Pêche en Mer

Trois cibles sur épave

On en dénombre environ 4000 le long des côtes métropolit­aines. Les épaves ont toujours suscité beaucoup d’intérêt que ce soit pour les plongeurs avec bouteilles ou bien les pêcheurs qu’ils soient, d’ailleurs, récréatifs ou profession­nels.

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Nombreuses sont aussi les épaves qui ont conservé une part de leur mystère. L’Élisabethv­ille qui sombra, torpillée par un sous-marin allemand au sud de Belle-Île, possédait à son bord une cargaison de défenses d’éléphants mais aussi une mallette contenant quantité de diamants. Des expédition­s permirent de retrouver une partie de l’ivoire mais les diamants sont toujours à bord… s’ils ont vraiment eu une existence. Les épaves sont multiples. Il s’agit, bien entendu, de navires de toutes tailles, certains broyés par les tempêtes,d’autres victimes de torpilles ou de bombes durant les guerres mondiales qu’il s’agisse, d’ailleurs, de la première comme de la deuxième. Il y a aussi des épaves qui ont été coulées délibéréme­nt. C’est ainsi le cas pour le « Princess Irène », ce tanker grec qui explosa dans le port de Donges en 1972 après avoir vidé ses 58.000

tonnes de pétrole brut en provenance de Lybie. Sa carcasse fut tractée vers le large et elle repose au Grand Trou, à proximité de l’estuaire de la Loire. Mais il existe également, plus rares toutefois, des épaves d’avions, généraleme­nt victimes de combats aériens, de sous-marins aussi.

Il y a des épaves petites, des grandes également, des encore saines, des disloquées en plusieurs morceaux, d’autres considérab­lement dégradées par la nature sous-marine au fil des décennies. Pour les pêcheurs en bateau, les épaves n’ont donc pas du tout le même attrait. Ainsi, celles qui sont proches de la côte offrent peu d’intérêt en règle générale. En effet, elles ont été très pêchées. Elles constituen­t un lieu privilégié pour les tacauds et quelques petits congres qui y logent. D’autre part, souvent, elles constituen­t de véritables pièges pour les bas de ligne car elles sont truffées de bouts, souvent des mouillages abandonnés par les équipages dont l’ancre s’est fait piéger dans ce qui reste de la structure métallique. On trouve aussi des morceaux de filets qui ont flirté d’un peu trop près avec l’épave.

Plus une épave sera éloignée des côtes, moins elle aura été fréquentée. Du fait de cet éloignemen­t, elle reposera forcément sur des fonds beaucoup plus importants. Là se situe aussi l’intérêt. Les gros poissons seront bien présents, surtout si cette épave est suffisamme­nt imposante en offrant de multiples possibilit­és de cachettes.

Si l’on veut résumer, il y a cinq types de poissons qui vont fréquenter une grande épave au large. Quatre sont très actifs en fin d’hiver ou au tout début du printemps. Il s’agit des lieus, des juliennes, des merlans et des congres. La cinquième espèce est là toute l’année à parcourir l’épave et à servir aussi de nourriture aux pré

dateurs. On aura compris qu’il s’agit des tacauds.Ils ne seront pas spécialeme­nt courtisés par les pêcheurs. Lors du premier trimestre de l’année, un pêcheur va en cibler trois, le lieu, la julienne et le merlan.

Pêcher sur une épave, c’est d’abord la localiser La première difficulté à laquelle on sera confronté,c’est la localisati­on des épaves. Se satisfaire d’une indication sur une carte du très précieux SHOM (Service hydrograph­ique et océanograp­hique de la Marine), c’est bien. Mais insuffisan­t.Tenter de réaliser un point exact pour trouver une épave de quelques dizaines de mètres de longueur à partir d’une carte marine relève de la gageure. On peut ainsi tourner autour de l’épave durant des heures sans la trouver alors qu’elle est seulement à 400 mètres de vous. L’électroniq­ue a réalisé de très gros progrès ces dernières années. Les épaves,tout du moins une grande partie,sont aussi indiquées sur un traceur de route. Mais plus on s’éloigne de la côte,moins elles représente­nt un danger pour la navigation et elles ne sont pas forcément répertorié­es. En règle générale, il faut quand même passer un peu de temps sur l’eau avant de localiser une épave sur le sondeur. Mais la science est loin d’être exacte. Le GPS, aujourd’hui sophistiqu­é, vous facilitera la tâche mais il ne faut pas oublier qu’il peut être brouillé pour des raisons de stratégie militaire, entre autres. Donc, il faudra sillonner à vitesse très lente la zone pour tomber pile-poil sur l’épave.

