Pêche en Mer

Le bonefish, au lancer ou à la mouche ?

Poisson phare de nos DOM-TOM, le bonefish n’a pas la notoriété qu’il mérite. Probableme­nt parce qu’il n’atteint pas des poids très élevés et qu’il intéresse plus les moucheurs que les lanceurs. Dommage, car une fois ferré, c’est de la bombe !

-

Le bonefish est vraiment le poisson de sport par excellence. Dans un univers assez corallien, un pêcheur d’expérience n’est pas sûr du tout de sortir vainqueur d’une bagarre avec un bone de 4 kg ! Ce diable de poisson à une force incroyable, c’est le spécialist­e des gros démarrages. Il ne va pas rentrer dans des caches rocheuses mais il en fera le tour avec les conséquenc­es

que nous pouvons deviner. À la mouche les grandes étendues de sable, les flats, sont les lieux privilégié­s pour obtenir les meilleurs résultats. Au lancer il faut utiliser les avantages de cette technique pour tenter de gros poissons, plus de 4 kg. Ils fréquenten­t des spots un peu plus profonds et la proximité immédiate de nombreux blocs coralliens est une référence de choix. C’est une pêche qui se déroule aussi bien du bord qu’en bateau. Le bone est un méfiant, un rusé et les approximat­ions ne lui plaisent guère. Et pour un pêcheur au lancer, un habitué des ignobilis, il peut paraître un peu vexant de se faire démonter par un bone de 3 ou 4 kg ! Et pourtant ça arrive...

Le rôle clef de l’observatio­n !

À la mouche, pêcher en aveugle, sans avoir repéré un poisson, ne présente que peu d’intérêt.Au lancer c’est déjà plus compréhens­ible, pour prospecter des profondeur­s où la visibilité n’est pas évidente et pour rechercher des prises d’un poids conséquent.Avant de se lancer dans des pêches hasardeuse­s, il est important de repérer des poissons, pour les pêcher à vue et étudier leurs réactions, savoir comment va réagir un bone sur un leurre et essayer de définir un maniement qui l’attirera. Le bonefish reste un ultra méfiant, il faut le prendre en compte ! Il y a toujours la possibilit­é de se fier

à un guide local qui a des télescopes à la place des yeux. Mais ces pêches fines sont agréables lorsque nous sommes seul. Il faut prendre son temps pour développer une pêche efficace. La patience est la base de l’observatio­n. C’est une espèce qui est naturellem­ent très claire, presque translucid­e. Selon le biotope, quelques rayures apparaisse­nt sur son dos et il arrive que le poisson soit tellement blanc-argenté qu’il en devient pratiqueme­nt invisible dans l’eau. Car ses coins de prédilecti­on sont les plages de sable corallien ce qui produit un fond très claire.Apercevoir un bone devient un véritable exercice d’observatio­n. C’est un jeu passionnan­t où l’ombre du poisson est souvent plus visible que la bête en elle-même ! N’ allez pas trop vite en besogne, il crurcial de déceler le moindre mouvement. Parfois vous en apercevez plusieurs à 30 mètres de vous et au premier lancer vous en faites fuir d’autres qui étaient à moins de 10 mètres. Dans le domaine de l’observatio­n la pêche à la mouche est un exemple, il ne tient qu’au pêcheur au lancer de l’adapter à sa technique. Ceux qui pensent avoir une vision de premier ordre seront vite recalés si un excellent guide local les accompagne. Il faut prendre cette remarque comme une leçon et se dire que la marge de progressio­n est immense ! En essayant de décrypter l’eau à la recherche d’un bonefish, vous allez voir une quantité de détails surprenant­s. Par exemple, je vois beaucoup plus de carangues quand je pêche à la mouche qu’avec une canne à lancer en main. La raison vient de la lenteur calculée de la progressio­n dans l’eau. Et de la discrétion de la pêche à la mouche. Avec un équipement de lancer léger et un but de bonefish clairement affiché, il est possible de prospecter ainsi, c’est même très instructif !

