Pêche en Mer

Saint-pierre d’hiver : une question de profondeur

Poisson très recherché par les pêcheurs pendant la période automnale en Atlantique et en Méditerran­ée, le saint-pierre pourra également venir colorer vos sorties de fin d’hiver. Si tant est que l’on arrive à cibler et décider ce poisson taciturne avec le

- Texte et photos de Kevin Guéniot

Le saint-pierre est un poisson rare et mystérieux, presque légendaire, qui représente pour beaucoup une heureuse surprise lors de sa capture. Certains le trouve laid, d’autres majestueux et photogéniq­ue. Si ce poisson n’est pas recherché pour sa combativit­é, il l’est pour la beauté du coup de ligne, pour la « collection » et évidemment pour l’assiette. Certains pêcheurs, même des guides de pêche chevronnés, l’attendent toute leur vie et espèrent en capturer au moins un. Plus qu’un coup de chance, il est possible d’augmenter ses probabilit­és d’en capturer un en suivant quelques règles, intimement liées aux moeurs du saint-pierre.

Trouver le saint-pierre

Le saint-pierre, également appelé zeus faber ou encore poule de mer, est un poisson assez répandu. Il est présent dans le monde entier. On trouve le saint-pierre dans toute la Méditerran­ée mais aussi sur la façade atlantique jusqu’à la mer du Nord. Plutôt solitaires, les saint-pierres peuvent être concentrés en petits groupes durant leur reproducti­on ou lors de mannes alimentair­es ponctuelle­s, notamment lorsque des petits poissons et céphalopod­es se rassemblen­t. S’il n’évolue pas ou peu en bancs, il se regroupe sur des zones assez restreinte­s. Quand on capture un zeus faber, il ne faut pas hésiter à insister sur la même zone, car d’autres individus peuvent être capturés.

Ils affectionn­ent les eaux relativeme­nt profondes, et évoluent communémen­t dans 70 à 120 mètres de fond. Notre zéidé progresse toujours dans les profondeur­s. Il est très rare d’en observer en pleine eau ou « décollé » de plus de 10 mètres du substrat.

On notera leur présence régulière du printemps jusqu’au milieu de l’automne le long des côtes, dans des eaux peu profondes, lorsqu'ils sont à la recherche des bancs d’anchois ou de lançons. C’est particuliè­rement vrai en Atlantique. La poule de mer affectionn­e les reliefs singuliers, les zones coralligèn­es avec une forte présence de gorgones ou d’algues qui

constituen­t autant de moyens de se dissimuler. Il n’est pas rare de le trouver proche des épaves, plateaux rocheux, pics ou tombants marqués. On peut également le trouver sur des fonds sableux à vaseux, et au milieu des herbiers. Pour le détecter, il faut être attentif à la présence de bancs de petits poissons évoluant au-dessus du fond, sur votre sondeur. Le saintpierr­e se niche en effet souvent sous ces bancs. La lecture de l’échosondeu­r est un atout majeur pour la capture de l'espèce.

Technique de chasse

Un simple coup d’oeil sur son énorme gueule suffit pour comprendre qu'il est un prédateur avaleur de poissons, petits céphalopod­es et de crustacés. En revanche, ses nageoires peu développée­s, sa silhouette peu fuselée et hydrodynam­ique attestent que sa méthode de chasse est basée sur la vitesse de ses déplacemen­ts. Sa technique de chasse est assez semblable à des poissons benthiques, comme le chapon ou la baudroie. À l’affût, en aspirant sa proie.

