Connaissance
Qui est qui ? : Bar et bar moucheté
Ce mois-ci, nous allons nous intéresser à la vedette de la pêche de la pêche sportive, le bar (Dicentrarchus labrax), mais aussi à son cousin à la belle robe, le bar moucheté (Dicentrarchus punctatus).
Nous allons exposer leurs similarités ainsi que leurs différences, qui ne s’arrêtent pas à la robe. Par ailleurs, vous verrez qu’il y a des pièges dans l’identification (Cf. encadré). Mais comme toujours, nous allons commencer par un peu de classification.
Le bar appartient à la famille des Moronidés, qui est restreinte en nombre d’espèces mais très importante pour le pêcheur, et pas seulement dans notre pays. En effet, le bar, en Europe, et le bar rayé, en Amérique du Nord, comptent parmi les poissons de pêche sportive les plus recherchés au monde. A l’instar du bar en France, le bar rayé est passionnément recherché par les pêcheurs américains. La famille des Moronidés ne compte ainsi que six espèces : le bar (Dicentrarchus labrax), le bar moucheté (Dicentrarchus punctatus), le bar-perche (Morone americana), le bar blanc (Morone chrysops), le bar jaune (Morone mississippiensis) et le gigantesque bar rayé (Morone saxatilis).
Les deux premières espèces (celles du genre Dicentrarchus) sont présentes en Europe alors que les autres (celles du genre Morone) sont américaines. Si le bar atteint déjà de très belles tailles, pour le plus grand plaisir des pêcheurs européens, le bar rayé peut devenir franchement énorme : 2 mètres pour 57 kilogrammes. On comprend pourquoi ce poisson fait le bonheur des pêcheurs outreAtlantique. En ce qui concerne l’anatomie, les Moronidés montrent une silhouette classique de Perciformes, mais on notera une caractéristique de la famille : la présence de deux épines operculaires (Cf. encadré). Mais revenons en France et regardons de plus près nos deux espèces de Moronidés.
Un mètre zéro trois !
Commençons par le bar. Le corps est hydrodynamique, avec une tête imposante. Le bar présente un museau relativement pointu mais l’ouverture buccale est grande. Les proportions sont d’ailleurs inégales d’un spécimen à l’autre, certains montrant une
tête énorme. La mâchoire supérieure est bordée de chaque côté par un maxillaire triangulaire et élevé dans sa portion postérieure. Les processus des prémaxillaires coulissent dans le museau ce qui permet au bar de projeter sa bouche vers l’avant.
Le dos est plus foncé que les flancs et sa teinte varie du brun foncé, parfois presque noir, au vert olive. Les flancs présentent une jolie couleur argentée et le ventre est blanchâtre. Les écailles sont assez petites, la ligne latérale traversant 70 écailles en moyenne. Des écailles couvrent la série des os infraorbitaires ainsi que la région operculaire. Cette dernière présente les deux épines postérieures propres à la famille des Moronidés. De plus, le préopercule est nettement denté dans sa partie postéro-ventrale. Notons également qu’une tache noire est bien visible dans la région postéro-dorsale de l’opercule. Sept rayons branchiostèges délimitent ventralement la région branchiale. Le bar possède deux nageoires dorsales, la première montrant 8 épines, la deuxième en comptant une seule suivie de 12 à 13 rayons mous. Les nageoires pelviennes sont thoraciques, c’est-à-dire qu’elles sont situées presque au niveau des nageoires pectorales. Les nageoires pelviennes présentent une épine suivie de rayons mous alors que les pectorales ne comptent que des rayons mous. La nageoire anale présente trois épines suivies de rayons mous et sa position est classique pour un Perciforme. La nageoire caudale est nettement fourchue. Le pédoncule caudal est d’épaisseur normale mais ses écailles se poursuivent sur la nageoire caudale qui reçoit également un prolongement de la ligne latérale. Toutes les nageoires sont grisâtres, les pelviennes étant cependant plus claires que les autres.
Le bar se différencie de son plus proche cousin, le bar moucheté, à sa robe argentée, sans points. Un mulet, vu dans l’eau de dessus, peut se confondre avec un bar mais on remarquera son comportement moins vif et la forme plus arrondie de son museau pour faire la différence. Par ailleurs, les nageoires pectorales du mulet s’insèrent très haut sur le corps, et cela se voit également lorsqu’on observe l’animal nager. Un petit maigre peut également être confondu avec un bar mais, là encore, il existe des moyens simples de faire la différence, comme la couleur orange de l’intérieur de la gueule du maigre, les taches brillantes le long de la ligne latérale et la longueur de la deuxième nageoire dorsale. En ce qui concerne les dimensions, le
J’invite à suivre le rythme de la nature. Ce qui compte c’est d’être au bord de l’eau durant le pic alimentaire du poisson, autrement dit le coup du soir est un moment clé.
plus gros bar correctement documenté mesurait 1,03 mètre, mais de nombreux témoignages, de pêcheurs professionnels comme sportifs, font état de spécimens mesurant jusqu’à 1,20 mètre pour un poids de 14 kilos.
