Large Le lieu jaune toute l’année !
Malgré un été bien installé, la température de l’eau dans les grands fonds reste plus fraîche. Une aubaine pour viser du gros lieu jaune tout au long de la saison.
Alors que le quota zéro est toujours de rigueur pour le bar dans le nord de la France du fait des lenteurs administratives européennes, il reste possible de viser le lieu jaune en été dans les grands fonds et, si cela vous tente, d’en prélever un pour les plaisirs de la table. Si les plus gros lieus se piquent souvent entre janvier et avril, ils se pêchent bel et bien toute l'année dans les fonds de plus de 40 mètres, y compris au coeur de l'été.
Ces Gadidés mordent bien à l'étale
Il est certain qu’à partir d’avril, la tentation de courir après le bar est compréhensible. Le poisson roi de nos côtes se pêche aussi bien en surface depuis le bord qu’au large dans plus de 30 m de profondeur. Quel plaisir de traquer ce carnassier accessible à tous y compris au plus haut de l’estran. À défaut de bar, une navigation hauturière sera nécessaire pour cibler un autre poisson trophée : le lieu jaune. Capable d’atteindre le mètre pour plus de 10 kg, le Pollachius pollachius chasse dans les grands fonds sur toute la façade Atlantique. En hiver, les lieus approchent les postes côtiers mais au printemps, ils regagnent les couches d’eau plus profondes. À partir de 35 ou 40 mètres de profondeur, toutes les épaves et ridens sont susceptibles d’abriter des lieus jaunes
toute l’année. J’ai profité de cette réalité durant quelques années lors des navigations régulières dans le détroit du Pas-de-Calais. Alors que les camarades de pêche s’entêtaient à chercher le bar à l’étale de courant en dehors de ses heures de repas, je profitais de ce moment de calme pour piquer deux ou trois belles prises de Pollack (appellation du lieu jaune issu de son nom scientifique). Ces Gadidés mordent bien à l’étale qui dure deux à trois heures en fonction du coefficient de marée, mais aussi aux débuts et fins de courant.
La thermocline saisonnière
La température de surface est bien différente 40 mètres plus bas ! L’ensoleillement et la température de l’air influencent la couche d’eau superficielle mais son incidence sur le reste de la masse d’eau océanique est très faible. Lorsque le soleil rayonne régulièrement sur la surface de l'eau à partir d'avril ou mai, la couche superficielle se réchauffe doucement. Avec les courants, cette zone de chaleur se mélange bien entre 0 et 20 mètres et se tient à une température presque homogène. Au-delà de 40 m, la température de l'eau varie entre 5 et 7 °C, ce qui montre une influence très faible des conditions météorologiques et des saisons sur ces profondeurs. Entre ces deux zones de surface et de profondeur, il se forme une frontière où la température chute radicalement, marquant
« Tout commencera par la recherche du spot. Il faut garder en tête que les lieus jaunes peuvent être mordeurs sur une phase de marée et pas sur l’autre. Par exemple, la pêche peut être bonne au montant mais jamais au baissant sur un même coin ! »
la barrière entre deux couches d'eau qui ne se mélangent pas. On parle alors de thermocline saisonnière. La thermocline est très marquée en août, particulièrement autour de 30 m, lorsque l'eau est à 14 ou 15°C dans la couche d'eau superficielle et 7°C à 45 m de fond.
En mars, la thermocline n'existe plus, puisque la température peut être à 5°C en surface comme au fond dans plus de 100 m ! D'ailleurs, dans les profondeurs qui nous intéressent entre 0 et 70 mètres, il n'y a pas de thermocline entre novembre et avril, l'eau évoluant entre 5 et 8°C. C'est pour cette raison que les lieus jaunes se rapprochent des faibles profondeurs jusqu'à se nourrir dans la zone intertidale.
Le matériel pour la technique de l'ascenseur
Nous prenons donc le large pour trouver ces grands fonds. Selon les secteurs géographiques de la frontière belge à la frontière espagnole, la distance à parcourir varie. Par exemple, les grands fonds sont à proximité immédiate à la sortie du port autonome de Dunkerque ou de certains spots de la pointe bretonne, alors que sur d’autres zones en retrait, il faut parcourir parfois 40 milles nautiques pour atteindre les bons spots.C’est le cas de La Rochelle ou encore Dieppe.
Dans ces profondeurs, il faut lester les lignes un minimum pour sentir le fond. La canne présente un grammage de lancer d’au moins 15-60 g, ce qui autorise des leurres jusqu’à 80 g qu’on laisse filer sous le bateau sans action de lancer. La canne mesure 2,10 à 2,40 m idéalement. Le moulinet en taille 2500 à 6000 selon les marques (200 à 500 g) est garni de tresse dont le diamètre oscille entre 0,14 à 0,20 mm. Avant le leurre ou le montage, on utilise un bas de ligne en fluorocarbone de diamètre 0,35 à 0,45 mm. On peut descendre en 0,30 mm lorsque la pêche est difficile et que les poissons, bien que visibles au sondeur, ne mordent pas. Mais il faut être conscient du risque de casse dans les grands fonds sur de grosses épaves. En effet, à la touche, un joli lieu jaune puissant et massif ne demande qu’à retourner dans son refuge constitué de tôle rouillée. Une canne dite « bay jigging » convient très bien également à cet usage. Ces modèles sont conçus pour des pêches purement verticales et sont dotés d’une action souple en pointe. Ils supportent des plombées assez fortes – 50 à 150 g en général – tout en bénéficiant d’un blank fin. Ces cannes sont bien souvent des modèles baitcasting très adaptés aux pêches à l’aplomb. Le lieu jaune se pêche parfois à la descente du leurre, mais son caractère particulier nous amène à utiliser une technique adaptée : l’ascenseur.
