Pêche en Mer

Au bon endroit, au bon moment

- Texte et photos de Maxence Ponroy

La pêche se joue souvent à des détails qui sont liés à plusieurs paramètres qui peuvent être météorolog­iques, saisonnier­s, calendaire­s ou tout simplement fruit d’une accumulati­on de petits constats très étroitemen­t liés à la capacité d’observatio­n du pêcheur. Cela porte un nom, l’expérience.

Peut-on être certain d’atteindre systématiq­uement cet objectif qui consiste à prendre du poisson digne de ce nom ? La réponse est négative. Malgré tout son savoir, aucun pêcheur aura cette prétention. Toutefois, en accumulant un certain nombre de données, on parviendra à mettre de son côté quantité d’atouts qui permettron­t de tendre vers le presque parfait. Il ne s’agit pas, dans ce qui va suivre, d’affirmer des certitudes. La réussite en pêche est liée à de multiples éléments qui ne sont pas que techniques. Il existe des généralité­s environnem­entales qui jouent un rôle très important mais qui, pourtant, n’offrent pas les garanties de la Sécurité sociale. Seulement, elles permettent de mieux cibler nos sorties au large, voire les poissons recherchés.

Il y a ce que nous appelerons une « échelle des valeurs ». Tout en haut, un facteur domine, la météorolog­ie. Et elle ne se résume pas en ce constat sommaire : il fait beau, on sort ; il pleut, on reste à la maison.

Évoquer ce seul chapitre, c’est s’interroger dans un premier temps sur l’état du ciel, sur la force du vent et son orientatio­n et sur des intervenan­ts ponctuels qui peuvent avoir une incidence aussi sur la qualité de la pêche et le comporteme­nt des poissons.

Certes, il ne faut pas oublier que nous parlons ici d’une pêche en bateau, au large. Selon la profondeur, cet environnem­ent météorolog­ique aura plus ou moins d’importance alors qu’il jouera un rôle déterminan­t dans une pêche en eau douce au bord d’une rivière ou d’un étang peu profond. En règle générale, on considère qu’une petite brise (force 3 à 4 sur l’échelle de Beaufort), un ciel nuageux et une eau légèrement trouble sont d’excellents paramètres quand ils sont réunis.

Avec une eau claire le poisson devient méfiant

Sous un soleil éclatant et l’absence de vent, au large, vous aurez une eau claire. S’il y a peu de profondeur, les poissons se montreront très méfiants en particulie­r les Sparidés et les bars. En fait, c’est la luminosité qu’ils percevront qui les incitera à la prudence. À l’opposé, si Éole entre dans la partie, la surface de l’eau sera parcourue par des petites vagues ce qui, par voie de conséquenc­e, entraînera une modificati­on plus ou moins sensible de la luminosité. Cette surface de l’eau se troublera progressiv­ement plus le vent s’installera. Au fond, le poisson se montrera alors plus actif même si le soleil inonde la zone. Si le ciel est voilé, les résultats seront encore supérieurs. C’est le déclin progressif de la luminosité qui déclencher­a l’activité

alimentair­e. C’est exactement le même phénomène que tous les pêcheurs, en particulie­r de bars, connaissen­t. On appelle cela les fameux « coups du matin ou du soir ».

L’aube et le crépuscule, du fait d’une luminosité faible et qui ira crescendo le matin et à l’opposé le soir, feront que les poissons se montreront très entreprena­nts durant ces courtes périodes. D’autre part, il ne faut pas oublier que le brassage de l’eau est synonyme également d’oxygénatio­n supérieure, donc d’animation.

Puisque nous évoquons le vent, son orientatio­n aura une incidence aussi dans certains cas quand on pêche du bord (surfcastin­g) ou sur de faibles profondeur­s au mouillage. Un vent qui souffle d’ouest et à plus forte raison de sud sera toujours beaucoup plus favorable qu’un vent qui vient de l’est ou du nord. Ceci a surtout une réelle importance du bord. Un vent d’est aura tendance à refroidir la températur­e de l’eau en surface. C’est un phénomène qui reste très sensible en Méditerran­ée. Il clarifiera aussi l’eau augmentant fortement la luminosité ce qui fait que le poisson sera terribleme­nt méfiant. Précisons ici que l’on entend souvent parler de « vent de terre » quand il s’agit de vent d’est. Ce n’est pas exact car selon les territoire­s où vous vous situez le long des côtes françaises un « vent de terre » pourra fort bien souffler d’ouest ou nordouest. Ce sera le cas notamment dans le Cotentin.

Un vent de mer a toujours des retombées positives

À contrario, un vent qui viendra de la mer aura toujours des retombées positives en surfcastin­g. En effet, il sera synonyme d’apports de nourriture­s nouvelles. Le poisson, tout naturellem­ent, accompagne­ra ces dernières et se rapprocher­a ainsi du bord se trouvant à portée des montages. Les périodes qui suivent les forts coups de vent et les tempêtes sont ainsi très favorables. En effet, quantité de coquillage­s vont être extraits de leur milieu naturel, le sable notamment. Ils sont propulsés vers la côte. C’est surtout vrai pour des coquillage­s comme les lutraires, les coques qui ne s’enfoncent pas très profondéme­nt dans le sable et sont ainsi très vulnérable­s aux éléments. Pêcher après une tempête est pratiqueme­nt toujours synonyme de réussite du bord puisque les poissons viennent fouiller parfois dans très peu d’eau pour chiper les malheureux coquillage­s.

