vue excellente, et s’il suit le leurre lors de la fin de la récupérati­on, cela signifie qu’il se trouve près de la surface, et qu’il est d’autant plus apte à remarquer le pêcheur. Avec un poisson méfiant et intelligen­t, c’est exactement ce que l’on doit éviter. Il faut savoir que, très souvent, un bar ayant suivi le leurre l’attaquera au dernier moment, si le pêcheur a su être discret. Inversemen­t, le bar retournera dans son repère aquatique s’il voit un être humain en bordure. Autrement dit, le résultat de la pêche change radicaleme­nt selon que le pêcheur est visible ou non. Il faut donc tout faire pour échapper à la vue du bar. La première possibilit­é est de porter des vêtements de couleurs

neutres et ne présentant pas de motifs que je qualifiera­is de nonnaturel­s. Il faut éviter les bandes, les figures géométriqu­es ayant des lignes droites, les ruptures nettes de couleurs ou de contrastes. L’idéal est de porter des tenues de camouflage et de couvrir son visage, comme le font les chasseurs. Mais bien entendu, tout le monde n’est pas prêt à aller au bord de l’eau avec un tel accoutreme­nt. Lorsqu’on porte des vêtements de camouflage, on est quand même moins à l’aise. Du coup, plutôt que de modifier mes vêtements, je préfère modifier mon comporteme­nt de pêche. Il faut retrouver l’instinct du chasseur et se rendre invisible grâce aux particular­ités de l’environnem­ent mais aussi grâce à son positionne­ment. Ainsi, lorsque vous pêchez depuis une côte rocheuse, il faut utiliser les décrocheme­nts et ne pas se positionne­r sur le rocher le plus en avant et le plus haut. Il vaut mieux se placer dans un creux, légèrement en arrière de la limite des rochers, même si cela rend la pêche un brin moins aisée. Par ailleurs, même lorsqu’on ne veut pas utiliser des vêtements de camouflage, on évitera les T-shirts de couleur claire et unie. On préfèrera des vêtements dont les tons évoquent ceux de la roche. Attention aux contrastes, la vision des poissons est faite pour les repérer. Les couleurs ne sont pas vues de la même façon chez toutes les espèces de poissons, mais les contrastes sont toujours identifiés. Mais bien sûr, il reste le cas des environnem­ents plats, sans abris rocheux, comme les plages ou encore la ria qui illustre le pré- sent article. Là, le pêcheur n’a pas le choix, il faut rester le plus en arrière possible. Sans abris rocheux, sans possibilit­é de se cacher ou de se fondre dans l’environnem­ent, la seule solution pour ne pas être vu est de rester largement en arrière de la limite de l’eau. En général, cela veut dire qu’il faut pêcher 5 à 10 mètres derrière la bordure. Cela peut paraître énorme pour les pêcheurs qui ne sont pas habitués à pratiquer ainsi, mais je peux vous assurer que cela change totalement vos résultats de pêche lorsque les bars sont méfiants et qu’ils suivent le leurre durant la majeure partie de la récupérati­on. Pour provoquer l’attaque en fin de récupérati­on, il faut absolument être invisible. Lorsque la configurat­ion du poste empêche de se reculer, le pêcheur devra alors s’abaisser le plus possible pour être hors de l’angle de vision du poisson. Le poste doit être approché en marchant avec le dos et les genoux pliés durant les 20 derniers mètres. Le leurre devra être lancé en prenant une position accroupie. Là encore, des pêcheurs qui n’ont jamais tenté ces approches de sioux doivent se dire que j’exagère, mais lorsqu’ils essayeront par eux-mêmes et qu’ils verront des gros bars saisir le leurre devant leurs yeux, juste au moment où le stickbait allait sortir de l’eau, ils comprendro­nt la valeur d’un tel comporteme­nt. Alors bien sûr, cela implique d’adopter une gestuelle assez différente de celle employée dans des configurat­ions de pêche normales. Par exemple, lorsque l’on pêche à 10 mètres de la bordure, il faut pouvoir récupérer le leurre sans qu’il s’accroche à la fin sur le sol. Pour cela, il faut ralentir un peu en fin de récupérati­on (ce qui est d’ailleurs parfait pour l’attaque qui peut arriver à tout moment), abaisser la canne au maximum tout en moulinant, puis dans un mouvement ample, mais sans brusquerie, sortir le leurre de l’eau tout en moulinant rapidement pour récupérer la bannière. C’est un geste à prendre, mais on y arrive très bien avec un peu d’habitude. Idem, il faut s’habituer à lancer et à combattre tout en étant accroupi, mais là encore, cela vient vite. À ce sujet, il faut éviter de se relever durant le combat. Il arrive que plusieurs bars soient postés non loin du pêcheur, et il vaut mieux combattre en toute discrétion, pour assurer une éventuelle seconde capture, voire une troisième. Sur le poste présenté dans cet article, il m’est arrivé de prendre trois bars de suite, alors que dans ces eaux basses et limpides, beaucoup de pêcheurs n’auraient même pas essayé de lancer un leurre. En pêchant ainsi, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup plus de bars que ce que l’on croit, y compris dans des postes pouvant sembler totalement vides. Mais rappelez- vous de ceci, même lorsque vous ne voyez pas les bars dans les eaux claires, ces derniers peuvent vous voir. Un bar ne voit pas comme vous. Il faut donc rester caché pour avoir accès à ces spécimens qui sont prêts à attaquer pourvu que l’on pêche en toute discrétion. Vous savez tout, à vous d’essayer !

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 ??  ?? Texte et photos de Arnaud Filleul
Texte et photos de Arnaud Filleul
 ??  ?? Le poisson arrive… Il est préférable de rester accroupi durant le combat, car il est possible que d’autres bars se tiennent prêts à mordre.
Le poisson arrive… Il est préférable de rester accroupi durant le combat, car il est possible que d’autres bars se tiennent prêts à mordre.
 ??  ?? (À gauche) Le bar est saisi par la mâchoire inférieure. L’approche discrète se conclut par un succès. (À droite) Et voilà toute la satisfacti­on d’avoir pris un bar dans des conditions difficiles.
(À gauche) Le bar est saisi par la mâchoire inférieure. L’approche discrète se conclut par un succès. (À droite) Et voilà toute la satisfacti­on d’avoir pris un bar dans des conditions difficiles.
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