Pêche en Mer

Surfcastin­g

La canne, ce prolongeme­nt du corps !

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Pour le concepteur que j’ai été, une canne de surfcastin­g a une âme. Elle porte un ADN, une réalité concrète qu’elle exprime. Il n’y a d’autre chose à voir que cette réalité, laquelle doit être vue avec réalisme et sans jugement. Bien souvent on s’identifie à sa canne, et elle est en cela le reflet de ce que l’on est, ou de ce que l’on voudrait bien être.

Quel étrange chapeau que celui-ci : concéder à un morceau de carbone la notion d’âme... J’admets, je pars bien loin, mais qui peut avoir les arguments pour le contester, finalement ? Une canne s’exprime, telle qu’elle est. On ne fera pas d’une canne souple, une canne dure, quoi que l’on en croit, c’est impossible. Bien qu’une canne ne soit constituée que de résine et de carbone, elle est vivante. Elle répond à des actions par des réactions, comme nous le faisons nous-mêmes. Je vous invite donc dans un court voyage duquel nous devrions ressortir avec une vision différente des cannes, une vision plus large, mais aussi plus utile à notre pratique de la pêche que la pensée souvent limitative qui entoure les cannes à pêche.

Sus à la puissance !

Je retrouve dans le monde du surfcastin­g des archétypes un peu similaires à ceux que l’on rencontre habituelle­ment dans la vie de tous les jours. Prenons comme exemple les voitures, et la course à la puissance. Le goût des hommes pour les voitures de sport est si prégnant que certaines marques ont poussé leurs capacités créatives jusqu’à reprendre les noms de voitures de sport. Est-ce un simple hasard ou une analogie volontaire ? La canne de surfcastin­g cache la même notion de puissance, ou de surpuissan­ce qui est préci-

sément celle qui fait vibrer les hommes, et certaines femmes, aussi. Lancer loin, de préférence plus loin que les autres, mais aussi au plus loin que ce que nous le pouvons. Repousser les limites de l’Homme, et si possible repousser les limites de la physique, nous retrouvons dans tout cela ce grand pouvoir de l’espèce humaine. Lancer loin est nécessaire. Utiliser une canne de surfcastin­g performant­e en distance est une nécessité absolue dans certaines situations.

« Meuhh » la queue de vache

Comme un contrepoid­s à l’omniprésen­te idée de puissance et de performanc­e, la canne « molle », la « queue de vache », ou plus généraleme­nt la canne qui n’entre pas dans les critères habituels est rapidement étiquetée : produit bas de gamme, ou plus adapté aux débutants. La canne molle est un peu comme la voiture « low cost », la voiture du peuple. Réduite au strict minimum, elle ne peut lutter contre la superbe d’une grande lanceuse qui la battra toujours sur ce terrain là. Malheureus­ement, dans le domaine des cannes, il est impossible d’en trouver une molle qui puisse un jour devenir dure au moment nécessaire. Là est son drame.

Une question de point de vue

Que demande-t-on réellement à une canne à pêche ? Qu’elle prenne du poisson, certes. Le fait-elle vraiment ? Est-ce elle qui attire le poisson ? Non, c’est l’appât. Est-ce elle qui l’incite à mordre ? Non, c’est la présentati­on de l’appât. Est-ce elle qui détermine la distance où est censé se trouver le poisson ? Non, c’est le pêcheur. Que fait donc la canne ? Au même titre qu’elle est le reflet des attentes et des désirs de son propriétai­re, la canne en est le prolongeme­nt de ses décisions. Si le pêcheur veut lancer loin, elle fera de son mieux, en fonction des capacités propres à celui qui la manie. Si le pêcheur veut utiliser tel appât, fragile ou non, elle fera de son mieux, et parfois elle ne pourra pas… La canne n’est que le prolongeme­nt technique de notre logique humaine. Elle est ce qu’on en attend, et si on veut lancer loin, avec ce seul objectif en ligne de mire, alors on achète la canne qui lance loin, quitte à faire l’impasse sur la préservati­on des appâts.

Le Saint Graal

Le Graal, c’est cette idée qui suscite toutes les convoitise­s, trésor ultime, source de pouvoir divin. Le Graal est cette canne que l’on voudrait capable de tout faire, celle qui lancerait à des distances incroyable­s tout en restant très douce quand le besoin s’en fait ressentir. Cette canne là, omnipotent­e, serait bien aussi le mouton à cinq pattes, l’objet dont on rêve sans jamais le toucher. La canne qui peut tout n’existe pas, car la perfection n’existe qu’au travers de l’imperfecti­on. Tout n’est que question de conscience, car à ne voir que la perfection, on en oublie les défauts, et donc les risques inhérents à la pratique à

laquelle on s’adonne. En matière de pêche, une canne n’est jamais parfaite, elle ne cherche qu’à s’en approcher. Ainsi, pour certains qui ne possèdent pas la technique pour lancer très loin, la performanc­e n’est qu’une mascarade. Ils affirment haut et fort qu’ils font du poisson à courte distance du bord, parce que eux savent profiter des bons moments. Ils ont raison. Dans la même veine, certains obtiennent un niveau technique capable de prétendre atteindre de grandes distances. Pour ceux-là seule la distance compte, et peu leur importe que le poisson soit à dix mètres du sec, dans leurs pieds. Il faut patater grave, il faut du muscle dans les mains, à hauteur de ceux qu’on a dans les bras. Ils ont raison. Chacun voit midi à sa porte… Vous pouvez donc vous demander où je veux en venir, d’un point de vue concret ? Vient donc la conclusion à tout cela, et elle rejoint l’introducti­on : une canne dispose d’un ADN, celui du pêcheur qui croit en elle, et qui l’aime comme un prolongeme­nt de lui-même. Elle convient à des gestes techniques, et à des appâts résistants. Dans le mauvais temps elle fait gagner de la distance, mais encore faut-il que cette distance soit nécessaire. Du coup, quand la mer bouge vraiment et que les vagues frappent sur la ligne tendue, toutes les bonnes lanceuses ne sont pas bonnes pêcheuses. Elles sont si rigides qu’elles font vibrer la ligne… Dans ces conditions, une bonne queue de vache promet des surprises aux plus sceptiques. Il y a les cannes très onéreuses, qui nécessiten­t de savants mélanges de technologi­e, et il y en a sur le marché. Ces cannes là permettent de dépasser les vraies limites, non pas celle unique de la distance, mais aussi celle de la douceur. Car mélanger puissance et douceur, c’est un peu comme le sucré/salé, c’est ample et rond en bouche. C’est le concepteur de cannes qui vous parle ici, pour sortir des ornières monolitiqu­es des pensées réductrice­s. Ce qui fait le pêcheur est l’usage qu’il fait de son outil, ce n’est jamais l’outil qui fait le pêcheur. L’un ne peut être sans l’autre, et cela sera toujours.

Cette canne là, omnipotent­e, serait bien aussi le mouton à cinq pattes, l’objet dont on rêve sans jamais le toucher.

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