Saint-pierre d’hiver : une question de profondeur
Poisson très recherché par les pêcheurs pendant la période automnale en Atlantique et en Méditerranée, le saint-pierre pourra également venir colorer vos sorties de fin d’hiver. Si tant est que l’on arrive à cibler et décider ce poisson taciturne avec le
Le saint-pierre est un poisson rare et mystérieux, presque légendaire, qui représente pour beaucoup une heureuse surprise lors de sa capture. Certains le trouve laid, d’autres majestueux et photogénique. Si ce poisson n’est pas recherché pour sa combativité, il l’est pour la beauté du coup de ligne, pour la « collection » et évidemment pour l’assiette. Certains pêcheurs, même des guides de pêche chevronnés, l’attendent toute leur vie et espèrent en capturer au moins un. Plus qu’un coup de chance, il est possible d’augmenter ses probabilités d’en capturer un en suivant quelques règles, intimement liées aux moeurs du saint-pierre.
Trouver le saint-pierre
Le saint-pierre, également appelé zeus faber ou encore poule de mer, est un poisson assez répandu. Il est présent dans le monde entier. On trouve le saint-pierre dans toute la Méditerranée mais aussi sur la façade atlantique jusqu’à la mer du Nord. Plutôt solitaires, les saint-pierres peuvent être concentrés en petits groupes durant leur reproduction ou lors de mannes alimentaires ponctuelles, notamment lorsque des petits poissons et céphalopodes se rassemblent. S’il n’évolue pas ou peu en bancs, il se regroupe sur des zones assez restreintes. Quand on capture un zeus faber, il ne faut pas hésiter à insister sur la même zone, car d’autres individus peuvent être capturés.
Ils affectionnent les eaux relativement profondes, et évoluent communément dans 70 à 120 mètres de fond. Notre zéidé progresse toujours dans les profondeurs. Il est très rare d’en observer en pleine eau ou « décollé » de plus de 10 mètres du substrat.
On notera leur présence régulière du printemps jusqu’au milieu de l’automne le long des côtes, dans des eaux peu profondes, lorsqu'ils sont à la recherche des bancs d’anchois ou de lançons. C’est particulièrement vrai en Atlantique. La poule de mer affectionne les reliefs singuliers, les zones coralligènes avec une forte présence de gorgones ou d’algues qui
constituent autant de moyens de se dissimuler. Il n’est pas rare de le trouver proche des épaves, plateaux rocheux, pics ou tombants marqués. On peut également le trouver sur des fonds sableux à vaseux, et au milieu des herbiers. Pour le détecter, il faut être attentif à la présence de bancs de petits poissons évoluant au-dessus du fond, sur votre sondeur. Le saintpierre se niche en effet souvent sous ces bancs. La lecture de l’échosondeur est un atout majeur pour la capture de l'espèce.
Technique de chasse
Un simple coup d’oeil sur son énorme gueule suffit pour comprendre qu'il est un prédateur avaleur de poissons, petits céphalopodes et de crustacés. En revanche, ses nageoires peu développées, sa silhouette peu fuselée et hydrodynamique attestent que sa méthode de chasse est basée sur la vitesse de ses déplacements. Sa technique de chasse est assez semblable à des poissons benthiques, comme le chapon ou la baudroie. À l’affût, en aspirant sa proie.
À la différence que le saint-pierre n’attend pas immobile sur le fond, mais il s’approche lentement et s’oriente vers ses proies à l’aide de sa deuxième dorsale et de sa nageoire anale qui ondulent lentement, n’éveillant ainsi pas la méfiance de la proie. Piètre nageur, il se déplace aussi à l’aide des courants marins. Contrairement au chapon ou à la baudroie, zeus faber n’est pas camouflé sur le substrat. Afin d’être le plus discret possible et que la nourriture tant convoitée ne soupçonne pas le danger, le saint-pierre se positionne en se montrant sous son meilleur profil : de face. En effet, sa morphologie est particulièrement plate et verticale, ses flancs sont très comprimés. Sa proie n’est ainsi pas effarouchée par ce prédateur qui joue de sa forme et n’apparaît ainsi pas aussi volumineux et donc potentiellement moins offensif aux yeux du malheureux fretin. Son énorme gueule repliée est elle aussi discrète, tournée vers le haut et dans la continuité de son corps plat.
Une fois à portée de « tir », la poule de mer déploie son immense gueule protractile articulée pour aspirer sa proie. Notons que vu la taille de sa gueule, celle-ci crée une dépression provoquant une aspiration de plusieurs litres d’eau et est
capable de gober une ou plusieurs proies situées à plusieurs décimètres du prédateur.