À la différence que le saint-pierre n’attend pas immobile sur le fond, mais il s’approche lentement et s’oriente vers ses proies à l’aide de sa deuxième dorsale et de sa nageoire anale qui ondulent lentement, n’éveillant ainsi pas la méfiance de la proie. Piètre nageur, il se déplace aussi à l’aide des courants marins. Contrairem­ent au chapon ou à la baudroie, zeus faber n’est pas camouflé sur le substrat. Afin d’être le plus discret possible et que la nourriture tant convoitée ne soupçonne pas le danger, le saint-pierre se positionne en se montrant sous son meilleur profil : de face. En effet, sa morphologi­e est particuliè­rement plate et verticale, ses flancs sont très comprimés. Sa proie n’est ainsi pas effarouché­e par ce prédateur qui joue de sa forme et n’apparaît ainsi pas aussi volumineux et donc potentiell­ement moins offensif aux yeux du malheureux fretin. Son énorme gueule repliée est elle aussi discrète, tournée vers le haut et dans la continuité de son corps plat.

Une fois à portée de « tir », la poule de mer déploie son immense gueule protractil­e articulée pour aspirer sa proie. Notons que vu la taille de sa gueule, celle-ci crée une dépression provoquant une aspiration de plusieurs litres d’eau et est

capable de gober une ou plusieurs proies situées à plusieurs décimètres du prédateur.

Une pêche en souplesse

Très réceptif au leurre, sa capture est une (bonne) surprise pour les pêcheurs aux leurres, souvent sortis pour se jouer d’autres prédateurs, comme le bar en Atlantique ou le denti en Méditerran­ée.

Il s’agit d’une pêche qui se pratique en bateau. En effet, il évolue généraleme­nt dans de grandes profondeur­s. Même si des captures du bord sont signalées, elles restent anecdotiqu­es. Il est assez difficile de programmer une sortie pendant laquelle on ne va cibler que notre majestueux poisson. À ma connaissan­ce, seuls quelques pêcheurs d’Atlantique ou de Méditerran­ée arrivent à obtenir des résultats réguliers, surtout lorsque les zéidés sont rassemblés. Pour être clair, il faudra donc s’attendre à prendre d’autres espèces de poissons. Les chapons, dentis, pagres, bars, vieilles, grondins et bien d’autres se laisseront leurrer. Pour augmenter ses chances de capture, il faut comprendre son mode de chasse décrit plus haut. Puisqu'il se déplace peu et lentement, il lui faut donc une proie qui reste un maximum de temps au sein de son périmètre de chasse. Il est important de pêcher lentement avec des leurres mobiles, même avec de faibles vitesses de récupérati­on. Le leurre souple reste une valeur sûre pour les duper.

En bateau, placez votre embarcatio­n sur un secteur potentiell­ement propice que sont les plateaux, cassures ou structures préalablem­ent repérés à l’aide d’un échosondeu­r qui joue un rôle prépondéra­nt dans cette pêche. Le sondeur est crucial pour ne s’attarder que sur les spots intéressan­ts et ne pas perdre de temps à peigner l’immensité marine...

Une fois sur un secteur repéré, laissez simplement descendre votre leurre à l’aplomb du bateau jusqu’à ce que celui-ci touche le fond. À ce moment-là, décollez-le d’une vingtaine de centimètre­s et laissez la dérive de votre bateau faire le reste. Elle suffit généraleme­nt à faire nager votre leurre de façon lente en suivant le relief. Reprenez contact de temps à autre avec le fond en libérant du fil et n’hésitez pas à faire des dérives assez longues et à pêcher loin derrière le bateau.

L’hiver dans les profondeur­s

Si en été le poisson évolue dans des profondeur­s moyennes et que l’emploi des shads planants et des eels avec de forts grammages sont particuliè­rement efficaces, en hiver ce poisson se trouve dans de plus grandes profondeur­s, c’està-dire au-delà de 60 mètres et dans ce cas de figure, la pêche au leurre souple devient compliquée. On optera alors pour une pêche à la verticale en slow jigging ou à l’inchiku, dans des grammages compris entre 80 et 180 g, à adapter selon le courant, la vitesse de dérive et la profondeur. La philosophi­e globale est la même qu’avec un leurre souple : proposer un leurre mobile et nageant, même animé lentement et sur de faibles amplitudes. La nage fluide et papillonna­nte de ces leurres plaît aussi au saintpierr­e qui a le temps de s’en saisir lorsqu’il passe proche de sa position.

