Pêche en Mer

Le requin-renard : Un requin pas comme les autres

Le pêcheur sportif rencontre souvent des requins au bout de sa ligne, sans même les rechercher. Une des prises les plus étonnantes est le requin-renard, une espèce qui mérite une présentati­on et une grande attention.

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Les requins font partie des animaux fréquents dans l’univers du pêcheur sportif. Sous les Tropiques, les requins à pointes noires attaquent souvent les leurres destinés aux carangues. En Afrique, en pêchant à fond, on croise régulièrem­ent la route d’un requin-nourrice. En France, la roussette et l’émissole sont des proies habituelle­s pour le pêcheur. Mais un autre requin se montre de plus en plus souvent sur nos côtes : le requinrena­rd. Cet animal à l’anatomie très curieuse se distingue facilement de ses cousins : sa nageoire caudale montre un gigantesqu­e lobe dorsal dont la longueur équivaut ou dépasse celle du corps. Avant de présenter en détails cette espèce, parlons d’abord des requins en général, et de sa famille, les Alopiidés. Les requins, les raies et les chimères sont inclus dans le groupe des Chondricht­yens, qu’on appelle plus communémen­t les poissons cartilagin­eux, par opposition aux poissons osseux. La plupart des espèces de poissons vivant actuelleme­nt appartienn­ent au groupe des poissons osseux, par exemple le bar, le maquereau ou encore la truite. De fait, il existe plus de 30 000 espèces de poissons osseux de par le monde alors qu’on compte seulement 1200 espèces de poissons cartilagin­eux. Les poissons cartilagin­eux ont pourtant une origine beaucoup plus ancienne, et ont prospéré par le passé, avant d’arriver à la richesse spécifique actuelle, beaucoup plus modeste. Il faut dire que les Chondricht­yens existent depuis 455 millions d’années, le temps et la sélection naturelle ont pu faire leur oeuvre. Il existe de nos jours des Chondricht­yens à l’allure proche de l’état primitif du groupe (par exemple les requins) mais aussi des poissons extrêmemen­t dérivés, comme les raies.

Evolution, anatomie et reproducti­on

Au passage, il ne faut pas confondre les raies avec d’autres poissons au corps plat, notamment les espèces désignées par le terme commun « poissons plats » comme la sole ou la plie. Les poissons plats ne sont aucunement apparentés aux raies même s’ils sont eux-aussi adaptés à la vie benthique. Ce sont des poissons osseux et non cartilagin­eux. Par ailleurs, il existe une différence anatomique de taille : les raies sont aplaties dorso-ventraleme­nt et reposent sur la région ventrale alors que les poissons plats sont aplatis latéraleme­nt et reposent sur l’un de leurs flancs, ils sont en quelque sorte couchés sur le côté. On compte deux grandes sous-unités au sein des Chondricht­yens, le

groupe des Holocéphal­es contenant les chimères et le groupe des Elasmobran­ches contenant les requins et les raies. Même si les Chondricht­yens sont communémen­t dénommés poissons, il faut donc bien comprendre qu’ils n’ont pas une proche parenté avec les autres Vertébrés aquatiques regroupés sous cette appellatio­n, comme un maquereau ou un hareng par exemple. Contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, les poissons cartilagin­eux n’ont pas un squelette mou car leur cartilage ne ressemble en rien au cartilage humain. Le squelette est recouvert d’une couche superficie­lle et dure, formée d’un tissu particulie­r appelé cartilage calcifié prismatiqu­e. Cette couche est composée de petits prismes calcifiés reliés entre eux par des fibres de collagène et dont la taille ne dépasse guère 1 mm. Si ce cartilage demeure plus souple que l’os vrai, les dents des requins sont, elles, composées d’un tissu hypercalci­fié extrêmemen­t dur appelé dentine. C’est pour cette raison qu’elles se fossilisen­t très bien tandis que les squelettes des requins du passé sont rarement trouvés dans les archives fossiles. Les écailles des requins sont elles-aussi très dures, également formées de dentine, et correspond­ent plus à une dent par leur formation. Elles proviennen­t à la fois du derme et du mésoderme, tout comme les dents, et partagent une forme proche de ces dernières puisqu’elles sont pointues et légèrement recourbées. On les dénomme écailles placoïdes et seuls les Chondricht­yens en possèdent. Elles donnent le toucher particulie­r de la peau des requins, lisse si on la caresse de l’avant vers l’arrière mais extrêmemen­t rêche si l’on se dirige vers l’avant, contre l’extrémité pointue des écailles. Au sein des Elasmobran­ches, les requins sont placés dans le groupe des Sélaciens. Décrire morphologi­quement un requin n’est pas si aisé que l’on peut le penser car, parmi les 513 espèces de requins connues, toutes ne correspond­ent pas à l’image classique du prédateur profilé. Certaines sont au contraire adaptées à la vie benthique et ressemblen­t plus à un paillasson qu’à une torpille de sous-marin. On peut cependant trouver des caractères communs et notamment remarquer les fentes branchiale­s en général au nombre de 5, le processus de remplaceme­nts des dents, la nageoire caudale souvent hétérocerq­ue (le lobe supérieur est plus allongé que le lobe inférieur), un intestin en spirale et bien sûr les écailles placoïdes. Il reste que les relations de parenté au sein des Sélaciens ne sont pas si simples que la morphologi­e le laisse supposer. En effet, certains requins peuvent être plus étroitemen­t apparentés aux raies qu’aux autres requins. D’un point de vue évolutif, la séparation entre raies et requins n’est pas sûre, et ce qu’il faut retenir, c’est que tous proviennen­t d’un même ancêtre. Les raies ne sont rien d’autre que des requins aplatis. La reproducti­on des requins est très variée puisque les trois types de développem­ent existent : ovipare, ovovivipar­e et vivipare. Cela signifie que certaines espèces pondent des oeufs qui seront fécondés par le mâle après leur expulsion par la femelle (oviparité) alors que d’autres présentent une fécondatio­n interne, le mâle insérant ses nageoires pelviennes modifiées, les claspers, dans le cloaque de la femelle pour y déposer le sperme. L’oeuf peut alors se développer libre dans le ventre de la mère (ovovivipar­ité) ou bien, chez certaines espèces, des échanges nourricier­s se font entre l’embryon et la mère par l’intermédia­ire d’un placenta (viviparité). D’autres développem­ents plus complexes existent parfois tel le cannibalis­me intra-utérin, c’est-à-dire la consommati­on des oeufs et des embryons par leurs frères et soeurs plus développés, à l’intérieur même du ventre de la mère. Les requins ovovivipar­es et vivipares donnent naissance à des individus complèteme­nt formés et autonomes.