Une pêche en souplesse
Très réceptif au leurre, sa capture est une (bonne) surprise pour les pêcheurs aux leurres, souvent sortis pour se jouer d’autres prédateurs, comme le bar en Atlantique ou le denti en Méditerranée.
Il s’agit d’une pêche qui se pratique en bateau. En effet, il évolue généralement dans de grandes profondeurs. Même si des captures du bord sont signalées, elles restent anecdotiques. Il est assez difficile de programmer une sortie pendant laquelle on ne va cibler que notre majestueux poisson. À ma connaissance, seuls quelques pêcheurs d’Atlantique ou de Méditerranée arrivent à obtenir des résultats réguliers, surtout lorsque les zéidés sont rassemblés. Pour être clair, il faudra donc s’attendre à prendre d’autres espèces de poissons. Les chapons, dentis, pagres, bars, vieilles, grondins et bien d’autres se laisseront leurrer. Pour augmenter ses chances de capture, il faut comprendre son mode de chasse décrit plus haut. Puisqu'il se déplace peu et lentement, il lui faut donc une proie qui reste un maximum de temps au sein de son périmètre de chasse. Il est important de pêcher lentement avec des leurres mobiles, même avec de faibles vitesses de récupération. Le leurre souple reste une valeur sûre pour les duper.
En bateau, placez votre embarcation sur un secteur potentiellement propice que sont les plateaux, cassures ou structures préalablement repérés à l’aide d’un échosondeur qui joue un rôle prépondérant dans cette pêche. Le sondeur est crucial pour ne s’attarder que sur les spots intéressants et ne pas perdre de temps à peigner l’immensité marine...
Une fois sur un secteur repéré, laissez simplement descendre votre leurre à l’aplomb du bateau jusqu’à ce que celui-ci touche le fond. À ce moment-là, décollez-le d’une vingtaine de centimètres et laissez la dérive de votre bateau faire le reste. Elle suffit généralement à faire nager votre leurre de façon lente en suivant le relief. Reprenez contact de temps à autre avec le fond en libérant du fil et n’hésitez pas à faire des dérives assez longues et à pêcher loin derrière le bateau.
L’hiver dans les profondeurs
Si en été le poisson évolue dans des profondeurs moyennes et que l’emploi des shads planants et des eels avec de forts grammages sont particulièrement efficaces, en hiver ce poisson se trouve dans de plus grandes profondeurs, c’està-dire au-delà de 60 mètres et dans ce cas de figure, la pêche au leurre souple devient compliquée. On optera alors pour une pêche à la verticale en slow jigging ou à l’inchiku, dans des grammages compris entre 80 et 180 g, à adapter selon le courant, la vitesse de dérive et la profondeur. La philosophie globale est la même qu’avec un leurre souple : proposer un leurre mobile et nageant, même animé lentement et sur de faibles amplitudes. La nage fluide et papillonnante de ces leurres plaît aussi au saintpierre qui a le temps de s’en saisir lorsqu’il passe proche de sa position.
Les inchikus et slowjigs avec un profil large sont adaptés au saint-pierre. Ils travaillent aussi lors des phases de descente du leurre. L’inchiku peut simplement être maintenu au-dessus du fond lors de la dérive du bateau, en gardant la bannière en tension. L’inchiku oscillera et l’octopus se mettra en mouvement, imitant un petit céphalopode en maraude. Ce constat est toutefois à pondérer avec la situation géographique dans laquelle vous pêchez. En Méditerranée par exemple, il n'est pas rare de trouver les saintpierres au-dessus des 40 mètres en février. Concernant le slowjig, il faudra aussi prendre contact avec le fond, puis réaliser une série de pitchs, sorte de twitch mais à la verticale, tout en récupérant la ligne. Une dizaine de pitchs permet au slowjig de remonter d’une dizaine ou douzaine de mètres. Relâchez ensuite la ligne pour que le leurre retouche le fond, puis recommencez. Si des saint-pierres sont sur la zone, il y a fort à parier que ce leurre incitatif ne les laisse pas longtemps indifférent.
Pour ce dernier type de leurre, je préconise le recours à un ensemble slowjig casting, très adapté et permettant de réaliser les animations du leurre rapidement et facilement. Par ailleurs, qu’il s’agisse de leurre souple, d’inchiku ou de slowjig, ces leurres imitent particulièrement bien les proies habituelles du saint-pierre, comme les poissons ou les petits céphalopodes. Quel que soit le type de leurre utilisé, privilégiez des couleurs flashy telles que le rose et l'orange avec si possible une petite touche de phosphorescent qui reste un plus
lors des pêches en profondeur, où la lumière se fait rare. Par temps clair, le bleu reste également une valeur sûre.
