La baie du Pouliguen
En 1979, La Baule (Loire-Atlantique) célébrait avec faste son 100ème anniversaire. Station phare de la Côte d’Amour, elle avait été créée en 1879 par MM. Le Comte d’Hennecart et Darlu, concessionnaires de la voie ferrée de Saint-Nazaire au Croisic.
Àl’occasion des cérémonies du centenaire, des études statistiques avaient démontré que la commune figurait parmi les plus hauts indices de fréquentation touristique. Une autre de l’INSEE, effectuée à partir de la consommation de... pain, avait ainsi permis d’estimer la seule population d’estivants à 45.000 sur la station. Et tout ce joli monde se retrouvait, lors des deux mois d’été, dans l’eau de la baie qui est, bien entendu, le dénominateur commun.
Cette aire de jeu figure dans le cercle très fermé des plus belles baies du monde, une association internationale très sérieuse née à Berlin en 1997 avec sa marque déposée. 12 baies en Europe en font partie dont quatre sont françaises, la baie de Somme, la baie du Mont Saint- Michel, le Golfe du Morbihan et la baie du Pouliguen. Car la baie de La Baule est en réalité la baie du Pouliguen qui est la commune la bordant au nord alors que Pornichet ferme le site, huit kilomètres plus au sud. La Baule qui a toujours eu tendance à tirer un peu les draps vers elle aurait du mal à exister sans ses deux voisines, le port de La Baule étant aussi celui du Pouliguen puisque à cheval sur les deux stations. Et si l’on parle parfois du port de La Baule en désignant celui de Pornichet, ce port (ou plutôt ces ports, car il y en a deux), sont bien situés sur la commune de Pornichet.
La baie et son sable fin, sont, bien entendu, un haut lieu pour la pratique de la voile. C’est là que les frères Peyron, Stéphane, Loïck et Bruno, mondialement connus, grandirent tout comme les Pajot, Yves et Marc, vicechampions olympiques de voile à Munich, ou Yves Loday qui décrocha l’or aux Jeux de Bar-
celone en 1992 sur Tornado. Voilà pour les présentations.
La baie est un vaste aquarium
Mais la baie est aussi réputée pour la richesse de sa faune. C’est un vaste aquarium et un lieu très fréquenté par de multiples pêcheurs récréatifs qui peuvent pratiquer tous les genres en fonction des espèces recherchées. C’est aussi un des plus grands réservoirs d’appâts le long des côtes françaises avec ce phénomène qu’est la coque. Les ports sont, quant à eux, des bases idéales à destination de tous les grands plateaux rocheux situés au large et notamment celui de la Banche qui offre l’énorme privilège d’être accessible au plus grand nombre puisqu’il se situe entre 5 et 6 milles de la côte donc d’un abri.
La baie n’est pas facile d’accès. Cela fait tout son charme pour les pêcheurs car les écueils sont nombreux. Tous ces îlots rocheux sont source de vie pour de multiples poissons et, surtout, celui qui en est le roi, le bar. Rejoindre Le Pouliguen ou Pornichet quand on vient du large impose la plus grande attention. Au nord, après avoir longé la Côte Sauvage qui guide les navigateurs à partir de la pointe du Croisic, il faut se faufiler entre la pointe de Penchâteau et l’île des Evens. C’est un abri où exista il y a quelques lustres un bar (à ne pas confondre avec le poisson du même nom) éphémère. C’est aussi le domaine des mouettes et goélands qui viennent s’y reproduire à quelques mètres d’une superbe petite plage bordée par une eau limpide où mouillent les embarcations les plus diverses. Nous sommes à deux milles à peine de la côte. Quand les beaux jours arrivent, se précipitent sur la zone les prétreaux souvent assimilés aux éperlans tant la ressemblance est frappante. On les prend avec de minis trains de plumes et des hameçons plus souvent consacrés aux goujons, leur homonyme de l’eau douce.
« Le baie du Pouliguen fait partie des quatre baies francaises appartenant au cercle très fermé du club des plus belles baies du monde. »
On peut aussi pénétrer dans la baie entre les deux petites bouées d’à peine deux mètres de haut, la rouge qui porte le nom des Evens et la verte, celui des Troves. À moins de posséder un semirigide ou une embarcation sans tirant d’eau, mieux vaut bien passer dans l’étroit couloir sur lequel elles veillent. À marée basse, les Troves découvrent leurs bancs de moules accrochées sur des pentes de roches sillonnées par ce seigneur de la baie qu’est le bar.