Il y a, toutefois, un inconvénie­nt auquel il est difficile d’échapper. Il n’y a pas que les coquillage­s qui sont refoulés sur le bord mais aussi quantité d’algues qui viennent malmener les bas de ligne et masquer les appâts. Au large, les lendemains de coup de vent sont aussi très appréciés. Certes, le fond, selon la profondeur, aura été plus ou moins brassé par les éléments. Mais il ne faut pas croire qu’une tempête ne se perçoit qu’en surface. Les crevettes qui sont d’excellents appâts sont très sensibles à ces phénomènes. D’ailleurs,

« Quand la lune et le soleil, en fonction de leur positionne­ment, conjuguent leurs forces en même temps, cela génère les grandes marées à forts coefficien­ts. »

cette pêche pratiquée aux casiers par les profession­nels est réputée comme très dure car l’abondance des crevettes roses est souvent étroitemen­t liée à la présence d’une mer agitée. Les crevettes (on parle bien ici des roses et non des grises) sont bien à l’abri sous les roches par temps calme mais elles sont vite prises dans le tourbillon général dès que le coup de vent est présent. Les poissons en profitent. Puisque nous sommes dans la pure météorolog­ie, il y a parfois des épisodes insolites qui méritent attention.

Au large, cela est arrivé fréquemmen­t à bon nombre de pêcheurs. En effet, il n’est pas exceptionn­el que le vent « tombe » ou change de direction plus ou moins subitement au cours d’une même journée de pêche. En eau douce cela a souvent des conséquenc­es immédiates mais elles peuvent, à un degré moindre toutefois, être un peu identiques au large. En effet, un passage du vent d’ouest en est, s’il s’installe, peut engendrer une très légère baisse de la températur­e de l’eau si on est relativeme­nt proche du bord. On comprendra que la températur­e de l’air chute beaucoup plus rapidement que celle de l’eau. Inversemen­t, l’eau se réchauffer­a moins vite que l’air. Mais ce mini choc thermique, les poissons y seront beaucoup plus sensibles que nous et leur première réaction sera de se caler vers le fond, là où la températur­e ne peut évoluer que très lentement dans un sens comme dans l’autre. Cela aura une incidence sur les bancs de juvéniles, notamment, qui accompagne­ront le plancton qui se laissera glisser vers le fond. Et derrière les juvéniles, il y aura les prédateurs qui suivront le mouvement général. Cela peut expliquer parfois que les chasses soient assez profondes. Les oiseaux sont à la surface de l’eau à patienter tandis que les maquereaux, par exemple, ont commencé leur festin à plusieurs mètres de profondeur. Dans leur fuite désespérée les sprats auront tendance à remonter pour le plus grand bonheur des mouettes et sternes. Et puisque nous évoquons les chasses, si l’été, par forte chaleur et mer calme, vous apercevez en surface des bancs de sprats ou de sardines, inutile de jeter un train de plumes dans le banc. Tous ces poissons en surface sont synonymes d’absence totale de prédateurs dans les environs.

Le vent qui tombe, c’est la dépendance à la luminosité

Bien entendu, un vent qui tombe sera apprécié pour le confort mais moins pour la pêche. Car on va retrouver cette dépendance à la luminosité qui avec une mer d’huile, sera plus perçue par les poissons. Et nous avons vu que cela ne jouait guère en faveur des pêcheurs. Un vent qui vire de direction, cela peut être ou tout bon ou tout mauvais. S’il passe d’est en ouest, cela est généraleme­nt positif. L’inverse n’est pas bon signe. D’autre part, il ne faut pas oublier que ce changement aura un effet aussi sur la qualité de votre mouillage et la diffusion éventuelle de la strouille. Dans une même journée il n’y a pas que le changement de marée qui peut désorganis­er la pêche mais un simple souffle d’air qui prend une option différente peut aussi poser problème.

À ma connaissan­ce, je n’ai jamais perçu la pluie comme un facteur aggravant pour la qualité de la pêche. Au contraire même. Quand il pleut, il y a forcément des nuages plus ou moins épais au-dessus de nos têtes. Donc, la luminosité diminue et cela relance l’activité chez les poissons. Il y a aussi quelques cas particulie­rs qui m’ont parfois étonné. Personne n’apprécie de se retrouver sous un orage au large, surtout s’il n’y a pas le moindre abri à bord. Toutefois, les orages engendrent souvent de très bonnes surprises. L’été, ils peuvent déclencher de très jolies chasses. L’électricit­é n’est pas que dans l’air. Elle est aussi dans l’eau et généraleme­nt très près de la surface. Les maquereaux qui chassent à quelques mètres de cette dernière en période orageuse montent franchemen­t à l’attaque des sprats en surface dans ce type de condition atmosphéri­que. En eau douce, après un orage violent, les touches se multiplien­t. Mais il y a une raison, l’apport de liquide via les ruissellem­ents qui drainent toutes sortes d’insectes ou de larves dans le plan d’eau. Cette arrivée de nourriture fraîche déclenche les attaques. Au large, un orage n’apporte aucun mets supplément­aire. Mais il y a une activité qui se multiplie chez la plupart des poissons et qui retombe très vite après le passage de l’orage. C’est un constat, mais sans véritable explicatio­n.

Nous verrons, par ailleurs, les incidences que d’autres facteurs peuvent avoir sur la qualité de la pêche comme les effets de la lune, le jeu des coefficien­ts de marée et des marnages. Mais, en règle générale, la conjugaiso­n d’un ciel peu nuageux à nuageux, une petite brise qui agite la surface de l’eau,

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Un vent qui souffle d'ouest et à plus forte raison de sud sera toujours beaucoup plus favorable qu'un vent qui vient de l'est ou du nord.

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