Délices de début de saison, le pagre au slow jig
Le pagre est l’un des plus beaux prédateurs de nos côtes. Souvent recherché au leurre, il se traque cependant de plus en plus au leurre-appât. Et notamment en ce début de saison où l’on ira le chercher profond en Atlantique, tandis qu’il est déjà tout près des côtes méditerranéennes. Ce poisson reste toutefois tatillon et il n’est pas rare de taper du gros en cette période, on optera donc pour le slow jig !
Disons le tout net : la pêche du pagre est un gros kiffe ! Piquer un beau pagre est un moment dont on se rappelle, c’est indéniable. Sa défense est celle d’un Sparidé et, personnellement, je considère ces espèces de poissons comme étant les plus combatives de nos côtes. Les habitués de la dorade grise et de la royale penseront peut-être que le pagre est un peu de la même veine. Du point de vue de la défense, oui. En revanche, nous avons affaire ici à un chasseur de premier ordre qui attaque comme le fait un prédateur, et qui se montre d’une diablerie incommensurable ! La technique que nous abordons ici est l’une des celles qui fonctionne le mieux. Elle est la plus polyvalente, la plus efficace et la plus accessible. Il s’agit du Tenya.
Le Tenya est en quelque sorte l’accessoire qui donne son nom à la technique, mais la technique reste avant tout une pratique verticale, en « up and down » (montées et descentes), au plus près du fond. Les pêcheurs aux leurres souples en dérive retrouveront leurs marques. Donc, le Tenya est un plomb dont la forme particulière crée des comportements particuliers. Vous remarquerez sur les illustrations les différentes formes du plomb, lequel sert de tête. Cette tête a plusieurs fonctions :
l Elle se pose sur le fond. l Elle dodeline à la remontée l Elle virevolte à la descente.
Ce sont ces formes spécifiques (qui vont d’un tronçon conique à une forme de bulle) qui donnent toute sa valeur au Tenya. Ajoutons à cela la forme toute aussi spécifique de l’hameçon principal. Avec cet hameçon, on pourrait penser que nous avons simplement affaire à une tête plombée, et très objectivement on aurait pas tord ! Cependant, cet hameçon est non seulement long, mais incliné vers le haut. Il permet donc de limiter les accrocs sur le fond, et de plus, il permet une présentation à la fois optimale et réaliste des appâts et des leurres utilisés. On trouve également un hameçon volant, plus petit, et qui vient compléter l’armement principal, lequel a plutôt une fonction de maintien de l’appât. Ce plus petit hameçon se pique dans la tête du leurre ou de l’appât.
Enfin, les fabricants rivalisent de générosité en ajoutant aux leurres quelques pattes en caoutchouc qui, dans le courant, simuleront plus ou moins efficacement la vie.
Le slow jig, l’arme idéale pour le pagre
LeTenya est une création japonaise, et la technique que nous vous proposons ici de lui associer, aussi. Cette technique se pratique à la fois avec des jigs lents, des madaïs, des kaburas ou tout autre leurre-appât. Or, lorsque l’on traque un combattant tel que le pagre, un poisson pouvant atteindre les 10 kg, il faut être équipé puissant. Mais il faut également avoir un matériel ajusté et adapté aux conditions de pêche rencontrées, ce qui nous amène tout droit vers le slow jig. Cette technique nécessite une canne dont le blank est idéalement fin et souple. Pourquoi de telles caractéristiques ? Tout simplement car elle favorise un travail lent du leurre. La canne plie sous la pression du courant, et cela a de nombreux avantages :
l La flexion de la canne absorbe les vibrations dues au courant sur la ligne. l La flexion de la canne favorise le travail du leurre dans le courant. l La flexion de la canne est adaptée aux lèvres fragiles de ces poissons qui faudra remonter parfois piqués au bord des lèvres.
Dans un autre temps, cette technique apportera un avantage certain pour pêcher les grandes profondeurs, là où ce poisson se trouve bien souvent en ce début de saison. Et ce d’autant en Bretagne qu’en Méditerranée, les fonds étant très importants à la côte dans le grande bleue…
Pour traquer le pagre, la canne doit être associée selon moi à des moulinets tournants légers. Le tambour tournant avec bâti en plastique et non en métal est ici préférable car plus léger. Nous pratiquons une pêche de contact, fine et tactile. Il nous faut donc avoir le bras en contact permanent avec le poids, la ligne, et le courant. Notons ensuite que le tambour tournant récupère la ligne moins vite. Il est plus adapté à ce type de pêche, qu’un tambour fixe qui dépote un mètre au tour de manivelle. Il ne faut pas croire que les poissons sont bêtes. Ils savent ce que représente
la traversée des courants, et ça n’est pas façon TGV ! J’ajouterais bien volontiers une troisième qualité au tambour tournant. Comme l’axe de la bobine est perpendiculaire à la canne, et très proche du blank, on perçoit remarquablement bien les touches les plus fines. Le pagre nous met à l’épreuve sur ce point précis, et le tournant est une aide considérable.
Le poisson, ses habitudes
Le pagre se trouve en Méditerranée, dans le Sud-Ouest et en Bretagne. C’est un Sparidé, comme nous l’avons dit, et qui dit Sparidé, dit rochers. Partout où il y a du roc, il y a des chances d’y trouver du pagre. Il va agir un peu comme le font les sars, c’est-à-dire vivre dans le rocher, mais s’en éloigner pour se nourrir. Il est donc fréquent de les trouver sur les fonds rocailleux, voire les fonds de gravillons. En fait, ce qui semble évident est l’affection toute particulière que notre poisson démontre pour les zones contrastées. J’entends par contrastées le fait que l’on y trouve une majorité de roches, parsemées de ci et de là des taches plus claires. Roches, graviers, roches, sable, roche, vase, bref, vous avez compris l’idée...
