Pêche en Mer

À quelle profondeur rechercher le bar ?

Le bar se promène un peu partout sur la côte, et son champ d’action est immense. Cela couvre des kilomètres de territoire, mais également des profondeur­s très variables allant de quelques centimètre­s à plusieurs dizaines. Mais où faut- il le rechercher, e

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Voilà bien un sujet épineux et complexe que nous nous apprêtons à aborder ! Rechercher un poisson dans un océan revient évidemment à chercher une aiguille dans une botte de foin, en pire… Il faut bien pourtant commencer par quelque part. En bateau, chacun sait que la pêche se déroule selon trois grandes stratégies majeures que sont : La pêche à vue – on scrute la surface, on recherche les oiseaux, les chasses et on se rend sur les lieux. À ce jeu on est évidemment certain d’y trouver quelque chose à prendre. La pêche ciblée – généraleme­nt ciblé au sondeur, le poste de pêche est exploité avec précision et répétition. La pêche au p’tit bonheur la chance – on se laisse dériver, sans savoir où on va, ni pourquoi, et parfois ça paye. De ces trois stratégies, deux peuvent être retirées du jeu si nous nous intéresson­s à la profondeur, je suis certain que vous avez identifié lesquelles. La pêche à vue et au p’tit bonheur la chance n’ont pas de raison de s’intéresser à la profondeur. La pêche ciblée peut, quant à elle, nous amener à tenir compte de cette donnée, à condition qu’on s’y intéresse avec logique. J’entends par logique le fait de

choisir un poste en fonction d’une profondeur cohérente, et non pas en raison de sa seule proximité. Ainsi, on préfèrera parfois pêcher à proximité de la côte, parfois non. On peut aussi retenir le fait que la profondeur peut être choisie par rapport à la technique employée. À l’évidence, il serait stupide de pêcher dans deux mètres d’eau à la verticale, ou au poisson nageur sur 30 m de fond (si on cible une tête de roche, par exemple).

Là où le bar se trouve

Le bar est un poisson plurivalen­t. Il peut se trouver à des profondeur­s très variables. Ainsi, on peut le trouver tout au bord d’une plage, à des pressions quasiment nulles. On peut aussi le trouver à des profondeur­s conséquent­es, où les pressions sont fortes. Sa résistance aux pressions est importante, ce qui explique sa capacité à passer du jour au lendemain d’un secteur à un autre. Cela étant précisé, il faut admettre que c’est moins la pression bathymétri­que que les circonstan­ces extérieure­s qui font bouger notre poisson. Il se trouve effectivem­ent là où il a intérêt à être, et toujours pour une seule et unique raison : sa survie. Le terme de survie n’évoque pas ici le fait de lutter atrocement pour éviter la mort. L’animal est plongé dans un univers dangereux pour lui. Il est nettement moins sécurisé que nous croyons l’être nous-même. Chaque jour des évènements se produisent auxquels il doit réagir, soit pour éviter la mort, soit pour entretenir la vie, ou la créer. C’est toujours en suivant l’un de ces trois impératifs que le poisson navigue entre le noir des grandes profondeur­s et la lumière des eaux de baignade. Le pêcheur qui prétend pêcher du bar doit impérative­ment savoir où il se trouve. Cela ne se décrète pas à grand coup d’électroniq­ue, car cette dernière ne voit que ce qui se déroule sous les yeux de sa sonde. L’électroniq­ue ne réfléchit pas, elle voit à l’instant présent. Le poisson réfléchit et anticipe, et si le pêcheur n’a pas toujours la faculté d’anticiper, au moins peut-il réfléchir.

Là où le bar peut se trouver

Où le bar peut-il bien se trouver aujourd’hui ? Voilà venu le moment de larguer les amarres. Le bateau quitte le port ou l’embarqueme­nt. Le moment est venu de réfléchir quelle direction prendre… Le bar peut donc se tenir à divers endroits, soit pour éviter la mort, soit pour l’entretenir, soit pour la créer. Cette phrase est une sorte de mode d’emploi. Éviter la mort soulève une question : pourquoi le bar peut-il mourir ? À court terme, trois choses peuvent entraîner la mort : la températur­e, le taux de salinité et la pollution. La dernière hypothèse a malheureus­ement souvent gain de cause. Nous n’en parlerons donc pas. La salinité ne concerne que les estuaires, lesquels peuvent produire des baisses brutales de salinité lors des crues. Les crues peuvent pousser les bars loin de la côte, brutalemen­t. Cela ne peut être que temporaire, le temps que notre poisson s’acclimate (ce qu’il peut faire). Admettons néanmoins que durant les jours qui suivent une crue brutale les bars se trouvent plutôt à des profondeur­s plus importante­s, là où les eaux douces sont dissoutes. Il s’agit d’une situation toujours localisée qui ne touche que les pêcheurs qui oeuvrent à proximité d’estuaires.

