Pêche au tout-venant sur les digues
Le printemps est l’occasion de dépoussiérer le matériel de bord de mer. Sur les digues, la pêche au tout-venant permet de toucher un large panel d’espèces.
Le printemps est une période propice à la reprise de la pêche en mer. Les espèces hivernales côtoient les nouveaux arrivants. Il est alors possible de toucher du merlan, de la morue, du tacaud, de la plie, du flet, de la sole, de la limande ou encore en Méditerranée de la daurade, du loup et du marbré.Ces poissons se baladent près de la côte à la recherche de vers, de crevettes, de crabes et de coquillages. Hormis la sole, présente ponctuellement, et les poissons difficiles que sont les bars et sparidés, toutes ces espèces sont voraces et les doublés ne sont pas rares lors des phases alimentaires. Il faut noter pourtant que le succès de ces pêches n’est pas toujours au rendez-vous : les poissons peuvent être éloignés du bord un week-end et plus accessibles le weekend suivant. Au pied des digues et jetées, le niveau d’eau est important, même à basse mer, et la nourriture y est présente en permanence. En général, nul besoin de lancer loin sur ces ouvrages d’art, contrairement aux pêches sur les plages à faible pente typiques des littoraux de la Manche et de la Mer du Nord. On peut alors envisager des montages simples à trois empiles dans la plupart des conditions. Il convient de préparer les montages à la maison. Il faut en prévoir au moins deux par canne : un en action et l’autre en rechange. L’idéal est de préparer plusieurs montages complémentaires à adapter aux conditions, notamment l’état de la mer et la force du courant.
Le matériel
Les cannes mesurent 4,20 à 4,50 m pour permettre de lancer amplement à une distance correcte un appât fragile et de laisser dépasser du mur de la digue le fil du moulinet. Le grammage de la canne est de 100-200 g, jusqu’à 300 g sur les zones à très fort courant. Sur les digues, la canne est souvent posée à même le béton, ce qui nécessite un support de protection en plastique, bois, tissu ou mousse. Ce support présente le double intérêt de protéger le carbone de la canne et le Nylon. Un chiffon peut convenir, le « must » étant un support en équerre à poser sur le rebord de la digue ou un tube ou tuyau fendu dans toute sa longueur. Le moulinet est garni de Nylon 0,25 à 0,40 mm. Le Nylon fin est possible sur les zones calmes et sur les fonds dégagés. Le Nylon en 0,40 mm sert dans les conditions difficiles : mer formée, forts courants, algues en dérives, fonds accidentés. En sortie de bobine avant le bas de ligne, on intercale un arracher en Nylon 0.50 à 0.60 mm pour supporter le choc du lancer. Les montages sont divers et variés. La base consiste à placer 2 ou 3 empiles présentant chacune un appât. Pour la mise en place des empiles, les accessoires ne manquent pas : les perles perforés, les émerillons simples bloqués par des perles collées, les émerillons pater-nosters avec ou sans perle, les rotors à palangre, les clipots ou encore les poils de ballet. L’essentiel étant que les appâts soient à l’eau au bout d’empiles d’au moins 20 cm de long. Dans la pratique, j’opte pour les systèmes rotatifs pour pêcher en plein courant et je n’utilise les systèmes fixes (poil de ballet, clipot triangulaire) que pour pêcher à l’étale ou dans les périodes de faible courant. S’il ne fallait faire qu’un seul choix, les systèmes rotatifs sont les plus polyvalents, puisqu’ils donnent une liberté de mouvement optimale à l’appât. Pour booster le signal visuel de l’appât, on peut utiliser une perle phosphorescente ou brillante. La perle phosphorescente ronde ou ovale est la plus utilisée, elle semble bien plaire aux poissons plats. La perle ronde translucide à facettes iridescentes est appréciée par les Sparidés et Gadidés, en particulier
les merlans et tacauds. Pour preuve, il m’est arrivé de prendre ces deux poissons à l’aide des perles alors que je n’avais plus de ver ! La morue quant à elle apprécie le jaune, l’orangé et le rouge.Certains pêcheurs considèrent que les perles sont négligeables et n’en utilisent pas, alors que d’autres vont plus loin en alternant plusieurs perles de couleurs contrastées et de différentes tailles. Si vous remarquez une présence significative d’algues en dérive près du fond, minimisez les fioritures pour limiter les risques d’en accrocher. L’hameçon dépend de l’appât utilisé.