La biologie du bar est celle d’un poisson très tolérant et opportuniste. Il fréquente une multitude d’habitats. Ainsi, c’est un poisson euryhalin (il tolère très bien les variations de salinité) qui fréquente les estuaires, les lagunes, les rias, les étangs littoraux.
Pendant l’hiver, le bar migre généralement vers les eaux plus profondes du large, du moins dans la partie nord de son aire de répartition.
A la belle saison et en automne, il aime nager près des rochers battus par les vagues, dans les ports, ainsi que le long des plages. Au printemps, il peut aussi se trouver par 30 ou 40 mètres de fond, sur les plateaux rocheux du semi-large. Le bar est un poisson grégaire, les jeunes individus pouvant former des bancs de grande taille. Mais les vieux spécimens forment des bancs de quelques individus, et sont parfois solitaires. On rencontre cette espèce sur toutes nos côtes. Ce prédateur opportuniste mange une grande variété de proies : crevettes, crabes, annélides, céphalopodes, poissons. Mais contrairement à ce que beaucoup de pêcheurs pensent, ce sont les crustacés, et non les poissons, qui constituent l’essentiel des proies. L’étude des contenus stomacaux nous montre
que 2/3 des proies avalées sont des crustacés. Le bar chasse de jour comme de nuit, mais durant l’été, son activité prédatrice est maximale au crépuscule.
Golfe de Gascogne et Méditerranée
Voyons maintenant le cas du bar moucheté. Il suffit de remarquer la superbe parure mouchetée de l’animal pour assurer l’identification (excepté pour le cas présenté en encadré), mais les différences avec le bar ne s’arrêtent pas là. La configuration des dents du vomer, un os de la mâchoire supérieure, est également différente. On remarquera des différences nettes dans les proportions de la tête (Cf. également l’encadré montrant les crânes). Le prognathisme est plus marqué chez le bar moucheté que chez le bar. Le museau du bar moucheté est plus pointu que celui de son cousin. Le bar moucheté présente un préopercule denté, mais cette fois, il partage cette caractéristique avec son cousin, car ce trait est propre au genre Dicentrarchus. Il tolère très bien les variations de salinité et, bien qu’essentiellement marin, se rencontre couramment en estuaire.
Il fréquente surtout les eaux de surface mais peut descendre jusqu’à 30 mètres de profondeur. Contrairement au bar, qui part le plus souvent se reproduire au large, le bar moucheté reste à la côte durant l’hiver et se reproduit dans des profondeurs modérées.
Il présente un régime alimentaire très proche de celui du bar mais sélectionne des proies plus petites. Annélides, crustacés, poissons et céphalopodes sont les proies les plus fréquentes.
L’animal peut atteindre 70 centimètres pour 3 kilos, il est donc beaucoup plus petit que le bar. Un spécimen de 40 centimètres est déjà une prise appréciable et les spécimens dépassant 50 centimètres sont rares. En France, le bar moucheté se rencontre essentiellement dans le golfe de Gascogne et la Méditerranée. L’espèce est rare au nord du golfe de Gascogne, mais très fréquente sur les côtes espagnoles et portugaises.
Le coup du soir
En ce qui concerne la pêche, je ne vais pas détailler les multiples techniques de pêche pouvant être utilisées pour capturer ces poissons. Elles sont abondamment présentées dans PEM. Je vais, en revanche, insister sur un point fondamental : faites le coup du soir ! Année après année, c’est un conseil que je donne aux lecteurs, et je trouve que les pêcheurs sont toujours trop nombreux à partir pour l’heure du repas, alors que les bars vont commencer à chasser dans la demi-heure qui suit. Je me souviens très bien de mes premiers articles pour PEM (c’était en 1999, le temps passe !) dans lesquels, déjà à l’époque, j’invitais à ne pas suivre le rythme de la société mais le rythme de la nature. L’heure du repas de l’homme n’a pas d’importance, car ce qui compte, c’est d’être au bord de l’eau durant le pic alimentaire du poisson. Pour le bar et le bar moucheté, qui basent une bonne partie de leur chasse sur la vision, le coup du soir est un moment clé. Cela est dû à l’effet silhouette : dans la lumière rasante, les proies deviennent beaucoup plus visibles par effet de contraste. Très souvent, en été, j’entends des pêcheurs dire que « ça ne mord pas » alors que je prends des bars tous les soirs le long des plages. C’est une une question d’heure : il faut pêcher durant le pic alimentaire crépusculaire. Et c’est sur ce conseil renouvelé que s’achève cet article. n