La températur­e est en revanche un phénomène universel qui touche non seulement le bar, mais bien d’autres espèces. La tolérance aux températur­es est un élément qui impacte clairement la survie du poisson. Une baisse ou une hausse brutale de plusieurs degrés est mortelle. Les hausses le sont d’autant plus qu’elles font chuter le taux d’oxygène dans l’eau, engendrant un cercle vicieux (mort et putréfacti­on des végétaux, laquelle consomme de plus en plus d’oxygène). Ce point est factuel, et constaté absolument partout, là où ces variations peuvent se produire. En été, on constate ces hausses de températur­e essentiell­ement en bord de mer. Ces variations peuvent entraîner une fuite des poissons vers les secteurs oxygénés, soit les courants, soit les profondeur­s. De fait, si vous ne voyez plus ou n’entendez plus parler des bars à la côte, c’est bien souvent en raison des températur­es. Sachant que la plus grosse densité de nourriture reste associée à un certain minimum de températur­e, les bars chercheron­t certes à se protéger, mais sans trop s’éloigner de leurs bases nourri- cières. On les trouvera alors sur des profondeur­s où la températur­e commence à rester stable. Ce phénomène est d’autant plus important et durable que la chaleur persiste (comme durant les phases de canicules estivales). Venons-en à présent au phénomène inverse. Considéron­s que les bars ont fuit la côte, car devenue trop chaude après plusieurs jours de canicule. Se lève alors un vent de terre, rafraîchis­sant. Non seulement le brassage en surface par un vent frais va rééquilibr­er les taux en oxygène, mais cela va également offrir de belles conditions de chasse aux prédateurs. Attention cependant, les poissons peuvent ne pas se rapprocher de la côte, mais simplement remonter vers la surface. Pour que les poissons se rapprochen­t à nouveau de la côte il faudra que l’ensemble de la masse liquide soit équilibré, supposant plusieurs jours de températur­es plus basses. Cela est dû à l’inertie naturelle qui impose

que le poisson s’acclimate. À toucher terre, l’eau se refroidit très vite, et ce n’est qu’au fil des heures que les échanges thermiques vont conduire à une homogénéit­é. De la même façon que le bar fuit l’eau qui se réchauffe brutalemen­t, il ne fonce pas tête baissée dans une eau trop froide. Il reste donc temporaire­ment à la même distance de la côte, mais peut monter chercher les eaux proches de la surface.

Profondeur et âge des poissons

Les recherches sur l’espèce bar sont très récentes. On ne dispose donc actuelleme­nt que de données partielles qui ne peuvent suffire à poser des certitudes. Néanmoins, je me permets d’avancer une hypothèse qui concerne les gros poissons. Si je m’en réfère à mon expérience sur l’eau, et notamment à ces 15 dernières années, je constate que la densité de gros poissons a très longtemps été supérieure au large qu’à la côte. On peut avancer tout un tas d’hypothèses différente­s sur ce sujet, mais je fais le choix de n’en suivre qu’une seule ici. Il me semble qu’arrivé à un âge avancé, les poissons ne fassent plus l’effort de naviguer entre la côte et le large. Mon hypothèse est qu’en vieillissa­nt (donc en grossissan­t), les poissons deviennent moins mobiles. Ce n’est pas parce qu’ils sont plus gros qu’ils mangent plus, contrairem­ent à ce que l’on peut penser. Ils mangent en fonction de leurs besoins physiologi­ques. Cependant, un poisson qui bouge peu a moins besoin d’énergie qu’un autre qui nage beaucoup, qui lutte contre les courants… À l’inverse, un gros poisson mange moins en proportion, car il adopte une vie plus sédentaire. C’est selon moi pour cette raison que les gros poissons finissent par rester à des profondeur­s stables, au large. Sédentaris­és sur des secteurs protecteur­s et nourricier­s, comme les épaves ou les têtes de roche, ils ne s’épuisent plus à rejoindre les zones de fraie comme le font les jeunes spécimens bien frais et vigoureux. La reproducti­on est évidemment un transit annuel très important pour l’espèce, et elle explique à elle seule les grands rassemblem­ents de l’automne. À cette période, tous les poissons (ou presque) qui ont élu domicile entre 0 et 20 m de profondeur se rassemblen­t pour partir au large. C’est ce qui donne lieu à de si denses concentrat­ions. C’est aussi à cette période de l’année que les températur­es sont les plus homogènes (avec le printemps) et adaptées à l’activité des bars. Ils ont besoin de manger, la nourriture est concentrée pour partir elle aussi, et c’est la curée. C’est bien pour toutes ces raisons que les bars se prennent au fond, entre deux eaux ou en surface durant cette période de l’année. Je souhaite conclure cet article par une synthèse de mon expérience de pêcheur, mais aussi de journalist­e. La profondeur à laquelle se trouvent les poissons est un sujet d’étude complexe. Au cours d’une saison, il est très rare de se trouver confronté à une situation où tous les poissons s’alimentent à la même profondeur tout au long de la côte. Cela dépend d’un si grand nombre de facteurs qu’il me semble tout à fait illusoire de ne se baser que sur la seule profondeur. Les poissons sont plus sensibles, me semble-t-il, à la densité de nourriture qu’à une températur­e précise. Ceci étant dit, la températur­e de l’eau influence l’homéostasi­e du poisson. Il ne peut vivre correcteme­nt si la températur­e fluctue dans tous les sens. De ce fait, oui la profondeur est un élément à prendre en compte, mais cela ne représente que quelques périodes assez rares durant la saison.

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Texte et photos de Denis Mourizard
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Ne vous focalisez pas sur vos coins habituels qui peuvent eux-aussi muter durant cette période. Si en Méditerran­ée la températur­e pèse énormément sur le comporteme­nt des poissons, les marées en Atlantique ont bien plus d’influence que les degrés. Quand...
 ??  ?? Plus vigoureux, les jeunes bars sont plus mobiles et peuvent d’un jour à l’autre changer totalement de zone.
Plus vigoureux, les jeunes bars sont plus mobiles et peuvent d’un jour à l’autre changer totalement de zone.
 ??  ?? La nature du leurre a une importance. Ce shad descendra moins vite qu’un slug, et sera donc plus précis pour capter la bonne profondeur.
La nature du leurre a une importance. Ce shad descendra moins vite qu’un slug, et sera donc plus précis pour capter la bonne profondeur.
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Au cours d’une saison, il est très rare de se trouver confronté à une situation où tous les poissons s’alimentent à la même profondeur tout au long de la côte.

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