J’ajoute qu’une bonne profondeur est nécessaire. Il est rare de prendre un pagre à moins de 10 mètres de fond. Les exceptions ne sont pas exclues. Personnellement, en tout cas, je l’ai toujours pêché au-delà de plusieurs dizaines de mètres de profondeur. En plus de cette profondeur, un peu de courant ne déplaît pas à notre poisson (et tant mieux pour notre technique), et parfois, ce n’est pas qu’un peu, c’est parfois 25 ou 30 mètres de courant qu’il faut traverser. À noter que l’on pêche le pagre à compter du printemps, jusqu’à tard dans la saison.
La technique, toute en dérive
Nous allons parcourir du terrain avec le Tenya. Généralement les
Même s’il faut souvent descendre à des profondeurs importantes pour ce poisson, le pagre reste un Sparidé et donc un fin limier. Des Tenyas trop lourds sont déconseillés, maximum 50 g, au risque de rater toutes vos touches.
zones sont facilement repérables au sondeur. Je vous conseille de rechercher les longues lignes de dérives qui incluent :
l Des bancs de roches avec succession de graviers, sable ou vase. l Des lignes de failles, ou des lignes de roches longées par du gravier, du sable ou de la vase.
Ces deux types de zones sont idéales pour le pagre. Nous allons les pêcher en dérive, de préférence lente, à très lente. Il va de soi que le Tenya n’est pas un leurre très facile à descendre, car il représente un certain volume qui n’est pas hydrodynamique. Question poids, les gros modèles ne sont pas les plus adaptés pour pêcher un Sparidé dont la gueule est tactile et ultra sensible. J’ai donc envie de vous conseiller de choisir le poids le plus léger possible pour atteindre le
fond souhaité. 20 à 50 grammes me semble raisonnables. Tout dépend bien entendu du volume du leurre ou de l’appât que vous désirez descendre au fond. La stratégie consiste donc à descendre le leurre, jusqu’à ressentir le fond. On décolle ensuite le leurre à une trentaine de centimètres. Il faut être réactif, car vous allez devoir suivre la trace de fond. Il faudra passer au-dessus des roches, et redescendre quasiment jusqu’à gratter le sol sur les fonds de graviers… C’est un sport certain qui demande de la précision et des réflexes. Vous aurez donc compris qu’il faut garder l’oeil sur le sondeur en permanence, et anticiper ses différentes remontées et redescentes. Personnellement, je ne suis pas un fana des animations avec ce type de montage. Certains agitent leur canne, moi non. Ensuite, chacun fait comme il le souhaite. Pour moi, une légère pression sur la tête de leurre permet d’activer une petite vibration, et bien souvent cela suffit.
La touche, une histoire d’amour
Le pagre, au-delà de la vision que vous en avez dans cet article, est un poisson d’une extraordinaire finesse. La touche est fine, et il convient d’être ultra réactif. Ceci étant dit, apprenez à pratiquer le relâcher pour plus de discrétion lorsque le poisson se met à mordre, avant la touche. Vous allez sentir la touche, fine. Il faudra rendre très légèrement la main avant de ferrer. Il n’est point besoin de rendre trop de ligne, quelques centimètres suffisent. Il arrive souvent que la touche intervienne au moment de la remontée du leurre. Vous allez gratter le sol de graviers, par exemple, puis le redécoller pour passer au-dessus d’une roche. C’est souvent là que se produit la touche, et parfois ce sera à la descente. Vous identifierez cela en cours de pêche, et je pense que cela provient d’une multitude de facteurs comme la vitesse du courant, le type d’appât, ou votre façon d’animer.
Leurres ou appâts
Il est tout à fait possible d’utiliser deux appâts différents : un artificiel si l’on souhaite rester pratique et efficace, et évidemment l’autre naturel. Finalement, l’un n’est que la reproduction de l’autre. Je pense personnellement qu’on a jamais fait mieux qu’un appât naturel, et pour cela les gambas sont idéales. Achetées congelées, elles tiennent une bonne partie de pêche si vous les conservez à la glace. Le montage doit être précis, et surtout au niveau de l’hameçon volant. La tête de la gambas est très facilement coupée, et c’est donc là qu’il faudra mettre le petit hameçon. Si vous vous faites piéger trop souvent, changez d’endroit ! Naturellement, les leurres en plastique qui imitent les grosses crevettes peuvent fonctionner. Les modèles récents, fabriqués à base d’amidons divers, gorgés d’acides aminés et d’odorants multiples peuvent fonctionner, c’est indéniable. Ce n’est finalement pas différent que d’aller pêcher le bar aux leurres souples, si ce n’est qu’ici ce sera des Sparidés, et notamment du pagre. En conclusion, je vous invite à découvrir ce poisson si vous ne le connaissez pas encore. J’ajouterais une petite chose importante : les colonies de pagres sont de plus en plus nombreuses sur nos côtes. Je suppute que cette espèce s’installe durablement en raison des modifications des biotopes et des fonds sous-marins. Vous allez donc pêcher des poissons de petite taille, et j’ai déjà vu faire des cartons de poissons de la taille d’une main. Je pense que cela est totalement déraisonnable, bien que cela ne m’étonne pas. Quand on voit la taille que ce poisson peut atteindre, il est vraiment dommage, une fois de plus, de nous tirer une balle dans les pieds. À bon entendeur… n