Les appâts
Les vers sont les appâts principaux. L’arénicole est l’appât le plus utilisé pour cette pêche au tout-venant du bord et un hameçon à hampe longue est préférable pour présenter cette esche longiligne. Des micros ardillons sur la hampe de l’hameçon sont un plus pour une tenue optimale du ver. Il est un appât efficace, robuste et pratique qui se conserve bien au congélateur. Stocké dans du papier journal ou dans une boîte garnie de gros sel, il garde sa texture moelleuse et ne s’assèche pas. Le gros sel préserve son aspect frais malgré la congélation. Deux ou trois sachets de dix vers offrent le luxe d’être prêt à tout moment pour une pêche improvisée entre amis. Certains détaillants d’articles de pêche du bord de mer en vendent frais ou congelés. Lors d’une météo incertaine ou d’une pêche improvisée, le paquet de ver congelé sauve notre partie de pêche. Les arénicoles se récoltent idéalement à la pompe à ver en inox, de diamètre classique ou dans leur version plus fine appelée « slim ». Ces dernières aspirent moins de sable et sont bien moins fatigantes. Par contre, les chances de couper le ver sont supérieures. Elles sont un peu plus chères. Une fois la récolte terminée, les arénicoles de belle taille sont vidées. On coupe un petit morceau de la tête, environ 5 mm, on pince le ver près de la queue et on longe tout le corps pour le vider de son contenu. Ensuite on le claque sur un sol dur pour qu’il se raidisse et redevienne bien tubulaire pour une conservation et une tenue à l’hameçon optimale. Mieux vaut vider grossièrement le contenu du ver, pour garder tout de même un peu de sang attractif dans le ver, qui ressortira au moment de la décongélation et offrira à l’appât une traçabilité supérieure dans le courant. Les poissons recherchés étant voraces, j’utilise des hameçons n°1, parfois même 1/0, pour éviter que les petits spécimens n’avalent l’hameçon, ce qui engendre bien souvent leur mort. Cette taille ne gêne pas les espèces de la famille des Gadidés ni les flets, plies et limandes...
S’adapter aux conditions de mer Le pic de fréquentations des digues et jetées a lieu à la marée montante, de trois heures avant la haute mer à la haute mer. C’est une période favorable durant laquelle le poisson s’alimente, mais surtout l’exercice de notre art sur les ouvrages portuaires est facilité autour de la haute mer, alors que la basse mer laisse parfois apparaître au pied de l’ouvrage des roches et autres obstacles difficiles à franchir, notamment lors de la mis eau sec d’une prise.Durant les petits coefficients de marée, le faible marnage n’occasionne que peu de courant et les résultats sont en général fructueux durant toute la marée montante.
Lors des grandes marées, le courant peut atteindre plus de 2 noeuds et les lignes sont fortement entraînées sur le côté. Sur la façade Atlantique, le courant montant entraîne les lignes majoritairement vers la droite, il remonte vers le nord.
Deux options s’offrent à nous :pêcher en plein courant à l’aide de plombs de 150 à 200 g à grappins pliables ou attendre la cassure du courant à la pleine mer pour profiter de la baisse d’intensité du courant, qui dure 30 minutes et qui est souvent le meilleur moment, puis de l’étale de haute mer. Ce moment peut avoir lieu à la haute mer ou jusqu’à 2 h après la marée haute. C’est souvent l’option la plus efficace, où une sole pointera le bout de son nez, et où les poils de ballet et clipots se rendent utiles en éloignant les bas de ligne du corps de ligne lorsque le courant ne fait plus ce travail. Pour ne pas rater ce moment précis qui varie légèrement en fonction du coefficient de marée, de l’état de la mer et de l’intensité du courant, lancez une canne équipée d’un plomb à grappins pliables, de 150 à 200 g. La canne en question se
plie fortement rien qu’à la pression exercée par le courant.
Dans l’attente, préparez les autres cannes et eschez les appâts. Dès que le courant ralenti, la tension de la canne s’amoindrit et c’est le moment d’entrer en action de pêche. C’est bien souvent à ce moment que j’ai touché une belle morue ou une sole. La touche d’une moruette dans ce cas est bien plus palpitante qu’en plein courant où la canne est déjà sous tension. Quant à la sole, sa touche n’est pas très virulente, mais le combat n’est pas de tout repos. Nerveusement, elle se plie fermement et exerce une résistance comme le ferait un sac plastique. Il faut alors remonter rapidement canne haute sans discontinuer pour éviter qu’elle ne se perde dans les obstacles présents au pied de l’ouvrage d’art. L’action de pomper risque de planter continuellement le plomb à tiges pliables, couramment utilisé dans le nord, jusqu’à arriver dans les obstacles au pied de la digue. Nous avons besoin ici d’un treuil capable de supporter une récupération continue et puissante. C’est pourquoi les habitués de ces digues utilisent souvent une bonne vieille mécanique, moins précise mais dont la simplicité et robustesse en font des treuils.
