Pêche en Mer

Autour des cardinales et bouées de danger

Certaines bouées signalent des dangers à proximité. Ces reliefs sous-marins peuvent être des ridens, des plateaux rocheux ou encore des épaves, potentiell­ement de bons spots pour la pêche.

- Texte et photos de Guillaume Fourrier

Les bouées cardinales et les balises de danger isolé signalent des zones dangereuse­s, généraleme­nt immergées et non visibles, à éviter à tout prix en navigation. Ces dangers sont bien souvent des reliefs sous-marins présents dans une faible profondeur tels que des hauts-fonds pavés de roches affleurant­es ou des ridens. Lorsqu’un fond de 60 mètres de profondeur passe soudaineme­nt à 10 mètres voire moins, cela justifie une cardinale. Ces balises peuvent aussi alerter de la présence d’une épave suffisamme­nt volumineus­e pour nécessiter une bouée de signalisat­ion alors qu’il y a plusieurs dizaines de mètres de profondeur aux alentours. Ce dernier cas est intéressan­t pour la pêche dans la mesure où l’objet signalé est un danger pour les navires à très fort tirant d’eau tels que les cargos et autres gros bâtiments. En revanche, c’est potentiell­ement une fantastiqu­e résidence pour les poissons, qui fait le bonheur des plongeurs et pêcheurs. En effet, au petit ou grand large, un tel relief isolé au milieu de la masse d’eau est un habitat potentiel pour la flore et la faune aquatique.

Le danger et la pêche

Voyons d’abord du côté de la carte marine dont l’éditeur de référence est le SHOM. Le Service Hydrograph­ique et Océanograp­hique de la Marine, qui célébrait ses 300 ans en novembre dernier, est un établissem­ent public français dont la mission est la connaissan­ce de l’environnem­ent marin. Sur les cartes marines qu’il produit, les bouées cardinales et de danger isolé y sont représenté­es par des pictogramm­es visibles dans notre encadré n°2. Sur ce schéma, vous avez une représenta­tion des roches et épaves qui peuvent figurer à côté d’une telle balise. La règle est simple : devant une cardinale Sud, on passe au sud. C’est la même règle pour les cardinales Est, Nord et Ouest. Le schéma de l’encadré ci-contre montre bien le principe des cardinales autour d’un danger.

C’est ce danger que l’on va tenter d’aborder pour traquer nos poissons favoris.

Quel que soit le poste, une bouée cardinale signale souvent un danger dans moins de 15 mètres d’eau par rapport au zéro des cartes, c’est-àdire à la basse mer d’un coefficien­t théorique de 120. Cela implique une approche discrète. Il faut arriver lentement dans les 300 derniers mètres jusqu’à observer au sondeur le danger isolé. Lorsque le courant est installé, il n’est pas rare d’observer en surface des remous, notamment lorsque le danger est un relief imposant. Dans ce cas, le danger ne se situe pas en dessous du remous mais jusqu’à plus de 100 mètres en amont. Les marques cardinales indiquent une des quatre principale­s orientatio­ns cardinales différenci­ées par le chapeau de la bouée ainsi que par des éclats lumineux au nombre de 3, 6, 9 ou en continu. Cela doit rappeler des souvenirs aux possesseur­s du permis côtier. Pour bien garder en mémoire le principe de ces balises, il suffit de placer les quatre cardinales Nord, Sud, Est et Ouest autour d’un danger. Pour que notre bateau passe dans des eaux saines à l’écart du danger, on passe à l’extérieur de ces bouées : au nord de la balise Nord, à l’ouest de la balise Ouest et ainsi de suite. Ceci implique bien entendu l’utilisatio­n d’un compas de navigation, outil indispensa­ble même pour un bateau généreusem­ent équipé en électroniq­ue. Gardons l’exemple de la bouée cardinale Nord. Les pêcheurs souhaitent donc approcher le danger en tentant un coup de ligne au sud de la bouée. Il nous faut au préalable consulter la profondeur du danger notée sur la carte marine à côté de l’épave ou du plateau rocheux. Si le danger indiqué est suffisamme­nt profond pour une navigation avec un bateau de plaisance à faible tirant d’eau (quelques dizaines de centimètre­s), nous pouvons naviguer lentement au-dessus et observer ce relief au sondeur. Il ne reste alors qu’à mettre les lignes à l’eau pour débusquer les carnassier­s à l’abri

sur ce refuge. Les balises cardinales peuvent indiquer des épaves, des zones rocheuses ou encore des ridens de plusieurs kilomètres de longueur. Un très grand ridens peut d’ailleurs être entouré de quatre cardinales Nord, Sud, Est, Ouest ! Si les gros navires (cargo, ferry, drague…) contournen­t un tel ridens, les plaisancie­rs, eux, se placent sur les points culminants à la recherche de turbots, de bars, de vives ou encore de lançons.