Une baie est défendue par la nature
À quelques encablures à peine, une autre île veille sur la baie. Cette vigie a pour nom Baguenaud. C’est un monticule à peine recouvert par les éléments les jours de grande marée et que l’on croit souvent de couleur blanche tant les oiseaux marins y sont nombreux à se reposer. Au nord de cet îlot, quand le courant forcit, cela bouillonne de toutes parts et dans le tourbillon du montant ou du descendant, les bars, à nouveau, viennent vous taquiner tout comme ils le font, à 200 m à peine à vol d’oiseau, autour de la célèbre Pierre Percée, autre obstacle naturel qui défend la baie, là encore royaume du plus noble des poissons. Si vous rasez Baguenaud pour rejoindre le port de Pornichet, faites attention aux Fromentières, autre haut lieu de circulation pour les bars. La nourriture est ici portée par les courants qui la rejettent de l’estuaire de la Loire, tout proche. Il s’agit d’énormes boules de sprats qui se font agresser dès la porte de la baie, face à Saint-Marc et la plage de Monsieur Hulot, là où Jacques Tati vint tourner le plus célèbre de ses films.
Bonites et bars sont les références des lieux
Au sein de la baie se regroupent quantité d’espèces. Autour des récifs, des îlots, il n’y a pas que les bars mais aussi, durant quatre à cinq mois, de véritables chasses de bonites qui suppléent celles des maquereaux, toujours abondants et qui suivent dans un marquage « à la culotte » les malheureux sprats portés par le courant et à l’espérance de vie plus que limitée dans un tel contexte.
Il y a une quarantaine d’années, un requin- renard de 80 kg fut piégé dans un filet à 100 m du bord de la plage de Sainte-Marguerite de Pornichet. Ce ne sont pas toujours les plus petits qui perdent. Il était venu sans doute chasser les maquereaux qui eux-mêmes couraient après les sprats. Un globicéphale fut même photographié à l’entrée du port du Pouliguen à cette même époque.
Les grisets ne sont pas qu’au large. La baie leur convient
La baie voit aussi s’aventurer de temps à autre, proximité de la Loire oblige, des truites saumonées, un poisson aussi rare que convoité. C’est une de ses particularités. Mais, tout autour des roches, séjournent quantité de dorades grises. Les pêcheurs vont souvent les chercher au large alors, que des jetées du port de Pornichet, on en prend régulièrement d’une petite trentaine de centimètres. Autour des îles de la baie, elles sont nombreuses et souvent énormes, plus qu’au large. Ici, personne a oublié le record de France de Jean-Claude Maltaverne, établi dans la baie en septembre 1994 avec un poisson de 2,790 kg ! Le matin, alors que l’aube commence à s’affirmer, dès la sortie des ports, les sternes vous entourent. Elles plongent et replongent. Les bars sont là, dans quelques mètres d’eau. Quelques pêcheurs lancent une cuiller et un petit train de plumes. Mais, le plus souvent, c’est à 3 ou 4 noeuds que les embarcations découvrent le périmètre.
Le meilleur moyen pour sillonner la baie, c’est la traîne
Car, en baie de La Baule, on est en Bretagne sud. Là, il est un sport national, la pêche à la traîne. Certes, il existe encore, et c’est d’ailleurs remarquable pour le respect de la tradition, des pêcheurs qui, brasse par brasse, laissent défiler le nylon dans l’eau avec un bas de ligne composé d’une cuiller légère et quelques plumes disposées en amont. L’ensemble est accroché par un énorme émerillon au fameux triangle en métal de nos ancêtres où chacune des têtes accueillait respectivement ce bas de ligne d’une vingtaine de mètres, le corps de ligne, et un gros plomb de 300 à 500 gr.
« Ici, personne a oublié le record de France dorade grise de Jean-Claude Maltaverne, établi dans la baie en septembre 1994 avec un poisson de 2,790 kg ! »
Ce dernier résistait tant bien que mal aux touches successives sur les roches où il tentait de rebondir en évitant, si possible, de s’accrocher.
