Pêche en Mer

Une carangue à Fécamp

Fait étonnant, une carangue coubali a été pêchée dans la région de Fécamp au début du mois de novembre passé. On la trouve de part et d’autre de l’Atlantique et normalemen­t, à l’Est de l’Atlantique, elle s’arrête au golfe de Gascogne.

- Récit et photos d’Arnaud Delaloche.

Depuis plusieurs années, on observe un peu partout sur la façade Atlantique une migration de poissons vivant généraleme­nt dans des eaux plus chaudes. Elles ont donc tendance à remonter progressiv­ement vers le nord. La Manche n’échappe pas à cette propension et les captures de thons rouges, à la pointe du Cotentin, réalisées par certains pêcheurs profession­nels, deviennent de plus en plus régulières. Un de ces pêcheurs a même réalisé, il y a peu, deux captures d’espadons type xiphias gladius. Pour l’heure, dans mon secteur, s’il n’y a pas encore eu de captures de ce genre ; une observatio­n de chasse de thonidés en surface aurait eu lieu au large. Depuis 2014 en revanche, année où j’ai capturé ma première bonite, toujours à la même époque (septembre/octobre), on observe en surface pendant une période assez courte (une semaine en moyenne) des bancs d’anchois dont la surface couvre des dizaines de milles nautiques. C’est généraleme­nt peu après ces passages que des captures de bonites sont signalées.

Normalemen­t, en fin de saison estivale, de belles pêches de poissons plats comme les turbots et barbues peuvent être envisagées au large tandis qu’à la côte de gros passages de sprats et divers poissons fourrage donnent lieu a de formidable­s chasses mêlant différents prédateurs, ce parfois sur des surfaces très vastes. La pêche dans ces cas de figure n’est pourtant pas toujours aussi évidente qu’à priori car les bars peuvent se montrer très sélectifs quant aux styles de leurres et types d’animations employés ! C’est aussi à cette même époque, depuis quelques années, qu’il arrive de capturer des spécimens de poissons non-autochtone­s, voire carrément exotiques ! Comme ce fut le cas en ce début du mois de novembre, un de mes clients a capturé une caranx crysos qui croisait parmi les bars en chasse. Le coefficien­t de marée était de 69 ce jour-là et nous pêchions à la volée, équipés de shads plombés de 15-20 g, dans des hauteurs d’eau comprises entre 15 et 20 mètres en bordure des platiers rocheux sableux. Quelques minutes avant que mon client soit pendu sur cette carangue, je l’avais certaineme­nt piquée mais elle s’est décrochée... Le combat était atypique pour un bar, notamment par rapport à la puissance de la défense livrée par l’espèce. C’est donc quelques minutes plus tard que la carangue fut mise au sec sur une canne st croix mojo inshore MIS 70 MHF, moulinet daiwa saltist 3000 garni d’une tresse daiwa x8 braid 20lbs, par mon client et qui attesta le caractère exceptionn­el du combat pour un poisson de ce poids. Cette prise a évidemment alimenté beaucoup de discussion­s autour des pontons… tout comme le spécimen de tortue verte remonté dans le chalut d’un pêcheur du Tréport, quinze jours auparavant.

Deux semaines plus tard, plus au large cette fois, nous ferons trois bonites alors que nous faisions rapidement quelques maquereaux afin de nous fournir en appâts pour la pêche prévue ce jour. Faut-il se réjouir de la présence de ces nouvelles espèces dans nos eaux, quelles seront nos pêches dans un futur proche ? Au contraire, en hiver nous sommes impatients de voir l’arrivée des espèces migratrice­s de la mer du Nord : harengs, merlans, encornets et surtout cabillauds, espèce pouvant parfois dépasser le mètre, elle offre des combats à la hauteur des efforts déployés pour sa recherche et fait partie intégrante du patrimoine historique du port de Fécamp. Cette espèce depuis quelques années connaît de grandes fluctuatio­ns de présence dans nos eaux, parfois extrêmemen­t abondante comme il y a quatre et cinq ans, elle est depuis trois saisons complèteme­nt absente. Probable réchauffem­ent climatique, modificati­on du Gulf Stream ou l’effort de pêche commercial­e trop important sur cette espèce demandée par les consommate­urs ?

Tous plus ou moins acteurs passifs ou actifs de par notre mode de vie moderne, nous, pêcheurs, sommes souvent les premiers témoins lorsqu’un changement intervient dans les milieux où nous venons vivre notre passion. Puissions-nous, je le souhaite, la vivre encore longtemps… ■

« C’est dans le bouillon d’une chasse de bars que la carangue a été prise sur un shad plombé de 15-20 g, en bordure des platiers rocheux, dans 15 mètres d’eau. »

 ??  ?? Le client-pêcheur qui a eu la surprise de prendre une carangue d’environ 2 kilos. Selon le guide, le combat était à la hauteur d’un bar d’au moins 4 kg.
Le client-pêcheur qui a eu la surprise de prendre une carangue d’environ 2 kilos. Selon le guide, le combat était à la hauteur d’un bar d’au moins 4 kg.
 ??  ?? Quant aux cabillauds, cette espèce connaît depuis quelques années de grandes fluctuatio­ns de présence, cela fait trois saisons qu’elle est complèteme­nt absente.
Quant aux cabillauds, cette espèce connaît depuis quelques années de grandes fluctuatio­ns de présence, cela fait trois saisons qu’elle est complèteme­nt absente.
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La Manche, une future destinatio­n exotique ?
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Après capture le spécimen fut conservé et remis au pôle observatoi­re du musée de l’estran à Dieppe. Une équipe scientifiq­ue ayant pour but de recenser les observatio­ns d’espèces non autochtone­s en Manche a confirmé l’espèce caranx crysos.

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