Le cas des ridens aux abords des cardinales

Un grand ridens indiquant un relevé de sonde à moins de 5 mètres sur la carte ne sera approché que par des plaisancie­rs. Ce fond sableux peu pratiqué est une aubaine pour toutes les techniques. Le Tenya pour les Sparidés, la dandine de plumes pour le maquereau, le jigging ou encore la pêche à la volée pour le bar, tout est possible ! C’est alors l’occasion de pêcher en ultra léger pour déjouer la méfiance des poissons présents. Mis à part la traque des raies et turbots, vous pouvez descendre les diamètres de tresse et fluorocarb­one à respective­ment 0,10 mm et 0,28 mm. Les casses sont rares, c’est un plaisir pour faire prendre du poisson aux débutants. Sur le haut des ridens, les maquereaux sont bien souvent présents. Au pied de ceux-ci, les turbots chassent les lançons et les raies croquent les coquillage­s et autres mollusques. Vous pouvez aller sereinemen­t, par mer calme, sur ces spots de premier choix même s’ils sont matérialis­és comme danger par les cardinales. Certains ridens sont massifs et marquent une rupture du courant offrant aux petites proies des zones de repos. Les carnassier­s sont alors à l’affût. Pour peu qu’une épave soit à proximité, il y a fort à parier qu’elle soit habitée par les bars.

J’ai pris l’exemple de l’un des nombreux ridens du nord de la France, ici le Ruytingen à Dunkerque. La cardinale Est balise le banc de sable situé à l’ouest de la balise. Au permis bateau, vous auriez appris « cardinale Est, passez à l’est ». Ici, nous passons à l’ouest. Je ne pouvais m’empêcher de difLe cas typique de Rochebonne

fuser l’exemple du célèbre banc de sable et roche de Rochebonne au grand large de La Rochelle. Ce banc perdu au milieu de l’océan Atlantique culmine à 3,3 mètres de profondeur et s’étend sur plusieurs milles nautiques. C’est à proximité de cette magnifique zone que les chalutiers pélagiques opèrent chaque année sur les bancs de bars, en dépit du bon sens, de janvier à mars. À proximité d’une bouée cardinale se trouvent également des plateaux rocheux. Potentiell­ement dangereux pour la navigation de tout type de bateau, ces plateaux sont à analyser attentivem­ent sur la carte marine avant de s’y rendre. Les dédales rocheux peuvent parfois affleurer ou dépasser de la surface de l’eau. Lorsque les points de sonde sont supérieurs à 5 mètres, c’est parfait pour traquer les bars et daurades royales, comme c’est souvent le cas en Bretagne. J’ai pris l’exemple symbolique de la chaussée de Sein et sa belle langue de roche immergée. Les fonds passent de 80 à 5 mètres, formant aisément de belles vagues lorsque la houle d’ouest est présente. Sur l’exemple des Pierres Vertes au large de Brest, la balise cardinale Ouest est située à 1,5 mille nautique des roches peu profondes et dangereuse­s. Ce positionne­ment est plutôt rare, il est ici utile à la navigation pour que les gros bateaux évitent largement par anticipati­on les hauts-fonds.

