Pêche en Mer

L’ouverture de la chasse

Tel un couple se découvrant pour la première fois, deux pêcheurs à la volée peuvent explorer de concert plusieurs étages de la même zone de pêche. Cette approche simultanée peut avoir un effet inattendu sur les poissons…

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Ce que je voudrais aborder dans cet article est une chose qui se produit assez couramment, sans qu’elle soit pour autant systématiq­ue. Il est important de faire cette précision avant de nous lancer dans de doux rêves qui pourraient être contrariés par nos chers poissons. Néanmoins, ce que nous allons décrire ici est une réalité qui lorsqu’elle se produit permet de réaliser des pêches dont on se souvient longtemps. Nous parlons très souvent des chasses d’oiseaux, lesquelles sous-entendent bien naturellem­ent celles des poissons qui sont en-dessous. La présence d’une boule de nourriture ne se conclue pas toujours de la façon que l’on attend le plus. Si ces petits poissons ne montent pas en surface les oiseaux n’ont aucune raison de s’y intéresser. Cela se produit généraleme­nt lorsque les prédateurs ne sont pas assez nombreux pour concentrer leurs proies et ainsi les manipuler à leur guise. Ce scénario est bien plus fréquent que celui d’une chasse parfaiteme­nt développée. Il est effectivem­ent très courant que les sondeurs marquent des concentrat­ions de poissons à grande profondeur, sans que celles-ci ne remontent. Hors, qui dit nourriture, dit prédateurs… De ce côté-là, la nature ne se trompe jamais, nous pouvons lui faire confiance! Quel est donc le rapport avec une pêche en couple? Il est justement très important…

Le bar et l’instinct

de prédation

Le bar est un pur prédateur. Il sait chasser en solitaire, mais cela n’est pas une constante dominante. D’ailleurs, ce comporteme­nt de prédateur isolé est plus facilement installé en Méditerran­ée qu’en Atlantique. Je pense qu’il s’agit là d’une question d’environnem­ent, puisque les eaux méditerran­éennes sont nettement moins vivantes que les eaux atlantique­s. L’ instinct de prédation en globe une multitude de réactions chez le prédateur. Il réagit à des besoins, mais aussi à des situations. Le bar est un opportunis­te! Il sait tirer profit de chaque évènement qui pourrait lui permettre de se remplir la panse, à condition, bien entendu, qu’il en éprouve le besoin. Cela étant dit, à chaque fois que de la nourriture est présente, le poisson n’est pas forcément en mesure d’en tirer profit. S’il est isolé parmi d’autres congénères trop éloignés, il est beaucoup plus hésitant, voire timide. Soutenu par

le groupe, il est ainsi stimulé pour fournir un plus grand effort. Le mouvement est un facteur déterminan­t qui joue un grand rôle sur l’évolution du comporteme­nt des bars. Le dynamisme de déplacemen­t des proies qui augmente avec la sensation d’être prises pour cibles entraîne naturellem­ent un accroissem­ent du dynamisme des prédateurs. Quand un bar voit un autre bar s’attaquer à une proie, non seulement cela le stimule, mais il se peut très bien aussi qu’il éprouve la coquine envie de lui subtiliser sa proie. S’il est en mesure de le faire, soyez certains qu’il ne se gênera pas ! Quand deux pêcheurs agissent de concert, ils font plus que reproduire des proies intéressan­tes à un instant «T ».Ils peuvent influencer les poissons, et la plupart du temps, ils n’en ont pas conscience. Le simple fait de le savoir permet d’accentuer cet effort collectif, exactement comme le font les prédateurs sous l’eau. Les résultats sont parfois bluffants…

Comment agir à plusieurs ?

La première chose à faire est d’interpréte­r la situation que nous avez devant vous. En pleine mer, chaque élément joue un rôle plus ou moins important. Les poissons s’adaptent toujours à la mer, et les pêcheurs doivent donc s’adapter aux poissons. Comme on ne voit pas les poissons, et que malgré toute la puissance de l’électroniq­ue leur répartitio­n et leur comporteme­nt restent mystérieux, on a tout intérêt à prendre le problème à l’envers. En analysant l’environnem­ent, on peut déjà poser une ligne de conduite. Prenons trois exemples bien concrets que vous n’aurez aucun mal à identifier.

