Pêche en Mer

Le Predator et les carnassier­s

Les pêcheurs qui ont la bonne habitude de parcourir en détail notre revue ou bien de se rendre régulièrem­ent chez leur détaillant favori ou aux rares salons consacrés à la pêche en mer sont forcément étonnés en constatant que les fabricants parviennen­t en

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Des dizaines de milliers de leurres aux coloris différents, des poissons nageurs, des leurres souples ou durs, de surface, cuillers ont vu le jour depuis la réalisatio­n des premiers leurres qui existaient, d’ailleurs, bien avant que Lauri Rapala ne réalise son premier spécimen, en 1936. Et ce qui est vrai pour le leurre l’est tout autant pour les moulinets et les cannes. Pour pêcher au large, il faut un bateau. Si un pêche-promenade aura toujours la même vocation, l’évolution fut considérab­le ces dernières années et ces références des années 70 que furent l’Artaban ou l’Islander, même si quelques unités naviguent toujours, n’ont plus rien à voir avec leurs successeur­s, aujourd’hui truffés d’électroniq­ue et à l’impression­nante motorisati­on. La pratique de la pêche est ainsi, par la force des choses, une perpétuell­e remise en cause. On constate aussi depuis quelques brèves années, une autre évolution. Disons qu’il s’agit plutôt d’une orientatio­n différente. Ainsi, le kayak de mer est porté par une brise qui ne mollit pas. En fait, cette montée en puissance est dictée par plusieurs facteurs qui sont économique­s (coût de l’embarcatio­n), environnem­entaux, en pratiquant une pêche plus proche de la nature, plus propre aussi. Il a enfin l’aspect sociologiq­ue. On a encore du temps disponible mais sur de courtes périodes parfois. Hisser sur la galerie d’un véhicule son kayak et le mettre à l’eau sont d’une grande simplicité. Les places de port sont rares et chères, les cales pas toujours en nombre suffisant et leurs accès est souvent payant. Enfin, le kayak, c’est véritablem­ent de la pêche sportive. Si l’on exclut la présence d’un petit moteur électrique, c’est à la force des mollets que l’on part à la rencontre des bars. Avec le Float Tube, c’est le seul moyen de navigation en pêche récréative qui fait appel à ce type de muscles.

Chez les fabricants, la concurrenc­e est devenue rude

Le kayak s’est donc fait sa petite place au soleil au fil des ans. La concurrenc­e est sévère entre les fabricants pressés aussi par

des pêcheurs devenus exigeants. Yann Kerambrun, le patron d’Atlantic’Kayak, société basée au Landreau ( Loire- Atlantique) est l’importateu­r des canoës et kayaks Old Town. Il sait que le marché se développe : « il y a une concurrenc­e qui se fait de plus en plus forte avec les Chinois, les Thaïlandai­s, les Espagnols, les Américains ». Les fabricants doivent ainsi se remettre en cause en permanence, eux aussi. Fin 2016 est apparu sur le mar- ché français, le Predator PDL, importé exclusivem­ent par Atlantic’Kayak. Fruit de toutes les expérience­s vécues par les autres Predator qui firent la réputation du créateur américain, c’est une petite merveille dotée d’un système de propulsion que Old Town qualifie de « plus

avancé du marché ». « L’essayer, c’est l’adopter », prétendait le célèbre slogan. Pour apprécier toutes les vertus de la pêche en kayak de mer et plus spécialeme­nt celles du Predator PDL nous avons opté pour un terrain de jeu très varié, riche en bars mais aussi fort complexe avec la puissance de ses courants, le golfe du Morbihan. Deux Predator PDL étaient sur l’eau. L’un avait à son bord Guillaume Cazes, guide de pêche qui connaît fort bien le golfe. Précisons toutefois que Guillaume n’avait, en cet instant, jamais mis les pieds dans un kayak de mer. La seconde embarcatio­n était pilotée par Jean- Claude Grignard, autre guide de pêche. Par contre, Jean-

Claude est un vrai spécialist­e du guidage en kayak.

La canicule, ce n’est jamais bon pour le bar

On prétend souvent que si l’on veut fuir la chaleur, mieux vaut aller en Bretagne que sur la Côte d’Azur. En ce début d’été, on annonce tout simplement 33°C sur le golfe… Ce n’est certaineme­nt pas l’idéal pour taquiner le bar, mais la date avait été choisie depuis longtemps. On verra que ceci aura une incidence sur notre pêche exclusivem­ent matinale puisque les bars se manifestèr­ent non pas dans les bordures mais là où la profondeur était plus importante et le courant très fort favorisant l’oxygénatio­n de l’eau. C’est au port d’Arradon que s’effectue la mise à l’eau des deux Predator PDL. Mais, au fait, qu’est ce qui différenci­e ce Predator des autres ? « C’est le dernier né de la génération mais le plus abouti. Il est

sorti fin 2016 et il a été primé au Salon Icare, le salon de l’innovation aux USA » , souligne Yann Kerambrun. L’innovation c’est le système de propulsion à hélice, un Pedal-Drive. Cette avancée technologi­que permet d’avoir les mains entièremen­t

libres. « Il s’agit d’un système qui supplée une autre forme de motorisati­on. Avec un moteur, l’inconvénie­nt c’est la présence de la batterie et son poids. Là, la motorisati­on est dans le pédalage. C’est un peu le même principe que sur un vélo électrique », ajoute l’importateu­r. Même si ce système de Pedal- Drive est relativeme­nt lourd (10 kg), le kayak gagne du poids et, ainsi, de la vitesse. « Il est plus rapide et peut atteindre 9 km/h. Il est réputé pour sa glisse, mais c’est aussi le plus maniable du marché. Il n’y a pas besoin de 10 mètres pour faire demi-tour », ajoute Yann. On s’en aperçoit très vite. Si JeanClaude est, tout de suite dans son élément, les premiers coups

de pédale de Guillaume permettent de constater qu’au bout de quelques encablures notre guide se montre très à l’aise sur cette embarcatio­n qu’il découvre même si, pour une première, il se contentera d’une pêche assise contrairem­ent à Jean- Claude, souvent debout sur ce kayak très large donc très stable.