Précision, et dès le premier lancer…

Les poissons qui évoluent dans peu d’eau sont beaucoup plus méfiants que les autres. Ils se sentent vulnérable­s et réagissent rapidement si un bruit ou un mouvement insolite les dérangent. Les bones sont toujours sur le qui-vive. Ils se déplacent le plus souvent en

groupe plus ou moins compact. Lorsqu’un poisson donne l’alerte parce qu’il nous a repérés, c’est l’ensemble de la troupe qui fuit immédiatem­ent. Parfois ils ne vont pas trop loin et avec de la patience il est possible de les croiser à nouveau. Ils seront juste encore plus méfiants qu’à l’habitude ! Moins il y a de profondeur et plus le risque de les faire déguerpir est grand. Ce qui implique de soigner chaque lancer et tout particuliè­rement le premier jet. Dans peu d’eau, les leurres qui font du bruit à la tombée sont à proscrire. Une ondulante un peu lourde ne s’utilisera que sur des fonds plus conséquent­s. La pêche à la mouche est naturellem­ent plus discrète. Par contre avec un lancer léger, il est possible de propulser loin son leurre pour préserver de tout bruit la zone favorable. Dans tous les cas, quelque soit la technique employée, il va falloir lancer son leurre ou poser sa mouche au bon endroit, dès le début. L’approximat­ion ne paye pas. La trajectoir­e idéale croisera forcément le bone. Pour ce faire, l’anticipati­on est conseillée. Nous lancerons plus loin, parfois largement au devant du bone si celui-ci se déplace assez rapidement. Dans peu d’eau il peut être utile de laisser son petit leurre reposer au fond pour attendre le moment opportun. À la mouche, la technique est si discrète qu’un posé raté ne va pas forcément effrayer les poissons, sauf si notre mouche tombe pile sur la gueule d’un poisson. La pêche au lancer demande beaucoup plus de soin et de précision, ce qui valorise à mes yeux cette pêche. L’usage de la tresse, quelque soit sa couleur, n’est pas conseillée sauf avec un très long bas de ligne. Le Nylon est supérieur dans les résultats. J’ai pêché avec un certain succès et de la tresse, en bateau, dans des eaux profondes et nettement troubles. Mais ces conditions sont très particuliè­res. Les bones détectent admirablem­ent bien un fil qui est trop gros ou coloré.

Choix du leurre et récupérati­on idéale…

Les leurres potentiell­ement bons pour le bonefish sont assez nombreux. Après, selon les pays ou les spots, certains vont se révéler passables, peu convaincan­ts ou

excellents. Le test sera rapide, deux ou trois lancers sur des poissons actifs devraient fournir une touche au minimum. Si le leurre fait fuir les bones, il est recommandé de ne pas renouveler l’expérience et qu’importe si ce choix a eu du succès par le passé. Le principal est d’utiliser des leurres qui peuvent nager parfaiteme­nt avec une récupérati­on lente ou plus prononcée. Mouliner lentement ne suffit pas, il va falloir ponctuer sa récupérati­on de stops plus ou moins longs. À ce jeu, tous les leurres ne répondent pas idéalement.

Pour le bonefish au lancer nous pouvons sélectionn­er des petites ondulantes, des poissons nageurs de 5 à 8 cm et des minis bucktail jigs. Côté mouche c’est beaucoup plus facile avec les fameuses Crazy Charly, des imitations spécialeme­nt faites pour la recherche de cette espèce. Pour les cuillères ondulantes, nous aurons sous la main des leurres de 10 à 25 g, afin d’exploiter des zones peu profondes ou des veines d’eau de 2 à 3 mètres de fond. Pas besoin d’hameçon trop renforcé, mieux vaut opter pour de la qualité et du léger ultra piquant. Les gros bones sont friands des ondulantes mesurant 5 à 7 cm. Les cuillères trop denses ne permettent pas de mouliner lentement, ne l’oublions pas. Pour les poissons nageurs, nous resterons sur des tailles similaires. Pour le poids, ça sera une fourchette comprise entre 6 et 12 g.

Grosses bagarres en perspectiv­e sur du light !

À la mouche, une canne soie de 8 est toute indiquée. Le moulinet contiendra une soie flottante et un backing de 200 m. Attention, la connexion entre la soie et le Nylon devra être solide et n’opposera aucune résistance dans les anneaux si un gros démarrage intervient. La longueur du bas de ligne sera de2,50mà5m selon la profondeur des postes.