Puisque la morue est citée ci-dessus, je tiens à préciser qu’il ne faut plus d’attendre à de belles pêches avec cette espèce. Les chances de la piquer et de trouver un gros spécimen sont extrêmement faibles. Il y a 15 ou 20 ans, on pouvait savourer des parties de pêche au tout-venant avec un gabarit moyen de 1,2 à 1,5 kg avec des spécimens pouvant atteindre plus de 4 kg. C’est aujourd’hui exceptionnel. Les anciens ont connu il y a 50-60 ans des résultats exceptionnels, remplissant des coffres de morues de 3 kg en moyenne et avec bien moins de technicité qu’aujourd’hui ! Les anecdotes des anciens et les rares photos sont édifiantes pour les pêcheurs contemporains, pourtant ils vivaient bien sur la même planète et pratiquaient les mêmes zones. Cependant, qui ne tente rien n’a rien. La canne « chance »,plus robuste,peut cibler des moruettes ou des maigres dans le sud-ouest. Cette canne supplémentaire spécifiquement dédiée aux plus gros poissons est équipée d’un moulinet garni de Nylon en diamètre 0.40 mm et terminé d’un arracher en 0.60 mm. Cette canne ne présente qu’un seul long traînard de 2 mètres minimum en fluorocarbone rigide de diamètre 0.40 ou 0.45 mm présentant un appât volumineux. La bonne tenue d’un appât ferme, tel qu’un couteau frai ou un long morceau d’ arénicole, permet de remonter la canne tous les trois quarts d’heures. Pour cette spécificité technique, les Anglais ont pour habitude d’utiliser deux appâts simultanément, en général un couteau et une arénicole, mixage appelé cocktail-bait. Avec ce cocktail d’appâts, nos voisins anglosaxons recherchent la morue, mais aussi les raies et requins (hâ et aiguillat). Une, deux ou trois crevettes roses ou bouquets, frais ou cuits pour une meilleure tenue, forment aussi d’excellents mets pour viser les plus gros poissons. Qui dit canne chance, dit épuisette. Sur les digues,il faut prévoir une balance ou une très longue épuisette.
Les montages
Je vous propose ici un schéma de montage à deux empiles en 0,40 mm dont la dernière de 80 cm traîne derrière le plomb à grappin. Le corps de ligne est en 0,60 mm et les traînards sont fixés par une ou deux petites perles collées. Un espace d’un centimètre est préférable entre les deux grosses perles rondes de butée pour offre une meilleure liberté de mouvement aux empiles. L’hameçon à hampe longue est en taille 1/0 à 3/0 et permet d’escher un, deux ou trois couteaux. Les perles, notamment la phosphorescente, boostent l’attractivité visuelle de l’appât. En ajoutant un hameçon supplémentaire (en tandem), vous pouvez escher un cocktail d’arénicole et de couteau. Ce montage s’utilise pour viser de plus gros poissons tels que des morues, grosses plies, congres, bars. Bien entendu, les merlans voraces ne s’en priveront pas, ils ne reculent devant rien ! La taille légale de capture du merlan est de 27 cm et sa maturité sexuelle est atteinte au maximum à 30 cm chez les femelles.
Les deux autres montages proposés présentent 3 empiles. L’objectif est de multiplier les chances de toucher un poisson grâce aux trois arénicoles qui évoluent près du fond. Il arrive de prendre deux ou trois poissons simultanément. C’est le cas typique des limandes qui nagent en bancs compacts. La limande est un poisson excellent en friture, dont la qualité de la chair dans ce mode de cuisson est supérieure à celle du merlan. Sa taille légale de capture a été récemment
fixée à 20 cm pour les pêcheurs de loisir. La limande ne se reproduit dans le pire des cas qu’à partir de 29 cm. 25 cm est une taille raisonnable à partir de laquelle certains individus sont matures et le poisson est assez gros pour une préparation aisée dans l’assiette. À partir de 29 cm, toute limande s’est reproduit au moins une fois pour assurer sa descendance et la préservation de nos plaisirs halieutiques dans les années à venir.Vous pouvez donc, pour aller plus loin que ce cadre légal, vous fixer l’une des deux tailles citées ci-dessus et relâcher les spécimens de gabarit inférieur à cette maille choisie. Revenons à nos montages. L’un présente les empiles via des perles à perforation croisée, l’autre via des clipots métallique. Le montage à trois empiles montées sur perles perforées est idéal pour la pêche dans le courant. Les empiles seront alors tendues dans le sens du courant. L’autre montage présente les empiles déportées sur un bras métallique. Ce clipot est pratique en l’absence totale de courant. Il permet de limiter les risques d’emmêlement. Il peut être remplacé par un poil de ballet d’ extérieur, souvent de couleur rouge.
Pour la taille de l’hameçon, je préconise de partir sur la fourchette haute en n° 1/0. Cette taille d’hameçon permet de toucher les plus gros individus et surtout de décrocher facilement les petits poissons à relâcher qui sont très voraces. Un poisson est souvent capable d’ingérer une proie du quart ou du tiers de sa taille. C’est vrai pour le brochet, pour le bar et pour beaucoup d’autres espèces. Les merlans d’une vingtaine de centimètres se saisissent sans sourciller d’un morceau d’arénicole de 5 ou 6 cm, de même que les limandes et autres flets et plies. Pour ces espèces de petite taille, un dégorgeoir est bien pratique pour extraire l’hameçon de la gueule des plus gloutons. Les touches sont discrètes, ça titillent au bout du scion. Après 4 ou 5 petits coups de scion, soit on remonte, soit on attend un peu pour tenter le doublé, voire le triplé lorsqu’on tombe sur un banc de forte densité.
Cette pêche amusante se pratique parfaitement en groupe de deux ou trois pêcheurs. Les phases d’attente de près de 30 minutes permettent, tout en restant concentré sur les scions, de passer un moment convivial entre amis. ■