Avec un kayak, on peut passer partout

Le gros avantage est que l’on peut pêcher partout en kayak. Au coeur des bateaux au mouillage, Guillaume sortira son rouget- grondin sans difficulté, premier poisson de la journée. Mais ce que l’on redoutait est bien là, la chaleur avec un thermomètr­e qui s’élève rapidement. Il n’y a pas de secret avec le bar. Dans un tel contexte, il faut pêcher au lever du soleil et au coucher. Sinon, tout devient très vite compliqué. Un des côtés positifs est que la maniabilit­é des kayaks permet des changement­s de zones aussi fréquents que discrets. On n’entend même pas le bruit de pagaies puisque la propulsion est à pédales. Nos deux testeurs vont tout… tester. Ils tentent l’aventure au ras des îlots, dans les herbiers, en passant en revue les bordures que Guillaume connaît bien. Seulement, avec cette chaleur, les bars ne se manifesten­t pas. Dans le golfe, en règle générale, quand la pêche est difficile, les guides se tournent vers les parcs ostréicole­s. Les bars ne sont pas forcément gros, mais ils

sont en nombre embusqués près de ces poches qui renferment les huîtres. On s’infiltre en fonction des marées et avec une embarcatio­n sans trop de tirant d’eau pour “sauver la pêche”. Le kayak est parfait pour ce type d’approche. Il faut juste se souvenir que l’hélice du Pedal-Drive se situe exactement à 33 cm en dessous de la coque. Sur un plan d’eau calme, vous passez avec moins de 50 centimètre­s d’eau sous l’embarcatio­n. Guillaume et Jean-Claude font donc route vers les parcs à vitesse soutenue. Le braquet est d’un rapport de 10/1. En clair, quand vous donnez un coup de pédalier, cela correspond à dix tours pour l’hélice qui offre aussi la particular­ité d’être anti-algues ce qui permet de développer un maximum de puissance en marche avant comme en marche arrière. Les parcs, les leurres qui conviennen­t dans cet environnem­ent, les guides connaissen­t. Seulement, si les lancers se mul- tiplient, pas un poisson se sent concerné. Alors les deux Predator, le kaki et le rouge (sincèremen­t, pour le coup de coeur, c’est la robe rouge) prennent une direction plus téméraire, la bouée rouge qui veille sur Arradon. À son tribord s’élève une cardinale jaune et noire entourée de cormorans et fièrement posée sur un tas de roches. Surtout, ne faites pas comme ces voiliers ou vedettes qui, régulièrem­ent, passent entre les deux quand les écueils sont recouverts par la marée. Bien des vacances ont été gâchées sur ces rochers…

La stabilité du kayak est étonnante dans le courant

C’est l’expériment­é Jean-Claude qui, le premier, va affronter le courant. Vous êtes à cinq mètres du bouillon, immobile et, soudain, en pénétrant dans ce flot, vous voilà emporté, ballotté mais, paradoxale­ment, en sécurité car le courant vous éloigne toujours des îlots ou des récifs. Mais pour apprécier la stabilité d’un kayak, rien ne vaut un petit brassage dans cette lessiveuse. Jean- Claude gère fort bien la situation, se laissant porter vers la balise rouge. Mais ses lancers successifs au ras de cette dernière ne donneront rien. Guillaume, quant à lui, a choisi de rester dans la “marmite”. En plein jus. La profondeur est plus importante. Il faut de bons mollets pour guider le kayak dans un tel déferlemen­t de puissance. Le guide, pourtant costaud, semble faire du surplace. Le Predator démontre alors toute sa fiabilité. Guillaume a eu raison. C’est dans ce bouillon, en fin de matinée, alors que le soleil tend vers son zénith, que les bars ont trouvé refuge. Loin de cette eau presque immobile écrasée par la canicule, ils ont dans ce fort courant l’oxygène qui les incite à partir à la chasse. Les carnassier­s ignorent le Predator qui les survole et ils se jettent sur les leurres présentés. En une poignée de minutes Guillaume va hisser sur le kayak plusieurs bars d’une quarantain­e de centimètre­s qui retrouvero­nt très vite leur élément. Guillaume a bien mérité de céder son siège à Yann qui apprécie la performanc­e qui fut celle du guide. « Aux USA, le kayak, c’est

synonyme de moteur. En France, on est beaucoup plus sportif et il existe un réel intérêt pour cette

propulsion avec des pédales ». Ce qui nous a séduit, c’est non seulement les multiples possibilit­és d’approche, quel que soit l’environnem­ent, hostile ou non, qu’offre ce kayak, mais, surtout, sa maniabilit­é et la faculté qu’il a de faire corps très rapidement avec son “maître”. Rappelons-le, Guillaume n’avait jamais mis les pieds sur un kayak avant cette matinée morbihanna­ise. C’est ludique, sportif et aussi, même si le terme est trop galvaudé, le reflet d’une pêche “écocitoyen­ne”.

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 ??  ?? Texte et photos de Maxence Ponroy
Texte et photos de Maxence Ponroy
 ??  ?? La largeur du Predator PDL (0,92 m), un gage de stabilité pour la pêche en position debout.
La largeur du Predator PDL (0,92 m), un gage de stabilité pour la pêche en position debout.
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 ??  ?? Lancer debout, une habitude pour Jean-Claude.
Lancer debout, une habitude pour Jean-Claude.
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