Autour des cardinales et bouées de danger
Certaines bouées signalent des dangers à proximité. Ces reliefs sous-marins peuvent être des ridens, des plateaux rocheux ou encore des épaves, potentiellement de bons spots pour la pêche.
Les bouées cardinales et les balises de danger isolé signalent des zones dangereuses, généralement immergées et non visibles, à éviter à tout prix en navigation. Ces dangers sont bien souvent des reliefs sous-marins présents dans une faible profondeur tels que des hauts-fonds pavés de roches affleurantes ou des ridens. Lorsqu’un fond de 60 mètres de profondeur passe soudainement à 10 mètres voire moins, cela justifie une cardinale. Ces balises peuvent aussi alerter de la présence d’une épave suffisamment volumineuse pour nécessiter une bouée de signalisation alors qu’il y a plusieurs dizaines de mètres de profondeur aux alentours. Ce dernier cas est intéressant pour la pêche dans la mesure où l’objet signalé est un danger pour les navires à très fort tirant d’eau tels que les cargos et autres gros bâtiments. En revanche, c’est potentiellement une fantastique résidence pour les poissons, qui fait le bonheur des plongeurs et pêcheurs. En effet, au petit ou grand large, un tel relief isolé au milieu de la masse d’eau est un habitat potentiel pour la flore et la faune aquatique.
Le danger et la pêche
Voyons d’abord du côté de la carte marine dont l’éditeur de référence est le SHOM. Le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, qui célébrait ses 300 ans en novembre dernier, est un établissement public français dont la mission est la connaissance de l’environnement marin. Sur les cartes marines qu’il produit, les bouées cardinales et de danger isolé y sont représentées par des pictogrammes visibles dans notre encadré n°2. Sur ce schéma, vous avez une représentation des roches et épaves qui peuvent figurer à côté d’une telle balise. La règle est simple : devant une cardinale Sud, on passe au sud. C’est la même règle pour les cardinales Est, Nord et Ouest. Le schéma de l’encadré ci-contre montre bien le principe des cardinales autour d’un danger.
C’est ce danger que l’on va tenter d’aborder pour traquer nos poissons favoris.
Quel que soit le poste, une bouée cardinale signale souvent un danger dans moins de 15 mètres d’eau par rapport au zéro des cartes, c’est-àdire à la basse mer d’un coefficient théorique de 120. Cela implique une approche discrète. Il faut arriver lentement dans les 300 derniers mètres jusqu’à observer au sondeur le danger isolé. Lorsque le courant est installé, il n’est pas rare d’observer en surface des remous, notamment lorsque le danger est un relief imposant. Dans ce cas, le danger ne se situe pas en dessous du remous mais jusqu’à plus de 100 mètres en amont. Les marques cardinales indiquent une des quatre principales orientations cardinales différenciées par le chapeau de la bouée ainsi que par des éclats lumineux au nombre de 3, 6, 9 ou en continu. Cela doit rappeler des souvenirs aux possesseurs du permis côtier. Pour bien garder en mémoire le principe de ces balises, il suffit de placer les quatre cardinales Nord, Sud, Est et Ouest autour d’un danger. Pour que notre bateau passe dans des eaux saines à l’écart du danger, on passe à l’extérieur de ces bouées : au nord de la balise Nord, à l’ouest de la balise Ouest et ainsi de suite. Ceci implique bien entendu l’utilisation d’un compas de navigation, outil indispensable même pour un bateau généreusement équipé en électronique. Gardons l’exemple de la bouée cardinale Nord. Les pêcheurs souhaitent donc approcher le danger en tentant un coup de ligne au sud de la bouée. Il nous faut au préalable consulter la profondeur du danger notée sur la carte marine à côté de l’épave ou du plateau rocheux. Si le danger indiqué est suffisamment profond pour une navigation avec un bateau de plaisance à faible tirant d’eau (quelques dizaines de centimètres), nous pouvons naviguer lentement au-dessus et observer ce relief au sondeur. Il ne reste alors qu’à mettre les lignes à l’eau pour débusquer les carnassiers à l’abri
sur ce refuge. Les balises cardinales peuvent indiquer des épaves, des zones rocheuses ou encore des ridens de plusieurs kilomètres de longueur. Un très grand ridens peut d’ailleurs être entouré de quatre cardinales Nord, Sud, Est, Ouest ! Si les gros navires (cargo, ferry, drague…) contournent un tel ridens, les plaisanciers, eux, se placent sur les points culminants à la recherche de turbots, de bars, de vives ou encore de lançons.