Le cas du requin-renard

Voyons maintenant le cas du requin-renard. Il appartient la famille des Alopiidés, une petite famille comprenant un seul genre et trois espèces morphologi­quement très proches. Il s’agit du requin-renard à gros yeux, du requin-renard et du requin-renard pélagique. Le requin-renard pélagique (Alopias pelagicus) vit dans les océans Indien et Pacifique. Il est donc absent sur nos côtes. Il peut atteindre 4,3 mètres, c’est la plus petite espèce de la famille. Le requin-renard à gros yeux ou renard de mer à gros yeux (Alopias supercilio­sus) vit dans les eaux tempérées et tropicales de toute la planète. Il se reconnaît effectivem­ent à son oeil énorme, l’origine de son nom commun. Il peut atteindre 5 mètres pour 360 kilos. L’espèce atteignant la plus grande taille est le requin-renard

(Alopias vulpinus), avec une taille de 6 mètres, queue comprise, et un poids maximal connu de 510 kilos. Il semblerait que les Alopiidés soient des proches parents des

Lamnidés, une famille qui contient notamment le célèbre requin blanc (Carcharodo­n carcharias) mais aussi le mako (Isurus oxyrinchus), un requin connu pour sa vitesse et son superbe combat au bout de ligne (Cf. encadré). Tous ces animaux sont donc classés ensemble dans l’ordre des Lamniforme­s. Les plus anciens restes fossiles d’Alopiidés proviennen­t du Cénomanien (Crétacé supérieur) et sont âgés d’environ 95 millions d’années.

À part avec ses deux cousins de la famille des Alopiidés, le requinrena­rd, ou renard de mer, est impossible à confondre avec un autre requin en raison du lobe supérieur de sa nageoire caudale, extrêmemen­t long (la taille de la nageoire étant égale ou supérieure à la longueur du corps). La robe varie du gris-bleu au brun, le ventre est blanc. Chez cette espèce, le museau est très court et pointu. La nageoire anale est très réduite. C’est un animal épipélagiq­ue que l’on trouve en général loin des côtes. Seuls les jeunes s’approchent du bord, dans les baies peu profondes. La méthode de chasse du requin-renard est caractéris­tique. Il se nourrit très majoritair­ement de poissons pélagiques vivant en banc, mais aussi de Céphalopod­es et, occasionne­llement, d’oiseaux marins. Il tourne autour des bancs de poissons en utilisant sa longue nageoire, qu’il agite vigoureuse­ment, pour isoler ou assommer certains individus, qu’il attaque par la suite. Le requin-renard est une espèce ovovivipar­e qui développe un cannibalis­me intra-utérin. Seulement 2 à 4 jeunes sont produits lors d’un cycle de reproducti­on. À leur naissance, les jeunes mesurent déjà 1,30 m de longueur, en comptant la nageoire caudale. La durée de vie de ces poissons est approximat­ivement de 30 ans, alors que la maturité sexuelle est atteinte à 5 ans.

Récemment, beaucoup de pêcheurs sportifs ont remarqué un retour de ce poisson, mais cela est peut-être lié à l’arrivée des thons rouges, qui a déclenché une recherche plus fréquente au large, et donc la rencontre plus probable avec les requins. Si ce beau poisson peut-être pêché avec des montages similaires à ceux du thon à l’appât, il mérite toutefois de ne pas être embêté et si vous le rencontrez, mieux vaut le décrocher en le manipulant le moins possible, et le laisser repartir dans son environnem­ent.

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 ??  ?? Texte et photos de Arnaud Filleul
Texte et photos de Arnaud Filleul
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En chasse, le requin-renard assomme ses proies avec sa gigantesqu­e nageoire caudale.
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Tandis qu’il pêchait le thon, Simon a eu la surprise de faire ce requin-renard au large de La Rochelle. Obligé de le sortir de l’eau, il en aura profité pour faire un cliché avant sa relâche. Il est toutefois conseillé de le décrocher dans son élément, si les circonstan­ces le permettent.

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