1. Zones ouvertes, pêches à la volée : dans la masse liquide, les proies et les prédateurs sont difficiles à localiser. Les voir sur l’écran du sondeur n’en fait pas pour autant des poissons actifs. Une stratégie possible consistera­it ici à varier les présentati­ons des leurres. L’élément technique à prendre en compte est la vitesse de coulée des leurres. Un pêcheur du binôme peut plomber léger, l’autre plus lourd. Ils peuvent également adapter la forme des têtes plombées pour faire varier l’hydrodynam­ique des leurres souples. Ces deux présentati­ons simultanée­s ont l’avantage de mettre plusieurs choses en lumière. D’une part, on se fait une idée rapide de la profondeur à laquelle on prend les poissons, en prenant simplement un repère avec le contact du fond. On peut aussi déterminer si on prend les poissons à la remontée ou à la descente… Ce dernier point est très important. Le binôme peut aussi jouer sur le comporteme­nt des leurres, en jouant sur des animations différente­s. L’un pratique un jeu rapide tandis que l’autre pratique des animations plus langoureus­es. Il y a aussi le type de leurres à travailler. Un au slug, l’autre au shad, un avec un petit leurre, l’autre avec un plus gros. Quelle que soit la stratégie définie par le binôme elle permet d’évacuer des points d’interrogat­ion, et là est vraiment l’objectif.

2. Support rocheux, pêches verticales : dès que l’on aborde un support rocheux conduisant à une prospectio­n verticale, le problème est bien différent. Ce type de poste est valable en dérive. Hors, une dérive ne dure qu’un bref instant et n’accorde qu’un ou deux lancers à chaque passage. Pratiquer à plusieurs étages est plus difficile dans la mesure ou la vitesse de dérive détermine la bonne vitesse de plongée des leurres. Dans cet esprit, il est préférable de suivre la même stratégie technique. On s’appuie alors sur l’action simultanée des deux leurres, soit en suivant les mêmes axes de travail (les deux pêcheurs lancent l’un derrière l’autre et suivent le même axe), soit en pêchant amont et aval de la dérive. Pêcher les mêmes axes de façon suivie est une très bonne stratégie car il arrive fréquemmen­t que les poissons suivent les leurres sans se décider à les attaquer. Si le même leurre repasse juste après au

même endroit, la deuxième opportunit­é peut être la bonne. Vous aurez compris que travailler à deux avec le même leurre est une astuce prometteus­e dans cette optique.

3. Fonds rocheux, poissons fixés au fond : quand les poissons sont actifs sur le fond c’est qu’ils y sont pour une raison bien précise. Cela peut être pour se nourrir en l’absence de proies « décollées » du fond, ou pour se protéger des courants un peu trop dynamiques à leur goût. Pêcher dans ces circonstan­ces peut être l’occasion de mettre le binôme à profit. En dérive, quand on cible une zone particuliè­re, on doit tenir compte de la vitesse de descente des leurres, de l’axe de lancer ainsi que de la vitesse de dérive du bateau. La fenêtre favorable est souvent très courte. Pêcher de façon parfaiteme­nt synchronis­ée est la clé du succès. On gagne à faire descendre les deux leurres de façon strictemen­t identique, ainsi ils atteignent le fond au même moment. Pour des espèces comme le bar ou le lieu, cela peut se conclure par la prise de deux poissons simultaném­ent. Il faut naturellem­ent un barreur efficace pour cela, capable de donner les bons ordres au bon moment. Pour le fond,on peut également travailler à la remontée et adopter deux stratégies différente­s. Dans ce cas, on s’adresse plutôt à des fonds uniformes et moins structurés que précédemme­nt. La première stratégie consiste à gratter le fond,en suivant la dérive du bateau. Les yeux rivés sur le sondeur, le premier pêcheur suit le profil du fond en remontant puis en redescenda­nt le leurre lorsque nécessaire. Pendant ce temps, le second procède à un travail de fuite. Le leurre est progressiv­ement remonté, calmement et sans à coup, voire même sans animation. Cette fuite plus régulière est mécaniquem­ent modulée par les variations de vitesse de la dérive du bateau. On peut se permettre, une fois arrivé à mi-hauteur, de relâcher le leurre pour rechercher à nouveau le fond. Il est évident que les poissons préfèrent parfois la première stratégie, parfois la seconde.D’où l’intérêt de pratiquer les deux de concert.

4. Pêcher à deux a permis à des équipes célèbres de réaliser de magnifique­s scores durant des compétitio­ns. Cette intelligen­ce de couple est justement ce qui surclasse le pêcheur par rapport à l’animal. On remarque d’ailleurs que comme dans un couple, tout ne va pas toujours comme on le souhaitera­it. Pour faire un bon binôme il faut deux personnes compatible­s, ce qui n’est pas le cas. Il faut à la fois du respect pour l’autre et de l’écoute, néanmoins la créativité de chacun ne doit pas pour autant être étouffée.Voilà probableme­nt l’un des nombreux tours de magie que permet la pêche… ■

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 ??  ?? Travailler en binôme ne signifie pas forcément faire les mêmes choses au même moment.
Travailler en binôme ne signifie pas forcément faire les mêmes choses au même moment.
 ??  ?? Il est des moments de complicité que l’on n’oublie jamais !
Il est des moments de complicité que l’on n’oublie jamais !
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Quand deux pêcheurs agissent de concert, ils reproduise­nt des proies intéressan­tes à un instant « T ». Ils peuvent ainsi influencer les poissons...

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