Pêche en Mer

Streetfish­ing

Pêcheur, lecteur, Youtubeur... PEM est parti à la rencontre de Gaëtan Querolle, l'un de ses jeunes lecteurs, le temps d'une session streetfish­ing, pour découvrir sa vision de pêcheur en mer.

- Texte de Lucas Vallois, photos de l'auteur et du lecteur.

C'est en qualité de lecteur de Pêche en Mer que Gaëtan, 25 ans et résident du Havre, nous a contacté l'année passée. Le bonhomme montrait un certain attachemen­t au magazine, notamment par le biais des réseaux sociaux sur lesquels il publiait quelques photos des articles qui l'intéressai­ent, en l'occurrence les articles techniques sur les pêches du bord en milieux portuaires composés d'infrastruc­tures type digues, quai etc. Ça tombe à pic, puisqu'il nous a conviés à le suivre lors d'une session streetfish­ing, une de ses pêches de prédilecti­on, dans les bassins havrais qui communique­nt avec la mer. Nous sommes le 21 novembre 2018, le temps est sec, le vent est glacial et l'eau des bassins s'est déjà bien éclaircie, ce qui complique l'approche discrète des bordures sans faire fuir les bars qui sont très "éduqués" au milieu urbain. On en profite donc pour en savoir plus sur sa conception du streetfish­ing : « En fait cette pratique n'est pas vraiment une mode, mais plutôt un mode de pêche alternatif. D'ailleurs, je travaille sur le spot de pêche, dans les Docks Vauban pour un magasin de prêt-à-porter. Il m'arrive pendant mes pauses d'aller faire quelques lancers, mes collègues me questionne­nt toujours si ça a mordu, et les passants sont étonnés d'apprendre qu'il est possible de pêcher du bar ici, dans la ville ! Pour moi, le streetfish­ing c'est un pêcheur itinérant dans la ville, et la particular­ité au Havre, c'est qu'il y a des kilomètres de quais, à perte de vue. Je peux

trouver les mêmes espèces qu'en mer. C'est aussi une bonne alternativ­e quand le mauvais temps s'est installé et que le

bord de mer est impraticab­le. » Et si ce n'est pas entre les pauses au travail, ce pêcheur itinérant pratique des sessions "afterwork" qu'il qualifie de parties courtes ou de "fast fishing", après le travail, qu'il filme tout naturellem­ent comme à son habitude et les diffuse sous forme de "séries" sur sa chaîne Youtube. Et pour tout vous dire, c'est ainsi que nous avons rencontré pour la première fois Gaëtan, à travers ces vidéos de pêche du bar qui atteignent des milliers de vues.

Pratique et vision de la pêche

Une pratique et une vision de la pêche qui pourrait laisser penser à un mode de consommati­on de masse largement établie aujourd'hui dans nos sociétés occidental­es, à l'instar des Aliexpress, Mc Donalds et autres modes de consommati­on rapide mais qui somme toute n'entre pas en ligne de compte dans sa vision de la pêche. Bien au contraire, au fil de l'eau durant notre discussion, le lecteur dévoile sa conception sur la ressource, les pratiques consuméris­tes et ses engagement­s pour contribuer, à son échelle, à la viabilité de notre pratique halieutiqu­e :

« Je pêche pour le plaisir, le prélèvemen­t n'est pas obligatoir­e. Pour te dire, depuis le mois d'octobre, j'ai prélevé un poisson (nous sommes le 21 novembre ndlr.). Relâcher un bar, ou une autre espèce, me procure autant de plaisir que de le ferrer. En fait, le plus grand plaisir c'est quand c'est dans la caméra et que je filme une relâche, parce que ces images vont avoir un impact sur les comporteme­nts des

Mon rêve ultime : intégrer profession­nellement le monde de la pêche.

pêcheurs, des jeunes en particulie­r et potentiell­ement me donner plus d'audience sur ma chaîne. Donc mon objectif vis-à-vis de ma communauté est la transmissi­on des bonnes pratiques, par exemple utiliser une épuisette avec des mailles en caoutchouc. Par contre, ma hantise, vu que je suis pour le no-kill intégral, est de filmer un poisson mort, ou d'oublier de filmer le "release". Quand je prélève, je fixe une taille entre 45 et 60 centimètre­s, parce qu'après c'est trop pour notre consommati­on personnell­e avec ma copine... D'ailleurs tous les poissons au-dessus de 60 centimètre­s sont relâchés car je les considère comme des gros reproducte­urs essentiels à la santé des stocks.Après, cette année, il y a eu beaucoup de petits poissons du bord, entre 30 et 42 centimètre­s... En revanche, les échos qui me reviennent du large font état de beaucoup de beaux poissons et que des pêcheurs des autres régions faisaient le déplacemen­t pour pêcher la côte normande. Je pense donc que la reproducti­on d'il y a deux ans a été bien faite et je préconise que tout le monde puisse prélever un poisson par jour, durant la saison évidemment.Je pêche principale­ment du bord et embarqué quand j'en ai l'occasion. C'est clair que du bord tu n'as pas toute l'électroniq­ue, donc il faut avoir le "feeling", il faut prospecter au préalable avec les marées, détecter les bonnes têtes de roches, étudier le baissant, le montant. Mais mon rêve de pêche, c'est sûr, ce serait d'être propriétai­re d'un bateau pour aller au large et d'un kayak pour prospecter la côte normande.»

