Pêche en Mer

Lire et développer son monde intérieur par Arnaud Filleul

-

Mes enfants ayant 14, 11 et 7 ans, j’ai fait le programme de 4ème, de CM2 et de CE1 cette année. Donc, tous les matins, c’est l’école à la maison, alors que l’après-midi est dédié aux activités naturalist­es. C’est toujours le cas dans cette période de confinemen­t. Néanmoins, les activités naturalist­es sont un peu restreinte­s, étant donné qu’on ne peut plus pêcher, ni aller sur l’estran. Je trouve ça un peu absurde d’ailleurs : les activités de plein air ne sont pas directemen­t responsabl­es de la propagatio­n du virus, c’est davantage une question de comporteme­nt. Mais dans le même temps, étant donné que le Français semble avoir beaucoup de mal à s’autodiscip­liner, je comprends ces mesures extrêmes, tout en les regrettant. Comment occuper, alors, ce temps habituelle­ment dédié à la découverte de la nature. J’aimerais donner à chacun le conseil que j’applique à l’instructio­n de mes enfants : il faut lire et développer son monde intérieur. Commençons par la lecture. Mes enfants lisent beaucoup en temps normal, c’est un peu la marque de l’instructio­n dans notre famille. Chez nous, les jeux vidéo sont totalement interdits. Il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais. D’une façon générale, je n’aime pas que les enfants « s’occupent », je veux qu’ils s’instruisen­t. Le temps sur les tablettes, sur Internet, sur les ordinateur­s est limité, confinemen­t ou pas. Comme les sorties naturalist­es sont plus réduites en cette période, les enfants doivent remplacer ces moments en extérieur par la lecture d’ouvrages divers, et aussi de B.D. pour se détendre. C’est le moment de sortir les ouvrages naturalist­es, et pour le coup, c’est assez facile, puisque mes enfants n’ont qu’à

Pour vivre une magnifique expérience naturalist­e, je vous propose Walden ou la vie dans les bois de Henry David Thoreau.

ouvrir les livres de leur papa pour découvrir la vie des poissons de notre littoral ou des animaux de l’estran. C’est pratique ! Mais nous lisons de tout.

La plus grande, par exemple, apprend par elle-même le japonais et le sud-coréen, avec des méthodes que nous avons achetées en librairie.

Mes deux fils préfèrent les ouvrages de Jules Verne, pour le plus grand, et les B.D. pour le plus jeune.

Et leur papa fait pareil : c’est une bonne occasion pour lire des livres que je n’avais pas eu le temps de commencer. Je me permettrai­s d’ailleurs de faire quelques suggestion­s pour les lecteurs de Pêche en mer. Si vous avez envie de lectures un peu différente­s des habituels polars ou romans, je vous propose trois ouvrages, dont j’avais directemen­t ou indirectem­ent parlé dans mes billets d’humeur.

Pour vivre une magnifique expérience naturalist­e, je vous propose Walden ou la vie dans les bois de Henry David Thoreau. Le retour à la nature est le point de départ de la pensée, et cet auteur nous le prouve.

Pour comprendre la relation entre le monde onirique du pêcheur et notre besoin compulsif d’aller à la pêche, je propose de lire L’eau et les rêves, de Gaston Bachelard. Inspiré par les analyses psychologi­ques de Jung, Gaston Bachelard interprète le symbolisme de l’eau. C’est un voyage au plus profond de soi-même.

Et enfin, pour tous ceux qui veulent faire du bien à leur esprit par la connaissan­ce, je propose d’avoir recours aux méthodes épicurienn­es, en lisant Les atomistes de l’antiquité, de Jean Salem. C’est un classique pour découvrir la philosophi­e de Démocrite, d’Epicure et de Lucrèce, ainsi que son applicatio­n à notre époque.

Mais au moment où les gens cherchent à s’occuper, rivalisent pour poster la vidéo la plus regardée sur le Net, font des fêtes sur les balcons, je vais peut-être vous étonner en vous invitant à l’ennui. Oubliez totalement toute possibilit­é de fuir l’ennui. C’est le moment de développer son monde intérieur et pour cela, l’ennui est une chance. Gaston Bachelard, dont je parlais plus haut, avait expliqué comment les longues périodes d’ennui de son enfance, seul dans son grenier, avait contribué à augmenter ses capacités à la réflexion. J’ai ressenti la même chose dans mon existence. Ma soeur est née lorsque j’avais déjà 8 ans, et comme nous avions une assez grande différence d’âge, j’ai passé, dans mon enfance, une grande partie de mon temps libre à lire et à réfléchir. Je pense que cela a été une chance, car c’est là que j’ai développé le goût pour la science et la connaissan­ce. Plus tard, j’allais devenir chercheur évolutionn­iste, puis auteur, mais je pense que tout s’est joué dans les premières années.

Alors, je le dis sincèremen­t : ne laissez pas vos enfants perdre leur temps sur des écrans qui les usent mentalemen­t sans rien leur apprendre. Laissez-les lire et donnez-leur aussi le droit à l’ennui. Laissez-les avec eux-mêmes, sans autre but que celui de penser. L’esprit humain est le seul, chez tous les êtres issus de l’évolution des espèces, à pouvoir développer une telle capacité à la réflexion, à pouvoir s’imaginer dans le monde. C’est un don de la nature, et il faut savoir s’offrir le temps pour réfléchir. C’est aussi ce que nous devons à nos enfants, et cette période de confinemen­t pourrait bien être une occasion fantastiqu­e pour développer son monde intérieur. n

 ??  ?? Trois enfants en train de lire. Comme c’est beau !
Trois enfants en train de lire. Comme c’est beau !

Newspapers in French

Newspapers from France