Le lieu, peu endurant, aime les nages lentes
La technique consiste à toucher le fond, attendre que la détection de poissons apparaisse au sondeur, puis remonter le leurre vers la surface. On arrête la récu-
« La nourriture qu’un lieu jaune régurgite est un indice précieux du bon gabarit de leurre à utiliser par la suite. »
pération à mi-hauteur ou au tiers supérieur de la profondeur sous le bateau. On opte pour une récupération linéaire très lente. Par nature les bars sont stimulés par des animations rapides devant leur nez. Tel des félins, ils ne laisseront pas s’échapper une proie venue les taquiner.
Le lieu jaune, lui, est handicapé par son manque d’endurance et ne restera pas indifférent devant une proie blessée qui nage lentement. Après avoir laissé descendre la ligne au fond, on remonte tout doucement, à cadence d'un tour de manivelle toutes les trois secondes. Arrivé à la moitié de la hauteur d'eau, s'il n'y a pas de touche, on laisse la ligne filer au fond et on répète la manoeuvre.
Il y a plusieurs manières de connaître la quantité de fil récupéré.Avec un moulinet doté d’un fort ratio qui récupère environ un mètre de fil par tour de manivelle, il suffit de compter le nombre de tour de manivelle, 20 tours correspondant environ à 20 m, ce qui est suffisant dans 40 m d’eau. Un autre moyen est de pêcher à l’arrière du bateau, sous la sonde, et d’observer l’évolution du leurre au sondeur, ce qui n’est pas possible lorsqu’il y a trop de courant. Enfin, les tresses multicolores permettent de visualiser la quantité de fil sortie du moulinet.
La technique est imparable, si le lieu jaune est présent, il suivra doucement et attaquera pendant la montée.
Trouver le meilleur leurre du moment
Le lieu a sa préférence pour les lançons, il est judicieux de choisir des leurres effilés.
Un slug de 15 à 23 cm imite la morphologie et la nage d’un joli lançon. On le leste avec une tête plombée dite « darting » de 40 à 90 g. Ce leurre monté hydrodynamique permet d’appliquer la règle des 1 gramme par mètre de profondeur. En l’absence de courant, une tête plombée de 40 g ira sans souci dans 40 m de profondeur, 50 g dans 50 m... Dans un courant faible entre 0,5 et 1 noeud, on passe à 50 g dans 40 m et 60 ou 70 g dans 50 m. Dans un courant bien installé (1,5 noeud ou plus), on peut monter à 70 g dans 40 m voire 80 ou 90 g dans 50 m. On peut aussi utiliser un lançon vivant au bout d’un traînard de 1,5 m, lesté d’un plomb ovale de 60 à 150 g, qui sera plus efficace que le leurre en particulier dans un courant soutenu.
Au coeur de la marée, lorsque le courant forcit davantage, il est judicieux de dandiner un jeu de plume à mi-hauteur pour piquer quelques maquereaux, ou de casser la croûte en attendant le ralentissement du courant. C’est en effet au début et à la fin de la marée que les lieus sont les plus actifs. Lorsque le courant s’installe, les lieus s’alimentent des petites bêtes n’ayant pas encore eu le temps de s’abriter dans la carcasse. Crevettes, crabes, céphalopodes, et petits poissons sont au menu. Pour trouver le meilleur leurre du moment, la meilleure stratégie consiste à fixer un leurre différent sur chaque canne. Lorsque trois pêcheurs sont en action, on utilise un slug vert imitatif, un shad vert imitatif et un slug orangé, par exemple. Le shad vibre et sa descente est ralentie, il faut donc le surplomber de 20 % par rapport aux slugs. À la touche, on sent un toc dans la ligne. Il faut garder son sang-froid et continuer la récupération lente jusqu’à ce que la canne soit bien pliée. On maintient alors la tension.
Exit les ferrages de brute trop précipités qui feront fuir le lieu. Il faut rester zen jusqu’à ce que le poisson soit piqué. Le lieu tentera immédiatement de regagner le fond avec une énergie redoutable, qui apportera autant de sensations que la touche d'un gros bar.
Il faut au préalable régler le frein de combat pour lui laisser un peu de liberté mais le freiner suffisamment pour limiter les risques de casse dans la tôle d’épave ou la roche. Le combat s’effectue avec la canne à 90° par rapport à la surface de l’eau. Il faut pomper pour remonter le poisson progressivement. Pour cela, on tire jusqu’à ce que la canne soit à 45° vers le haut, puis on descend la canne en moulinant pour maintenir une tension permanente de la ligne. L’épuisette est alors indispensable pour mettre au sec un poisson trophée ! ■