Jigs lourds et profondeurs raisonnables
Utiliser des jigs de plus de 300 g pour pêcher des fonds de moins de 100 mètres ne vient pas forcément à l’esprit. Pourtant, en Islande, cette technique a beaucoup de succès…
Apriori, unjig lourd ne s’utilise que pour contrer des fonds très importants ou des courants monstres. C’est en tout cas ce que je pensais avant de partir en Islande. Sur les conseils de mon ami Marco, j’ai glissé une paire de jig de 400 et 500 g dans mon sac déjà bien rempli. Je pensais aller chercher de belles morues à des profondeurs abyssales, et accrocher ces jigs lourds au bout de mon bas de ligne afin d'exploiter des fonds de 50 à 80 mme semblait judicieux. Il est vrai que les touches sont forcément au rendez-vous au vu de l' importante densité de poissons. Mais là où le test prend toute sa valeur, c’est que les jigs plus légers ne provoquent pas autant d’attaques. Pire ou mieux selon un point de vue plus physique, nous allons quotidiennement observer que ces monstres jigs sont les seuls à faire bouger les beaux poissons sur des périodes de plusieurs heures. Dans ces cas-là, la comparaison avec des jigs plus légers, qu’ils soient planants, virevoltants, épais ou effilés est sans appel ! De quoi aiguiser notre curiosité. Comme je suis persuadé que toutes les techniques du monde servent à enrichir sa propre expérience, je me dis qu’il faudra que je teste ce type de leurre terriblement pesant lors d'une pêche plus exotique. Et suite à mon expérimentation islandaise, j’aurai l’avantage d’y croire dur comme fer !
Sur des fonds variables
Les profondeurs que nous avons exploitées sont extrêmement raisonnables. Les 100 m font figure de gouffre vertigineux et nos rares tests nous ont démontré que ce n’est pas dans ces cas précis que nous avons enregistré le plus de touches. Le plus communément, nous avons prospecté des profondeurs de 40 à 80 m. En Islande du Nord ce sont ces couches d’eau qui sont les plus prolifiques. C’est à ces occasions que l’efficacité des jigs lourds a pris toute sa valeur. Et pourtant, par
méfiance et pour des raisons de confort, j’ai plus d’une fois essayé mes autres leurres en plomb moins volumineux. Rien n’y fait, ce sont bien ces « bananes » de 400 et surtout 500 g qui ont obtenu les plus beaux succès. Lorsque le sondeur indique entre 40 et 60 m la descente du jig se fait très rapidement. Une fois au fond, les sensations sont si précises que nous avons l’impression d’être pendu en direct avec notre leurre. Même avec le vent et le courant, notre tresse demeure tendue en ligne droite entre le jig et le scion de la canne ! Cela donne l’avantage de ressentir pleinement le travail de notre morceau de plomb. Donc une technique intéressante quand les
conditions météo ne sont pas optimum. L’inconvénient est d’avoir la nette impression de dandiner un leurre inapproprié lorsque les touches se font attendre. Le leurre semble inadapté et on en vient à se demander si les coups de folie précédents n’étaient pas de la chance ! Dans le nord de l’Islande, le chemin qui mène à l’action est très court, l’attente est infime. En revanche, tester de tels leurres au niveau exotique va demander un moral de… plomb ! Pour les profondeurs de 60 à 80 m, l’efficacité reste la même. Le ressenti est peut-être plus apprécié, la longueur de ligne atténuant légèrement le poids extrême d’un jig de 400 ou 500 g. En cas de courant fort ou d’un vent en opposition à la dérive naturelle du bateau, ce genre de leurre est appréciable. Reste que cette technique est assez physique et qu’il faut trouver les bons gestes pour prendre du poisson et ménager un tant soit peu nos muscles.
Formes de jigs en maniements
Dans cet exercice des jigs lourds j’ai utilisé plusieurs formes pour voir si le seul poids élevé d’un jig est la raison de son succès : les longs et fuselés, les courts et trapus, et enfin ceux qui ont la forme d’une banane. Visiblement le poids a beaucoup d’importance car l’ensemble de ces jigs lourds donne de bons résultats. Mais de tous ces essais il ressort que les jigs lestés sur l’arrière sont moins convaincants. La raison vient du maniement que la pêche à la morue exige. Une fois le jig au fond, le pêcheur le décolle sans mouliner de toute la hauteur de la canne et le laisse retomber. La remontée sur 2 ou 3 m du jig se fait assez lentement. La canne est levée le plus haut possible, sans à-coup. Une fois le jig décollé, nous le laissons retomber soudainement. Un jig plombé sur l’arrière fera ces trajets allers- retours sans aucun effet particulier. Tandis que les jigs au poids équilibré ou d’une forme légèrement en croissant, vont à la descente apporter quelques variantes qui s’avèrent aguichantes. Il s’agit pour la morue d’explorer la couche la plus inférieure du fond. Cela n’empêche pas de temps à autre de faire quelques montées. Notamment lorsque le sondeur est saturé d’échos à toutes les hauteurs possibles ! Cependant, une retombée brutale avec un jig qui virevolte est la principale raison d’un large succès et de la différence avec les autres jigs. Dans l’unique souci de s’économiser, nous avons tous adopté un maniement assez pépère ! Autrement dit, les deux mains tiennent le talon de la canne, une en haut, une en bas et nous laissons le moulinet tranquille. C’est une pêche à
la dandine... Pas forcément passionnante comme gestuelle mais l’avantage de pouvoir tenir dix jours sans courbatures est à retenir. Les habitués, ce que je ne suis pas, aiment avoir une canne plus longue en main pour justement amplifier cette montée et descente du jig. Nos cannes courtes de 1,60 m à 1,80 m étonnent nos amis islandais. Qu’importe si c’est un peu moins performant, c’est en tout cas plus reposant ! Et comme le nombre de prise est hallucinant, une de plus, une de moins cela ne se remarque absolument pas… Le test des morues est convaincant, et pourquoi ne pas essayer la technique sur des poissons plus exotiques ?
