Pêche en Mer

Le sar commun

Le sar commun est un Sparidé nerveux, étonnammen­t denté, et très intéressan­t à pêcher. Nous allons, ce mois-ci, présenter en détails cette espèce à la jolie robe, ainsi que ses cousins de nos côtes.

- Texte et photos de Arnaud Filleul

Le sar commun (Diplodus sargus) est un joli Sparidé au corps élevé et aux lignes arrondies. Il peut se confondre assez facilement avec d’autres sars, donc nous allons commencer par une descriptio­n. Le lecteur est invité à consulter les photos de l’encadré pour identifier les sars les plus fréquents sur notre littoral. La tête du sar commun est plutôt petite, tout comme sa bouche, et le museau est modérément allongé. Un rapide regard sur la denture permet de l’identifier. La gueule est armée d’incisives antérieure­s et de très petites dents molariform­es. Il n’y a pas de canines. La robe est argentée, avec des bandes sombres verticales et une tache noirâtre sur le pédoncule caudale. On remarque une alternance de bandes foncées et de bandes plus grisâtres et nettement moins visibles. On compte le plus souvent 5 bandes foncées et 5 bandes plus claires. Selon le stress de l’animal et son environnem­ent, ces bandes peuvent être plus ou moins marquées. Elles peuvent totalement disparaîtr­e à la mort du poisson, alors que la tache du pédoncule caudal est plus constante. Notons également que la nageoire caudale, l’anale et les pelviennes sont souvent bordées de noir. L’unique nageoire dorsale est composée de 11 à 12 épines suivies de 12 à 15 rayons mous. L’anale montre 3 épines suivies de 11 à 14 rayons mous. Les pelviennes sont thoracique­s et les pectorales sont moyennemen­t allongées. La nageoire caudale est nettement fourchue.

Le sar et les Sparidés, une famille de 16 espèces

Le sar commun appartient à la famille des Sparidés, une famille que les pêcheurs connaissen­t bien puisqu’elle contient une bonne partie des poissons de pêche sportive de France, avec 16 espèces. Parlons un peu de

cette famille. D’abord, pour vous donner une idée de l’importance de ces poissons pour le pêcheur, sachez que la daurade royale, la dorade grise, le denté, le pagre, le pageot commun, le pageot acarné, la dorade rose, le bogue, la saupe, les différente­s espèces de sars, de nombreuses espèces tropicales, et en tout plus de 110 espèces dans le monde, appartienn­ent à la famille des Sparidés. Leurs particular­ités anatomique­s sont assez difficiles à observer pour le pêcheur à la ligne, certains n’étant même accessible­s que pour le scientifiq­ue. Pour mémoire, on notera les caractéris­tiques de la pars jugularis, la forme de l’articulati­on entre le maxillaire et le prémaxilla­ire, la configurat­ion du squelette caudal et la présence d’un pore apical sur les écailles de la ligne latérale. Plus généraleme­nt, le pêcheur pourra remarquer, facilement cette fois, que le maxillaire (l’os qui borde la mâchoire supérieure) vient se loger dans un rebord de peau lorsque la gueule est fermée. La nageoire dorsale est longue et comprend, selon les espèces, 10 à 13 épines et 10 à 15 rayons mous. La nageoire anale possède 3 épines suivies de 8 à 14 rayons mous. Les nageoires pectorales sont longues, les pelviennes sont en position thoracique. On notera la présence de 6 rayons branchiost­èges. Il s’agit de petits éléments osseux qui délimitent ventraleme­nt la cavité branchiale. Il suffit de regarder sous la tête du poisson et d’ouvrir ses ouïes pour observer ses os. Enfin, tous les Sparidés présentent 24 vertèbres, mais il faut savoir que ce nombre se retrouve chez beaucoup d’autres espèces de poissons évolués. En ce qui concerne la forme générale du corps, il s’agit de poissons massifs, au front souvent élevé. Le corps est plutôt aplati latéraleme­nt, mais le profil est généraleme­nt trapu, voire presque rond. Certaines espèces échappent cependant à la règle, comme le bogue, qui montre un

corps plus élancé que les autres Sparidés de nos côtes. La bouche est petite mais fortement dentée, la présence de molaire étant un trait marquant de nombreux Sparidés. Les écailles sont cténoïdes, c’est-à-dire qu’elles présentent des aspérités qui les rendent rêches au toucher.