Le bon matos
Même s’il n’existe à ma connaissance aucune canne dédiée à la pêche du saint-pierre, votre canne devra avoir certaines propriétés afin de pêcher confortablement et d’être efficace. Une canne très sensible est fortement conseillée pour ressentir les touches discrètes du saint-pierre. Par ailleurs, la sensibilité et la finesse sont des atouts pour bien travailler des leurres animés lentement. L’action de pointe doit être marquée. La longueur de la canne doit être comprise entre 2,10 et 2,30 mètres pour garder un bon contrôle de la bannière, même avec des animations amples. La puissance de la canne doit permettre l’emploi et le lancer de leurre allant jusqu’à 120 grammes. Pour ce qui est du moulinet, une récupération importante d’environ un mètre par tour de manivelle, est un confort, en particulier lorsque vous remontez votre leurre dans des profondeurs supérieures à 70 mètres.
Autre point presque indispensable : l’usage d’une tresse. Elle vous permettra d’atteindre la profondeur de pêche rapidement, du fait de sa finesse et de sa faible prise dans l’eau. Sa faible élasticité permet de ressentir les touches très subtiles, même à grande profondeur. La coloration de la tresse par paliers (tous les 10 mètres) est un plus pour bien connaître la profondeur dans laquelle votre leurre évolue et pour identifier la profondeur exacte des saint-pierres. Votre moulinet devra être garni de 300 mètres de tresse de PE1.5 à PE2.5, non pas pour la puissance de combat du zéidé, mais afin de pouvoir rivaliser si vous tombez sur une espèce plus puissante.
L’attractant : il peut faire la différence
Un point selon moi important si l’on veut se faire plaisir avec un saint-pierre : les attractants. Il semble que notre zeus faber y soit particulièrement réceptif. Pour ma part, j’ai pu observer et conforter cela lors de la capture de mon premier sujet. Je venais de sortir de son emballage un shad imprégné, au coeur de la matière, d’attractant. L’odeur est alors soutenue pour ce leurre souple qui n’a encore jamais vu l’eau. Il ne m’aura fallu attendre qu’une descente et quelques animations pour en leurrer un premier. Plusieurs pêcheurs qui ont la chance de capturer assez régulièrement des saint-pierres attestent que l’usage d’attractant permet de doubler le nombre de touches de ce poisson. Je conseille donc l’utilisation d’attractant en gel pour augmenter ses chances. L’attractant en gel présente l’avantage de bien rester sur le leurre dans l’eau et de se diffuser de manière presque continuelle en créant une trainée olfactive derrière le leurre.
Les attractants liquides trop solubles ne jouent pas bien le rôle de chemin olfactif, car ils se diffusent trop rapidement, dès la coulée du leurre. Il est fort probable que le saint-pierre soit très réceptif aux signaux olfactifs. Le poisson se déplacerait plus volontiers vers cette proie appétissante qui passe lentement à proximité. La gamme Nitro Booster d’Illex est une valeur sûre bien connue des pêcheurs en mer.
Ferrage ferme
Nous l’avons vu plus haut, ce poisson est taciturne. Ainsi, la touche peut se manifester par un léger « toc », soit par une simple lourdeur difficilement perceptible. Toutefois, si le saint-pierre se tourne sur le leurre, l’attaque peut même être violente. Il faudra alors ferrer fermement.
Une fois ferré, il se laisse ramener en surface sans opposer une résistance farouche. Il s’agit plutôt d’une lourdeur dans la ligne, et donne parfois quelques coups de tête.
Il faudra veiller à remonter le poisson lentement avec une tension constante de la ligne, afin d’éviter de décrocher le poisson. Sa mâchoire cartilagineuse se prête facilement aux décrochages intempestifs...Veillez donc à garder la bannière tendue lors de la remontée. Une canne progressive avec un scion plein, en plus d’apporter de la sensibilité, se courbera parfaitement pour éviter de perdre un poisson.
Si le saint-pierre est considéré comme l’un des poissons les plus savoureux, la raison voudrait qu'on relâche cette majestueux et noble espèce. J’encourage donc les pêcheurs à ne pas remonter trop rapidement leurs poissons, sachant que la capture d’un zeus faber est assez facile à identifier. Une fois remonté doucement et décroché, appuyez la tête du poisson sous la surface pour lui donner de l’élan, et il regagnera son élément sans souci. Garder un poisson de temps à autre dans la limite du raisonnable permet aussi de savourer l’« après pêche » en famille ou entre amis par exemple. ■