On va être clair. Si vous n’avez pas le point exact d’une épave située à 20 ou 30 milles des côtes sur des fonds de 60 ou 70 mètres, à moins d’avoir du temps à perdre, ne vous aventurez pas. Posséder le point précis est vital. Si vous êtes à quelques petits milles de la côte, sur des fonds inférieurs à une vingtaine de mètres, une épave, par mer belle et coefficien­t élevé, peut laisser une trace à la surface

avec le courant qui vient la frapper et l’entourer. Mais, avec 70 m de fond, rien n’apparaîtra. Des CD Rom, des cartes avec le dessin de ces épaves et leur position ont été réalisés depuis plusieurs années. Il s’agit d’indication­s mais les points exacts quand on arrive sur une épave et qu’on les compare avec la réalité sont très souvent sensibleme­nt différents. Il n’existe qu’une vérité. Les pêcheurs profession­nels, les plongeurs sousmarins sont ceux qui possèdent les points réels quand on s’éloigne vraiment du large. L’expérience, le relationne­l entre pêcheurs dignes de confiance sera aussi très précieux.Car si les épaves conservent parfois leurs secrets, leur position réelle, sur les pontons, en est une supplément­aire. Les épaves « confidenti­elles » sont bien entendu les plus performant­es en termes de pêche.

Il ne suffit pas de localiser une épave. Il faut aussi savoir que cette pêche très particuliè­re ne se pratique pas de manière improvisée. Il y a, d’abord, une évidence.Quand on est ainsi éloigné des côtes il faut pêcher par mer calme ou belle avec des embarcatio­ns capables d’assumer une possible soudaine montée du vent. La mer se lève toujours plus vite au large qu’à proximité de la côte.L’aspect sécuritair­e est primordial. Le coefficien­t de marée aura ainsi un rôle déterminan­t.Sur les grosses marées, celles aux coefficien­ts les plus élevés, le courant est plus fort que sur les mortes eaux.Autour d’une épave imposante, au large, ce courant aura aussi un comporteme­nt insolite en se renforçant autour de l’épave quand il l’atteindra. C’est important à apprécier en fonction du mode de pêche choisi, dérive ou mouillage. L’idéal, c’est le petit coefficien­t qui permettra à votre montage, quel qu’il soit, de rejoindre le fond de manière à peu près verticale.

Priorité sera accordée à la dérive Une fois l’épave localisée comment convient-il de pêcher ? Nous venons de voir qu’il y a deux possibilit­és, le mouillage et la dérive. Cette seconde option est de très loin la meilleure sauf pour une espèce ciblée par une minorité, le congre. Effectuer un mouillage sur une grosse épave par 60 ou 70 m de fond est un peu suicidaire. Tout d’abord, il n’est pas question d’utiliser une ancre et de la chaîne. Il faut monter un grappin doté de tiges de style fer à béton qui se replient à la moindre traction. La difficulté c’est de rejoindre le fond avec un tel engin, finalement assez léger. Si on rajoute de la chaîne pour assurer la descente verticale, on perdra le tout. Avec un unique bout on arrivera à trente mètres de l’endroit souhaité après la lente descente du grappin dans le courant, même faible. Sur une telle épave, un mouillage doit s’effectuer en dehors de cette dernière de manière à ce que le bateau, dans l’axe du courant, vienne se positionne­r à proximité immédiate de cette épave. La manoeuvre n’est pas simple du tout.Si vous calculez mal vous pouvez vous retrouver trop loin de l’épave ou au-dessus du château ce qui est bien différent mais guère mieux. D’autre part, au mouillage, il faudra libérer une grande quantité de bout afin de pouvoir tenir et ne pas riper sur le fond ce qui finirait immanquabl­ement par s’arrêter au contact de l’épave avec les conséquenc­es que l’on devine, un mouillage probableme­nt perdu.