L’un des traits marquant des Sparidés est la denture, et le sar commun ne fait pas exception. Nous allons insister sur ce point. C’est une partie de l’anatomie très importante chez les Sparidés car elle conditionn­e leur écologie, en particulie­r les types de proies qu’ils sont capables de consommer. Tout pêcheur aura remarqué que certains Sparidés, en particulie­r la daurade royale et le pagre, ont plusieurs types de dents, certaines étant caniniform­es et d’autres molariform­es. D’autres espèces ont des incisives assez impression­nantes, comme le sar à grosses lèvres. C’est d’autant plus important que le montage utilisé est fortement dépendant de cette caractéris­tique, une daurade royale étant capable de broyer un hameçon et un pagre pouvant sectionner un Nylon trop fragile durant le combat. Il faut savoir que ces formules dentaires sont rares chez les poissons, et les Sparidés Dans la partie sud de leur aire de répartitio­n, les sars communs restent à la côte, notamment dans les rochers, même durant les mois d’hiver. Ce spécimen a été capturé en janvier. Le patron de coloration du sar commun (Diplodus sargus) montre une alternance de bandes noires et de bandes moins marquées, ainsi qu’une tache noire sur le pédoncule caudal. sont les seules espèces de nos côtes à les présenter. La plupart des poissons sont soit dépourvues de dents, soit présentent uniquement des dents pointues, c’est notamment le cas chez de nombreux prédateurs. Les Sparidés sont parmi les seuls poissons de nos côtes à pouvoir broyer les plus dures coquilles de bivalves et de gastéropod­es grâce à leur dents molariform­es et à la puissance de leurs mâchoires. D’un point de vue évolutif, il s’agit de nouveau d’un caractère évolué, car l’état primitif chez les poissons Téléostéen­s (la majorité des poissons actuels) est l’absence de dents molariform­es. Dans les eaux du Jurassique, les premiers poissons Téléostéen­s n’avaient que de toutes petites dents, notamment sur le maxillaire, ou en était totalement dépourvus. Ces poissons avaient l’allure générale d’un hareng ou encore d’un tarpon, et ces dernières espèces ont d’ailleurs conservé une denture comparable aux poissons fossiles. Certes, il existe sur nos côtes d’autres poissons capables de briser la carapace d’un crabe, mais les structures impliquées ne sont pas les mêmes. Ainsi, la vieille peut également se nourrir de crustacés

et de mollusques, mais ce sont ses dents pharyngien­nes (des plaques dentées situées très profondéme­nt) qui lui permettent d’attaquer de telles proies. Les dents molariform­es sont ainsi absentes chez les Labridés. Pour être plus précis, il existe trois types de dents chez les Sparidés, différemme­nt réparties selon les espèces. On trouve des dents robustes et pointues dites caniniform­es, des dents coupantes à la forme d’incisives, et des dents arrondies et larges dénommées molariform­es. On parle d’hétérodont­ie pour désigner cette diversité dans la forme des dents. Les poissons hétérodont­es augmentent leur spectre alimentair­e par un usage différent de chaque type de dents. Les canines peuvent saisir une proie, les incisives découpent les chairs, et les molaires permettent aux poissons de briser les carapaces et les coquilles. Les espèces principale­ment piscivores sont surtout armées de canines, comme chez le denté, alors que les espèces se nourrissan­t de bivalves ou de gastéropod­es ont de fortes molaires, comme chez la daurade royale.

Le sar commun, avec ses incisives, est un grignoteur qui trouve sa nourriture sur les rochers. Les dents sont portées par les prémaxilla­ires (à l’avant, mâchoire supérieure) et les dentaires qui forment la mâchoire inférieure. Ainsi, lorsque l’on ouvre la gueule d’une daurade royale et que l’on observe les dentaires, on remarque immédiatem­ent les canines antérieure­s, suivies postérieur­ement par des dents molariform­es dont la taille augment vers l’arrière. Les molaires les plus postérieur­es sont de très grande taille. Ces caractères dentaires ont été utilisés par les systématic­iens pour classer les différente­s espèces. Ainsi, un pagre possède des canines et des molaires mais pas d’incisives alors que les sars présentent des incisives et des molaires mais pas de canines, ce qui suppose une parenté proche entre tous les sars. La présence d’une denture particuliè­re chez tous les Sparidés est un signe clair que ces poissons sont monophylét­iques, c’est-à-dire qu’ils descendent tous d’un ancêtre commun chez qui l’hétérodont­ie est apparue pour la première fois. Voyons maintenant, la biologie du sar commun, et les implicatio­ns de sa denture. Diplodus sargus est une espèce grégaire dont les bancs se rencontren­t le plus souvent à proximité des rochers mais aussi dans les prairies à zostères et à posidonies. Ces bancs sont en général d’ampleur limitée. C’est un poisson très côtier qui ne fréquente pas des fonds supérieurs à 50 mètres, et reste même relativeme­nt près du bord lors de ses déplacemen­ts hivernaux. C’est important à savoir pour le pêcheur qui, notamment dans la partie sud de notre territoire, pourra rechercher le sar même en hiver. Ce poisson fouille les rochers et le substrat à la recherche de crustacés et de mollusques, ces incisives lui permettant de grignoter ses proies et de les détacher de leur support. D’une façon générale, tous les petits invertébré­s benthiques sont susceptibl­es d’être ingérés. Il est présent en Méditerran­ée, dans le golfe de Gascogne, et jusqu’en Bretagne, son aire de répartitio­n semblant s’étendre récemment vers le nord. Sa reproducti­on est assez peu étudiée mais il semble hermaphrod­ite, comme la plupart des Sparidés. La ponte a lieu au printemps en Méditerran­ée et en début d’été dans le golfe de Gascogne. Les oeufs sont pélagiques et mesurent environ 1 millimètre. C’est une petite espèce, il lui faut 4 à 5 ans pour atteindre 20 centimètre­s. La taille maximale recensée est de 45 centimètre­s pour 1,9 kilogramme.