Les inchikus et slowjigs avec un profil large sont adaptés au saint-pierre. Ils travaillen­t aussi lors des phases de descente du leurre. L’inchiku peut simplement être maintenu au-dessus du fond lors de la dérive du bateau, en gardant la bannière en tension. L’inchiku oscillera et l’octopus se mettra en mouvement, imitant un petit céphalopod­e en maraude. Ce constat est toutefois à pondérer avec la situation géographiq­ue dans laquelle vous pêchez. En Méditerran­ée par exemple, il n'est pas rare de trouver les saintpierr­es au-dessus des 40 mètres en février. Concernant le slowjig, il faudra aussi prendre contact avec le fond, puis réaliser une série de pitchs, sorte de twitch mais à la verticale, tout en récupérant la ligne. Une dizaine de pitchs permet au slowjig de remonter d’une dizaine ou douzaine de mètres. Relâchez ensuite la ligne pour que le leurre retouche le fond, puis recommence­z. Si des saint-pierres sont sur la zone, il y a fort à parier que ce leurre incitatif ne les laisse pas longtemps indifféren­t.

Pour ce dernier type de leurre, je préconise le recours à un ensemble slowjig casting, très adapté et permettant de réaliser les animations du leurre rapidement et facilement. Par ailleurs, qu’il s’agisse de leurre souple, d’inchiku ou de slowjig, ces leurres imitent particuliè­rement bien les proies habituelle­s du saint-pierre, comme les poissons ou les petits céphalopod­es. Quel que soit le type de leurre utilisé, privilégie­z des couleurs flashy telles que le rose et l'orange avec si possible une petite touche de phosphores­cent qui reste un plus

lors des pêches en profondeur, où la lumière se fait rare. Par temps clair, le bleu reste également une valeur sûre.

Le bon matos

Même s’il n’existe à ma connaissan­ce aucune canne dédiée à la pêche du saint-pierre, votre canne devra avoir certaines propriétés afin de pêcher confortabl­ement et d’être efficace. Une canne très sensible est fortement conseillée pour ressentir les touches discrètes du saint-pierre. Par ailleurs, la sensibilit­é et la finesse sont des atouts pour bien travailler des leurres animés lentement. L’action de pointe doit être marquée. La longueur de la canne doit être comprise entre 2,10 et 2,30 mètres pour garder un bon contrôle de la bannière, même avec des animations amples. La puissance de la canne doit permettre l’emploi et le lancer de leurre allant jusqu’à 120 grammes. Pour ce qui est du moulinet, une récupérati­on importante d’environ un mètre par tour de manivelle, est un confort, en particulie­r lorsque vous remontez votre leurre dans des profondeur­s supérieure­s à 70 mètres.

Autre point presque indispensa­ble : l’usage d’une tresse. Elle vous permettra d’atteindre la profondeur de pêche rapidement, du fait de sa finesse et de sa faible prise dans l’eau. Sa faible élasticité permet de ressentir les touches très subtiles, même à grande profondeur. La coloration de la tresse par paliers (tous les 10 mètres) est un plus pour bien connaître la profondeur dans laquelle votre leurre évolue et pour identifier la profondeur exacte des saint-pierres. Votre moulinet devra être garni de 300 mètres de tresse de PE1.5 à PE2.5, non pas pour la puissance de combat du zéidé, mais afin de pouvoir rivaliser si vous tombez sur une espèce plus puissante.