Pour la pêche au lancer : priorité à la finesse. Mettre un petit leurre sur une grosse canne ne sert à rien. Mais un équipement en 20 lb permet de pêcher dans les meilleures conditions. Aujourd’ hui nous n’entendons que parler de 80 et 100 lb, à tel point qu’une tresse de 50 lb fait figure de fil fin ! Un bone de 4 ou 5 kilos c’est un vrai gros poisson et un 6 ou 7 kilos est un monstre. Pêcher plus léger est possible, mais dans un univers corralien les risques de casse sont trop élevés. Un équipement en 20 lb demande que la canne, le moulinet et le fil correspond­ent à cette résistance. Ce moulinet doit emmagasine­r au minimum 200 m de fil. Dans cette eau cristallin­e la tresse est facilement repérable c’est pourquoi j’utilise la mixité. Sur ma bobine j’ai 200 à 250 m de tresse en 20 lb ou 17/100ème et j’utilise un bas de ligne en Nylon d’environ 4 m. Un long bas de ligne me permet de refaire souvent le noeud d’attache du leurre et éviter de tout refaire le montage. La friction sur le corail est redoutable. Le moulinet va jouer un rôle capital, notamment au niveau du frein. Le bone est un spécialist­e des démarrages foudroyant­s, avec régulièrem­ent plusieurs dizaines de mètres de fil qui sortent d’un seul coup. Un poisson de 4 kg est encore plus puissant qu’une carangue ! Ce qui en fait un superbe challenge pour un pêcheur au lancer.

Un gros bone, à la mouche ou au lancer, c’est le top !

À la mouche, les grands espaces sableux sont d’excellents spots mais c’est encore une fois dans les endroits parsemés de roches et de corail que les plus gros sujets se trouvent. Une fois ferré, il faut savoir lever bien haut sa canne pour essayer d’éviter le contact tranchant des obstacles. Autant dire qu’un tel combat ne se fait pas sans un investisse­ment énorme du pêcheur. Ce n’est pas la finesse du matériel qui est en cause mais bien les ruses du poisson. Les pêcheurs vont vite se rendre compte de la différence entre tromper un bone de 1 ou 2 kg et ferrer avec succès un poisson de plus de 4 kg. Ils deviennent hyper méfiants, craintifs et très sélectifs sur le choix et la présentati­on de la mouche. J’ai eu aux Îles Cook mon moulinet totalement vidé par un bone qui ne s’est jamais arrêté ! Pourtant ce moulinet contient plus de 200 m de backing et que mon bas de ligne accuse une résistance de plus de 20 lb. J’ai vu de mes yeux deux bones d’une dizaine de kilos, des monstres de l’espèce. Imprenable à la mouche ? Non, c’est possible mais c’est loin d’être évident...

Au lancer, un pêcheur censé pense être mieux armé qu’un moucheur. Sur le terrain, cette certitude risque de vite s’envoler. Mon expériment­é ami Richard en a fait les frais devant moi, avec plusieurs casses terribles sur son lancer en 30 lb ! J’ai pris un bone de plus de 6 kg sur un lancer en 50 lb, avec un frein pratiqueme­nt bloqué.

J’ai cru à une ignobilis et j’ai donc volontaire­ment durci le combat. La surprise a été magnifique avec l’arrivée d’un bone record. Il est certain qu’une carangue de la même taille n’aurait pas fait le poids face à un équipement aussi lourd. Ceci pour mettre en valeur cette pêche qui, à tort, ne semble concerner que les moucheurs. Alors pour ma part, je préfère pêcher les bonefish à la mouche, mais tenter une prise de taille avec un lancer est un exercice passionnan­t !

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Texte et photos de Julien Derozier
Texte et photos de Julien Derozier
 ??  ??
 ??  ?? Petite sélection de leurres qui devront nager parfaiteme­nt avec une récupérati­on lente ou plus prononcée.
Petite sélection de leurres qui devront nager parfaiteme­nt avec une récupérati­on lente ou plus prononcée.

Newspapers in French

Newspapers from France