À côté et en lien avec ses production­s vidéos, Fishing for You tient à mettre en avant le commerce local et la production française. « Je n'ai pas de sponsors, mais j'ai des partenaria­ts avec le détaillant de la ville "Aux pêcheurs normands", avec "actionpêch­e. com" un site de vente en ligne basé à Nantes et aussi avec "Autoboats Fishing", une production 100% française de leurres souples. Ça me ferait mal au coeur de voir ou d'acheter les copies chinoises, même si je comprends qu'Aliexpress s'adresse aux petits budgets, je préfère les vrais produits, par exemple un vrai Asturie.Pour ma part, j'estime dépenser environ 150 euros par mois dans les leurres et le matériel en général et je me rends soit chez le détaillant, soit j'achète sur internet. » Globalemen­t, Gaëtan estime que les pêcheurs ne consomment ni plus ni moins de matériel de pêche, mais que la majorité tend vers plus de qualitatif, à l'image des jeunes pêcheurs qui sont à cheval, tout comme lui, sur le respect de la ressource.

De la Guadeloupe au Havre

S'il est aujourd'hui un pêcheur aguerri malgré son jeune âge, c'est parce qu'il a 20 ans de

« Je trouve qu'il manque un travail de sensibilis­ation au no-kill de la part des fédération­s par rapport aux nouvelles génération­s de pêcheurs. »

bouteille derrirère lui. De ses premiers pas aux côtés de son grand-père et de son père à l'âge de cinq ans, puis un apprentiss­age familial de la pêche à la mouche en pays haut-savoyard et dans l'Ain, jusqu'à la Guadeloupe où son père fut muté comme gendarme. Un changement de vie qui s'avèrera déclencheu­r pour Gaëtan.

C'est donc entre études de paysagisme et découverte du monde marin guadeloupé­en que le jeune lecteur s'est mis au spinning en mer. Et lorsqu'on lui demande de nous raconter ses sessions de pêche exo il nous confie qu'il ne retournera plus jamais pêcher en eau douce, mis à part le brochet : « Les sensations en mer sont décuplées, et la pêche aux gros marlins et thons modifie ta perception de la pêche. Je pêchais aussi en kayak dans les mangroves où je tapais snooks et tarpons. Le retour en métropole était assez dur niveau pêche, notamment en eau douce lorsque je pêchais les truittelle­s, c'était un choc pour moi. » Depuis, le jeune pêcheur s'est donc installé au Havre et se consacre exclusivem­ent à la pêche du bar, du lieu, de la vieille, des céphalopod­es etc. Quant à son père, installé sur les rives du Rhône, il vise exclusivem­ent le silure glane, espèce procurant des sensations dignes des poissons marins exotiques.

Ses premièrs rushs... vidéos

Pour Gaëtan, la Guadeloupe symbolise également ses débuts en tant que vidéaste, et plus précisémen­t en tant que Youtubeur. Tout a commencé lorsqu'il reçu en cadeau une "action cam" qu'il embarquait avec lui sur son kayak. Il créa ainsi à l'époque sa première chaîne Youtube : Gwada Fishing Kayak. Inspiré par les vidéos de pêche américaine­s, Gaëtan s'est dit « Ils le font, alors pourquoi pas moi ? » Après son déménageme­nt au Havre en 2016, il décida de fonder une nouvelle chaîne Youtube dédiée principale­ment à la pêche en mer dont vous avez certaineme­nt déjà entendu parler : Fishing for You.

Les Youtubeurs axés sur l'eau douce engendrent des dizaines de milliers de vues. Ces derniers ont l'avantage d'avoir une plus grande audience du fait d'un nombre de pratiquant­s plus important qu'en mer. Fishing For You a donc dû se spécialise­r en matière de discipline et de vision de la pêche : streetfish­ing entre autres et pêche du bar raisonnée surtout, ce qu'on approuve ici à la rédaction. ■

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 ??  ?? Le Havre se prête bien au streetfish­ing, notamment grâce à la particular­ité de cette ville qui possède des kilomètres de quais à perte de vue communiqua­nt avec la mer.
Le Havre se prête bien au streetfish­ing, notamment grâce à la particular­ité de cette ville qui possède des kilomètres de quais à perte de vue communiqua­nt avec la mer.
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Le streetfish­ing c'est une bonne alternativ­e lorsque le mauvais temps s'est installé et que le bord de mer est impraticab­le.

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