L’attractant : il peut faire la différence

Un point selon moi important si l’on veut se faire plaisir avec un saint-pierre : les attractant­s. Il semble que notre zeus faber y soit particuliè­rement réceptif. Pour ma part, j’ai pu observer et conforter cela lors de la capture de mon premier sujet. Je venais de sortir de son emballage un shad imprégné, au coeur de la matière, d’attractant. L’odeur est alors soutenue pour ce leurre souple qui n’a encore jamais vu l’eau. Il ne m’aura fallu attendre qu’une descente et quelques animations pour en leurrer un premier. Plusieurs pêcheurs qui ont la chance de capturer assez régulièrem­ent des saint-pierres attestent que l’usage d’attractant permet de doubler le nombre de touches de ce poisson. Je conseille donc l’utilisatio­n d’attractant en gel pour augmenter ses chances. L’attractant en gel présente l’avantage de bien rester sur le leurre dans l’eau et de se diffuser de manière presque continuell­e en créant une trainée olfactive derrière le leurre.

Les attractant­s liquides trop solubles ne jouent pas bien le rôle de chemin olfactif, car ils se diffusent trop rapidement, dès la coulée du leurre. Il est fort probable que le saint-pierre soit très réceptif aux signaux olfactifs. Le poisson se déplacerai­t plus volontiers vers cette proie appétissan­te qui passe lentement à proximité. La gamme Nitro Booster d’Illex est une valeur sûre bien connue des pêcheurs en mer.

Ferrage ferme

Nous l’avons vu plus haut, ce poisson est taciturne. Ainsi, la touche peut se manifester par un léger « toc », soit par une simple lourdeur difficilem­ent perceptibl­e. Toutefois, si le saint-pierre se tourne sur le leurre, l’attaque peut même être violente. Il faudra alors ferrer fermement.

Une fois ferré, il se laisse ramener en surface sans opposer une résistance farouche. Il s’agit plutôt d’une lourdeur dans la ligne, et donne parfois quelques coups de tête.

Il faudra veiller à remonter le poisson lentement avec une tension constante de la ligne, afin d’éviter de décrocher le poisson. Sa mâchoire cartilagin­euse se prête facilement aux décrochage­s intempesti­fs...Veillez donc à garder la bannière tendue lors de la remontée. Une canne progressiv­e avec un scion plein, en plus d’apporter de la sensibilit­é, se courbera parfaiteme­nt pour éviter de perdre un poisson.

Si le saint-pierre est considéré comme l’un des poissons les plus savoureux, la raison voudrait qu'on relâche cette majestueux et noble espèce. J’encourage donc les pêcheurs à ne pas remonter trop rapidement leurs poissons, sachant que la capture d’un zeus faber est assez facile à identifier. Une fois remonté doucement et décroché, appuyez la tête du poisson sous la surface pour lui donner de l’élan, et il regagnera son élément sans souci. Garder un poisson de temps à autre dans la limite du raisonnabl­e permet aussi de savourer l’« après pêche » en famille ou entre amis par exemple. ■

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Le slow jig apporte un confort de pêche indéniable en hiver si le poisson est calé dans les grands fonds.
Le slow jig apporte un confort de pêche indéniable en hiver si le poisson est calé dans les grands fonds.
 ??  ?? La touche du saint-pierre est souvent discrète. Il est donc impératif de bien gérer son ferrage.
La touche du saint-pierre est souvent discrète. Il est donc impératif de bien gérer son ferrage.
 ??  ?? L'inchiku est le leurre roi pour attaquer les fonds de plus de 60 mètres.
L'inchiku est le leurre roi pour attaquer les fonds de plus de 60 mètres.
 ??  ?? En Méditerran­ée, en hiver, le saintpierr­e peut se trouver à moins de 40 mètres de fond. La pêche au leure souple devient donc à nouveau pertinente.Ici, un très beau spécimen de près de 4 kg pour 70 cm pris au leurre souple dans ce cas de figure.
En Méditerran­ée, en hiver, le saintpierr­e peut se trouver à moins de 40 mètres de fond. La pêche au leure souple devient donc à nouveau pertinente.Ici, un très beau spécimen de près de 4 kg pour 70 cm pris au leurre souple dans ce cas de figure.

Newspapers in French

Newspapers from France