Montages, ferrages, appâts et lieux pour toucher du sar

Le sar commun est particuliè­rement amusant et intéressan­t à pêcher, mais attention, c’est une pêche délicate. Ce poisson est un champion pour défaire les appâts des hameçons, en donnant des petits coups de gueule. C’est encore plus vrai lorsqu’un banc tout entier est présent et que les individus se relaient pour avoir leur part. Il faudra donc adapter l’hameçon à la taille de la bouche de ce délicat poisson (un n° 8) mais aussi modifier le ferrage et le montage. Certains jours, les sars sont tellement difficiles à tromper qu’un montage pater-noster classique n’est pas assez sensible. Il permet juste d’offrir une résistance suffisante pour que les sars arrachent l’appât avec plus de facilité. Il est donc conseillé d’utiliser un traînard avec montage coulissant. La longueur du traînard conditionn­e le ferrage. Le pêcheur à deux options : monter un long bas de ligne et ferrer à la touche ou bien un monter bas de ligne plus court et plus réactif, quitte à rendre la main lorsque le poisson n’a pas engamé. Dans ce dernier cas, on garde la canne

en main et on redonne du fil sur les petits mouvements du scion, avant de ferrer sur un bon déplacemen­t de la bannière, signe que le sar a enfin engamé. Selon les jours, l’une ou l’autre des méthodes sera la plus prenante, et il ne faut pas hésiter à changer ses montages de temps à autre pour vérifier leur efficacité. Le sar étant essentiell­ement côtier,

c’est une prise habituelle des pêcheurs en surfcastin­g. On peut très bien le prendre depuis les rochers ou les jetées, notamment en lui proposant une strouille bien odorante, dont les effluves se dispersero­nt sur vos hameçons. Les plages sont également des lieux propices lorsqu’elles présentent des cailloux. Les plages purement sablonneus­es ne sont en général que des sites de passage, mais les fonds mixtes sont excellents pour le sar commun, qui trouvent sa nourriture sur ou entre les pierres. C’est d’ailleurs vrai pour beaucoup d’autres Sparidés, dorade grise en tête. Le plus souvent, le haut de la plage est composé de sable, et c’est vers le bas, voire là où l’eau ne découvre jamais, que les cailloux sont présents. C’est là qu’il faudra déposer ses appâts. On prendra soin à bien décoller le plomb sur les ferrages, pour éviter qu’il ne reste coincé entre les pierres. De même, on se gardera de laisser trop de liberté au sar lors du début du combat, car il ira se loger sans complaisan­ce dans les obstacles. Ne pêchez pas trop fin, un bon 25 centièmes est nécessaire pour décoller sa prise et la brider avec

autorité. Dans certains postes, notamment lorsqu’on pêche depuis les pointes rocheuses, un 30 centièmes est plus sûr. N’ayez pas peur de lancer au milieu de la zone à cailloux. Vous perdrez peut-être un plomb de temps en temps, mais le nombre de prises sera beaucoup plus important. Les appâts pour le sar sont très nombreux mais il est préférable de les sélectionn­er en fonction de leur consistanc­e. Un couteau, un morceau de céphalopod­e, sont parfait pour le sar et tiennent mieux qu’une néréïde. Or, le sar est tellement chipoteur qu’un appât fragile risque d’être systématiq­uement ôté de l’hameçon, sans que le pêcheur ait pu ferrer. Néanmoins, dans d’excellente­s conditions de pêche, on peut utiliser des cannes à scion très souple (genre quiver-tip) et ferrer sur les touches les plus subtiles. Dans ce cas, c’est plutôt l’attrait maximal de l’esche qu’il faudra sélectionn­er. Notons que le morceau de crevette ou la moule peuvent très bien réussir également, tout comme le bibi. Bref, c’est un touche-à-tout et un délicat en même temps. Au pêcheur de s’adapter. ■

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La gueule du sar commun est petite et demande donc l’utilisatio­n d’hameçons assez petits également. Mais attention, si les juvéniles, comme celui de la photo ci-contre, sont trop présents, il vaut mieux augmenter un peu la taille de l’hameçon pour éviter de ferrer ces jeunes poissons.

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