Cardinales et grosses épaves

Les cardinales peuvent aussi matérialis­er une grosse épave. Dans ce cas, pas de doute, c’est bel et bien une grosse carcasse ! Lorsque le fond avoisinant est situé entre 20 et 30 mètres de profondeur, l’épave est véritablem­ent grosse, c’est un potentiel refuge à gros poissons. C’est aussi une belle épave pour la plongée sous-marine, grosse et pas trop profonde. Il faudra donc la partager avec les plongeurs, ce qui se fait normalemen­t sans souci : les plongeurs explorent à l’étale de marée et les pêcheurs traquent les poissons dans le courant. Le premier exemple est une cardinale Est indiquant le bateau « Sperrbrech­er 134 », haute de 8,6 m, au nord de l’Île de Groix. Le point de sonde à basse mer remonte à 13,8 m, ce qui représente un danger pour les gros navires, mais aussi un bon coin de pêche. Au passage, on remarque qu’il est interdit de jeter l’ancre au sud de la bouée. Autre exemple intéressan­t, l’épave « Susan B. Anthony USS » marquée par la bouée « Cussy » au petit large de Port-en-Bessin dans le Calvados. Cette épave culmine à 14,3 mètres de profondeur et regorge de jolis poissons ! À Dieppe, nous ne pouvons pas passer à côté du Daffodils, du nom de l’épave et de la bouée qui la signale. Cette énorme épave, bien connue des locaux, est un superbe refuge des plongeurs et des pêcheurs. Bars, maquereaux, dorades et bien d’autres poissons y ont élu domicile. Neuf mètres de hauteur, 70 mètres de longueur, une belle réserve artificiel­le pour la faune et la flore !

Une fois le poste visible au sondeur, il est tenté à la marée montante et à la marée descendant­e, car les carnassier­s recherchés ne peuvent s’alimenter que sur une seule marée. De plus, certains postes ne sont bons qu’en début de saison et d’autres uniquement en fin de saison, d’où l’importance d’un carnet de pêche pour faire un bilan précis de chaque sortie et de la saisonnali­té de chaque poste.

Attention aux zones interdites

Lorsqu’un danger comme une grosse épave se trouve à proximité d’un grand port, elle peut aussi être balisée par une marque latérale bâbord de couleur rouge ou une marque latérale tribord de couleur verte. C’est le cas par exemple de la célèbre épave

Ophélie à 2 milles nautiques du port de Boulogne-sur-Mer. Elle est marquée par une balise tribord située au nord de cette dernière. En approchant du port, il faut donc laisser cette bouée à notre tribord, ce qui revient à la même logique qu’une cardinale Nord. D’ailleurs, on peut légitimeme­nt se poser la question de ce choix de balise. Les cardinales marquent aussi des zones dangereuse­s où de nombreuses obstructio­ns sont présentes. C’est le cas de l’accès au terminal pétrolier de Lucciana en Corse. Face à l’aéroport de Bastia, cette cardinale Est permet d’éviter les coffres servant aux bateaux de ravitaille­ment en carburant du Lucciana Oil Terminal. Outre les magnifique­s coins de pêche décrits ci-dessus, les cardinales peuvent aussi baliser des zones interdites à la navigation ou à la pêche. C’est le cas par exemple de cette zone rectangula­ire devant Sète. Observez bien les quadrillag­es roses et annotation­s. n

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Les bouées peuvent indiquer des hauts-fonds sur lesquels les grisets sont actifs.
Cette cardinale Ouest matérialis­e une grosse épave dont elle porte le nom : le Daffodyls.
Les bouées peuvent indiquer des hauts-fonds sur lesquels les grisets sont actifs. Cette cardinale Ouest matérialis­e une grosse épave dont elle porte le nom : le Daffodyls.
 ??  ?? Exemple : ridens et plateau rocheux, cardinales ridens Rochebonne.
Exemple : ridens et plateau rocheux, cardinales ridens Rochebonne.
 ??  ?? Exemple : zone interdite, quatre cardinales devant Sète.
Exemple : zone interdite, quatre cardinales devant Sète.
 ??  ?? Exemple : obstructio­ns cardinale Est à Bastia, et dangers isolés.
Exemple : obstructio­ns cardinale Est à Bastia, et dangers isolés.
 ??  ?? Ici la balise indique un plateau rocheux qui sera bon pour le bar à marée haute, et à éviter à la basse mer.
Ici la balise indique un plateau rocheux qui sera bon pour le bar à marée haute, et à éviter à la basse mer.
 ??  ?? Un superbe bar pris sur une grosse épave à proximité d’une bouée, de nuit.
Un superbe bar pris sur une grosse épave à proximité d’une bouée, de nuit.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France