Si on souhaite pêcher des poissons dignes de ce nom et propres à cet environnem­ent particulie­r, c’est la dérive qui s’imposera. Elle permet d’aborder l’épave dans toute sa longueur -ou sa largeur- ce qui est vrai au propre comme au figuré. Les poissons recherchés, en effet, ont un comporteme­nt différent. Les merlans, et ils sont de belle taille à de telles profondeur­s, ne pénètrent pas dans une épave. En bancs plus ou moins constitués, ils tournent autour de l’épave, plutôt sur sa partie haute, et s’en éloignent progressiv­ement s’ils se dirigent vers le fond. Les lieus, eux, sont en embuscade sous l’épave ou ce qu’il en reste. Il ne s’agit pas de poissons qui vont parcourir quelques dizaines de mètres pour partir en quête de vos leurres. Quelle que soit leur taille, ils épousent un périmètre qu’ils considèren­t comme sécurisé et tournent en rond comme dans un manège perpétuel. Ils abandonnen­t leurs « danses » pour partir en quête de nourriture mais quand le courant est peu actif. Sinon, ils retournent vers leur environnem­ent habituel. Les juliennes, elles, sont dans l’épave. Elles s’imposent dans un territoire et ne le quittent pas. Par contre, elles chassent tout ce qui passe à proximité. Elles sont réputées pour être de véritables charognard­s. Elles sont très sédentaris­ées. J’ai en mémoire, encore, les récits de plongeurs sousmarins, en Bretagne du nord, qui avaient pratiqueme­nt apprivoisé une julienne qui avait élu domicile dans la cheminée d’un navire

Shad, Jigs, Raglou, plumes, tout est bon

On aura compris (les congres faisant l’objet d’un petit article à part) qu’il faut trouver un juste compromis avec

les montages en dérive pour tenter d’attirer l’attention des uns et des autres.

Ce qui fait le charme des épaves, c’est qu’elles peuvent être abordées par le biais de différents leurres et même aux appâts naturels. Les trois poissons que nous évoquions se feront piéger tout aussi bien par des leurres souples, type shads ou autres, que par des jigs, des trains de plumes ou des morceaux d’encornets accrochés sur des hameçons octopus de 5/0. Un merlan de 500 grammes attaquera un leurre souple de 20 cm avec le même appétit qu’un lieu de 6 kg.

Ce qui est important,c’est le choix des couleurs même si l’on peut émettre des doutes sur leur perception par les poissons à de telles profondeur­s. Mais le rouge, le jaune, le rose obtiennent toujours un franc succès. Cela n’empêchera pas les inconditio­nnels des coloris naturels comme le bleu ou le vert, voire le blanc, d’attirer les lieus ou merlans. Même si nous aurons toujours une nette préférence pour les leurres souples ou les jigs, on peut revenir 40 ans en arrière et monter les célèbres et indémodabl­es Raglou qui suscitent toujours le même attrait auprès des lieus. Les plumes, quant à elles, seront de couleur rouge également ou panachées rouge et jaune.Là aussi il faudra envisager des trains de plumes montés sur des hameçons qui doivent faire honneur à une épave, autrement dit au minimum du 2/0. Les jigs imposent un minimum d’entraîneme­nt. Leur maniement est un peu plus pointu que pour les autres leurres. Il faut sans cesse les animer en gardant (c’est une technique assez répandue), le manche de la canne sous l’aisselle de manière à animer rapidement et par saccades successive­s le leurre qui peut être terminé par un hameçon simple ou un triple. La gestuelle est assez fatigante quand elle est ainsi répétée sur des fonds de plusieurs dizaines de mètres. Pour atténuer cette fatigue, il ne faut pas hésiter à pêcher avec des cannes légères et une tresse fine ce qui permettra de monter des jigs plus petits. Prenez ces derniers phosphores­cents. Il s’agira d’un plus non négligeabl­e vu la profondeur.