Ce que j’ai observé
Comme je l’ai fait remarquer, dans la localité de Sudavik les morues sont légion. Il y en a énormément et en plus elles sont actives. À partir de là, les touches seront en toute logique nombreuses. Mais la pêche ne se limite pas à une quantité de touches par pêcheur, la recherche d’un beau poisson est évidente. Le positionnement du bateau est simple, la première dérive faisant office de test dans la dérive. Après, l’écran du sondeur délivre
une vision hallucinante de ce qui se passe sous la coque de l’embarcation. Même en ces lieux, il arrive que les touches soient plus espacées et que les petits poissons prennent malheureusement le dessus. Si l’écran du sondeur se vide, il suffit de changer de poste ou de réajuster la position du bateau. Mais lorsque le sondeur nous indique une épaisseur incroyable de poissons, la question se pose, que se passe-t-il sous la surface ? Mon ami Marco nous a apporté un élément de réponse passionnant ! Il a installé sur sa ligne une caméra juste au-dessus de son jig et le spectacle commence… Le soir, tranquillement installés dans notre chalet, nous visionnons les images. C’est un peu la pochette surprise ! Les périodes d’activité montrent une profusion de morues qui se battent pour attaquer le jig. En revanche, lorsque ce jig est mal manié, il y a un net désintérêt. Et ce sont les moments que nous jugions les plus délicats qui me captivent. Car la densité de morues reste identique, seul le comportement des poissons change. Ils sont là, ils tournent autour du leurre sans le toucher. Une ombre passe, c’est une morue de plus de 10 kg qui nage tranquillement. Le travail d’un jig lourd est parfois fastidieux, en tout cas c’est ainsi que je le ressens. Et au bout de mon bas de ligne, si ce jig n’est pas aguichant, les poissons s’en écartent dans une totale indifférence ! Néanmoins, il suffit de quelques gestes appropriés et les morues s’approchent à nouveau du jig, le frôlent, l’attaquent. C’est passionnant de voir que ces périodes plus difficiles sont loin d’être vides et que les poissons peuvent, par des maniements soignés, passer à l’attaque. La pêche au jig a cette particularité, lorsque vous êtes dans le coup, les prises s’enchaînent rapidement, mais si un doute ou la fatigue intervient, les moments creux seront immédiats, même en Islande, surtout avec des jigs lourds. Une caméra apporte une vision nouvelle, j’imagine que partout dans le monde, sur des zones poissonneuses, les réactions des poissons sont plus ou moins calquées sur un schéma similaire. C’est pour ces moments de découverte et d’observation que la pêche passionne. Et en Islande ce sont les morues et les jigs lourds qui méritent tout notre intérêt pour le moment.
Le matériel doit être costaud !
La pêche à l’aide de jigs massifs a le défaut d’exiger l’utilisation d’un matériel puissant. Le trio canne/ tresse/moulinet est mis à l’épreuve. La taille des poissons n’est pas en cause. Nous prendrons un grand nombre de morues de 10 à 18 kg, des poissons parfois élancés, d’autres plus trapus. Les bagarres sont assez lourdes, quelques coups de tête et au final le frein ne délivre que très peu de ligne. Donc à ce niveau, un matériel puissant n’est pas obligatoire, loin de là. Nous avons essayé de nombreux leurres ainsi que des jigs plus légers. Un équipement en 50 lbs est suffisant, surtout qu’une certaine souplesse de canne permet de mieux travailler ces leurres moins volumineux. Notre problème vient du poids extrême d’un jig de 500 g ! Chaque phase de pêche met à l’épreuve la totalité du matériel. Si vous pêchez avec un moulinet à tambour fixe, pas de doute il va falloir choisir une gamme solide. Un Shimano Stella 10 000 est tout indiqué. Quant à la tresse, elle souffre également de devoir tracter constamment ce poids. Mes bobines étaient remplies de tresse 80, c’est vrai que du 60 aurait été plus adapté. J’ai profité de l’occasion pour tester une canne en deux brins, 85 cm d’encombrement une fois pliée. Intéressant pour les voyages ! Avec une puissance de 80 lbs, et une action très raide, tous les jigs lourds ont pu être maniés sans souci. Il n’en reste pas moins que pour pêcher des morues cette technique ne fait pas dans la finesse. À contrario, pour ceux qui utilisent des moulinets à tambour tournant, il est possible de pêcher plus fin. Pourquoi ? Tout simplement parce que la ligne est en directe sur la bobine du moulinet, sans passer par un pick-up. Et je peux garantir que les pick-up n’apprécient pas du tout les jigs de 500 g ! Encore une fois ce n’est pas la bagarre d’une morue, même si elle dépasse 20 kg, qui justifie un équipement solide. Concernant le bas de ligne, un nylon de 100 à 130 lbs est amplement suffisant. Pas de dents tranchantes au programme. Mais le nombre impressionnant de combats demande un peu de sérieux au niveau de ce bas de ligne. Je préfère pêcher avec 4 m de bas de ligne et visiblement les poissons apprécient aussi. En Islande, les locaux se passent souvent de bas de ligne en accrochant le leurre directement sur la tresse. Dans un pays où il y a autant de poissons ce n’est pas un problème. Mais si vous exportez cette technique en outremer, un bas de ligne long fera largement la différence…