Le semi-plongeant est préférable au plongeant
La baie offre une particularité. Elle est peu profonde et dès que l’on s’approche des petites îles, on s’aventure dans des secteurs très mal pavés. Il faut en permanence se concentrer sur le sondeur et naviguer avec un lecteur de cartes. Dès lors, il est important de bien choisir ses leurres en accordant la priorité aux plongeants dans la baie et aux semi-plongeants dès que l’on caresse les îlots, là où se concentre le plus grand nombre de poissons. Les plongeants seront destinés aux bonites ou maquereaux, abondants dans la baie, et les semi-plongeants qui s’enfoncent peu lors de la récupération séduiront bars et lieus. Il ne faut pas perdre aussi de vue que la vitesse de traîne pour la bonite sera supérieure de 2 ou 3 noeuds (6 noeuds environ) à celle d’une vitesse de traîne pour tenter de séduire le bar. Dès lors, plus la vitesse sera élevée, plus le leurre plongera. L’idéal est d’opter pour un leurre qui évoluera environ à trois mètres sous la surface. Les bonites sont parfois en fortes concentrations dans la baie et nombreuses également entre les deux petites bouées, celle des Troves et des Evens qui délimitent le « sas » d’entrée dans cette baie. Il y a là du courant et des passages réguliers de sprats.
À la traîne, il faut bien comprendre que l’on ne passera pas franchement sur les cailloux. Cet accès sera avant tout réservé aux pneumatiques et, aussi, aux kayaks qui sont parfaitement adaptés à la configuration du secteur. On rase les cailloux d’où l’importance du lecteur de cartes et la compétence du skipper. À proximité immédiate des Evens, la zone la plus remarquable reste celle des Troves. C’est aussi la plus dangereuse. Elle fut le théâtre de bien des échouages et même de tragédies. Mieux vaut s’aventurer là par mer belle. Les Troves sont aussi réputées pour leur richesse en bars. Il y en a de très gros et chaque passage au ras des cailloux est souvent synonyme de touche. Une fois les Troves franchies, on arrive dans la foulée sur Baguenaud, là encore un îlot où les pêcheurs à pied se précipitent lors des grandes marées pour y cueillir les plus belles moules de la baie. À quelques mètres de la plage règnent en maîtres les bars. Le concept demeure le même, raser avec la plus grande vigilance les bords de l’île. Tout autour, il y a aussi de nombreuses petites roches sous-marines qui sont le territoire de lieus qui se jetteront aussi sur les leurres qui passeront juste au-dessus.
En poursuivant votre périple vous traverserez le passage du Ronfle. C’est un couloir profond qui est sillonné par toutes les espèces que nous recherchons, bars, maquereaux, bonites. Sur les grosses marées, le courant y est parfois très fort. Ce passage qui est assez sûr est bordé par Baguenaud au nord et la Pierre Percée, au sud. Cet énorme dôme est creusé au milieu comme le dit son appellation et se regroupent en son sein quantité d’oiseaux. Traîner est possible, mais mieux vaut tenter des approches avec des embarcations à peu de tirant d’eau et opérer avec des leurres de surface en pêchant côté large et non pas côté baie. C’est un périmètre très riche en bars, mais où il faut que la mer soit calme. Sinon, il y a des risques de déferlantes.
On arrive à l’extrémité de la baie en « survolant » Longue Folle et ses
lieus puis en contournant le phare des Charpentiers où il faudra se montrer vigilant en ayant toujours un oeil sur le traceur. Les bars sont, là encore, très abondants. Notre aventure prendra fin, toujours en traîne, avec le retour vers les ports en passant par le Petit Charpentier et la balise de la Vieille pour longer la plage au-dessus des roches de Sainte-Marguerite où il sera étonnant que vous ne preniez pas un bar.
Il est évident que tous ces secteurs qui sont accessibles au plus grand nombre, puisque très proches de la côte, peuvent être parcourus en dérive avec des leurres de surface. Efficacité garantie. De la même manière, si vous vous intéressez aux grosses dorades grises, il faudra mouiller derrière les Evens, côté large, ou à l’extrémité de Baguenaud, côté sud. Par contre, tout comme cela se pratiquera à dix milles au large, il faudra utiliser de la strouille. Sinon vous risquerez de trouver le temps bien long. ■