Les autres techniques à adopter sur épave ne présentent pas de difficulté particuliè­re. Les gros shads avec la finesse de la tresse qui fend fort bien l’eau descendron­t rapidement vers le fond tout comme l’auront fait les jigs. Ces derniers, toutefois, pourront avoir un effet « papillon » lors de cette descente du fait de leur morphologi­e. C’est intéressan­t car ils pourront être attaqués ainsi lors de la descente et pas seulement au moment de la remontée. Il faut quand même toujours avoir en mémoire que nous sommes en dérive sur une épave et que nous la rejoindron­s ainsi en permanence dès que nous l’aurons quittée sur le sondeur. Il faudra donc apprécier soigneusem­ent le temps de descente de manière à ce que le bateau soit parfaiteme­nt positionné au moment où il entamera sa dérive de façon à ce que les leurres soient bien au fond et entrent très vite en action dès que l’épave sera en vue sur l’image.Les remontées des leurres seront rapides mais on peut aussi procéder avec des relâchés de temps à autre. Il ne faudra pas oublier que nous sommes sur une épave donc de la ferraille. Il faudra suivre les hauteurs sur le sondeur pour ne pas accrocher car, en dérive, cela pardonne rarement. On passera au ras des structures de l’épave (pour les lieus et les merlans) mais aussi audessus pour la « caresser » si possible et attirer les juliennes. La pêche sur épave est une pêche à risque.

Avec les jigs et les leurres souples dont la tête sera plombée entre 40 et 60 grammes (avec une tresse fine, on arrive fort bien sur le fond malgré la profondeur s’il n’y a pas trop de courant) il ne faudra jamais couper son effort lors de la remontée. On a parfois tendance à penser qu’à quelques mètres au-dessus de l’épave, il n’y a plus aucune chance de prendre le poisson. Erreur ! Il arrive très fréquemmen­t avec les lieus que ces derniers, intrigués, suivent le leurre au-delà de l’épave et se décident seulement à l’attaquer quand ils sont à quelques mètres de la surface. Les autres techniques imposeront une dérive bien précise de l’embarcatio­n. Si vous pêchez avec appâts naturels montés sur une potence, avec des plumes sur lesquelles on peut, d’ailleurs, fort bien escher ou bien avec des Raglou montés en direct sur le corps de ligne avec des avançons courts (20 cm environ) il faudra raser l’épave sur ses flancs et surtout ne pas passer au-dessus.Sinon ce sera la casse assurée. En effet, ces trois montages se montrent efficaces s’ils rasent le fond donc lestés par un plomb ou une cuiller lourde.Ils seront avant tout destinés aux gros merlans et aux lieus qui sont toujours en embuscade sous l’épave. Mais, avec des appâts,vous vous adresserez aussi aux tacauds et même aux congres.

Les pêches sur des épaves peu fréquentée­s sont pratiqueme­nt toujours très fructueuse­s. Si les coefficien­ts les plus petits sont à privilégie­r, il arrive que des épaves génèrent un courant supplément­aire et d’autres, pas du tout. Sur ces dernières on pourra alors tenter sa chance sur des coefficien­ts moyens. Il n’y a pas, par contre, d’indication­s précises à respecter sur le montant, le descendant ou les étales. Le poisson peut s’activer dans tous les cas de figure. Toutefois, il convient, dans la mesure du possible, de couper le moteur lors de la dérive. Car les poissons ne sont pas sourds. Ce ne sera pas évident avec un gros diesel car passer son temps à éteindre puis allumer à nouveau le moteur tirera très fortement sur la batterie. Seulement, quand le bruit du moteur persistera au bout de plusieurs dérives, les touches disparaîtr­ont, le poisson se montrant de plus en plus méfiant. N’hésitez pas à faire un break, moteur stoppé pour mieux revenir quelques minutes plus tard après avoir laissé l’épave se « reposer ». ■

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 ??  ?? Le casting est une excellente technique pour la pêche sur épave.
Le casting est une excellente technique pour la pêche sur épave.
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 ??  ?? Localiser un point avec les cartes SHOM est insuffisan­t, il faut confirmer avec un sondeur et souvent ce travail se révèle être pour le moins fastidieux.
Localiser un point avec les cartes SHOM est insuffisan­t, il faut confirmer avec un sondeur et souvent ce travail se révèle être pour le moins fastidieux.
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Les épaves ne manquent pas en Breatgne sud comme le montre cet Atlas des épaves du Ponant réalisé par Bruno Jonin, Éric Le Gall et Hervé Sévère.
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Les juliennes fréquenten­t avant tout l’intérieur de l’épave.
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Les leurres souples « à l’ancienne » sont indémodabl­es. La canne est parfaiteme­nt maintenue sous l’aisselle par le bras

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