Le cas des ridens aux abords des cardinales
Un grand ridens indiquant un relevé de sonde à moins de 5 mètres sur la carte ne sera approché que par des plaisanciers. Ce fond sableux peu pratiqué est une aubaine pour toutes les techniques. Le Tenya pour les Sparidés, la dandine de plumes pour le maquereau, le jigging ou encore la pêche à la volée pour le bar, tout est possible ! C’est alors l’occasion de pêcher en ultra léger pour déjouer la méfiance des poissons présents. Mis à part la traque des raies et turbots, vous pouvez descendre les diamètres de tresse et fluorocarbone à respectivement 0,10 mm et 0,28 mm. Les casses sont rares, c’est un plaisir pour faire prendre du poisson aux débutants. Sur le haut des ridens, les maquereaux sont bien souvent présents. Au pied de ceux-ci, les turbots chassent les lançons et les raies croquent les coquillages et autres mollusques. Vous pouvez aller sereinement, par mer calme, sur ces spots de premier choix même s’ils sont matérialisés comme danger par les cardinales. Certains ridens sont massifs et marquent une rupture du courant offrant aux petites proies des zones de repos. Les carnassiers sont alors à l’affût. Pour peu qu’une épave soit à proximité, il y a fort à parier qu’elle soit habitée par les bars.
J’ai pris l’exemple de l’un des nombreux ridens du nord de la France, ici le Ruytingen à Dunkerque. La cardinale Est balise le banc de sable situé à l’ouest de la balise. Au permis bateau, vous auriez appris « cardinale Est, passez à l’est ». Ici, nous passons à l’ouest. Je ne pouvais m’empêcher de difLe cas typique de Rochebonne
fuser l’exemple du célèbre banc de sable et roche de Rochebonne au grand large de La Rochelle. Ce banc perdu au milieu de l’océan Atlantique culmine à 3,3 mètres de profondeur et s’étend sur plusieurs milles nautiques. C’est à proximité de cette magnifique zone que les chalutiers pélagiques opèrent chaque année sur les bancs de bars, en dépit du bon sens, de janvier à mars. À proximité d’une bouée cardinale se trouvent également des plateaux rocheux. Potentiellement dangereux pour la navigation de tout type de bateau, ces plateaux sont à analyser attentivement sur la carte marine avant de s’y rendre. Les dédales rocheux peuvent parfois affleurer ou dépasser de la surface de l’eau. Lorsque les points de sonde sont supérieurs à 5 mètres, c’est parfait pour traquer les bars et daurades royales, comme c’est souvent le cas en Bretagne. J’ai pris l’exemple symbolique de la chaussée de Sein et sa belle langue de roche immergée. Les fonds passent de 80 à 5 mètres, formant aisément de belles vagues lorsque la houle d’ouest est présente. Sur l’exemple des Pierres Vertes au large de Brest, la balise cardinale Ouest est située à 1,5 mille nautique des roches peu profondes et dangereuses. Ce positionnement est plutôt rare, il est ici utile à la navigation pour que les gros bateaux évitent largement par anticipation les hauts-fonds.
Cardinales et grosses épaves
Les cardinales peuvent aussi matérialiser une grosse épave. Dans ce cas, pas de doute, c’est bel et bien une grosse carcasse ! Lorsque le fond avoisinant est situé entre 20 et 30 mètres de profondeur, l’épave est véritablement grosse, c’est un potentiel refuge à gros poissons. C’est aussi une belle épave pour la plongée sous-marine, grosse et pas trop profonde. Il faudra donc la partager avec les plongeurs, ce qui se fait normalement sans souci : les plongeurs explorent à l’étale de marée et les pêcheurs traquent les poissons dans le courant. Le premier exemple est une cardinale Est indiquant le bateau « Sperrbrecher 134 », haute de 8,6 m, au nord de l’Île de Groix. Le point de sonde à basse mer remonte à 13,8 m, ce qui représente un danger pour les gros navires, mais aussi un bon coin de pêche. Au passage, on remarque qu’il est interdit de jeter l’ancre au sud de la bouée. Autre exemple intéressant, l’épave « Susan B. Anthony USS » marquée par la bouée « Cussy » au petit large de Port-en-Bessin dans le Calvados. Cette épave culmine à 14,3 mètres de profondeur et regorge de jolis poissons ! À Dieppe, nous ne pouvons pas passer à côté du Daffodils, du nom de l’épave et de la bouée qui la signale. Cette énorme épave, bien connue des locaux, est un superbe refuge des plongeurs et des pêcheurs. Bars, maquereaux, dorades et bien d’autres poissons y ont élu domicile. Neuf mètres de hauteur, 70 mètres de longueur, une belle réserve artificielle pour la faune et la flore !
Une fois le poste visible au sondeur, il est tenté à la marée montante et à la marée descendante, car les carnassiers recherchés ne peuvent s’alimenter que sur une seule marée. De plus, certains postes ne sont bons qu’en début de saison et d’autres uniquement en fin de saison, d’où l’importance d’un carnet de pêche pour faire un bilan précis de chaque sortie et de la saisonnalité de chaque poste.
Attention aux zones interdites
Lorsqu’un danger comme une grosse épave se trouve à proximité d’un grand port, elle peut aussi être balisée par une marque latérale bâbord de couleur rouge ou une marque latérale tribord de couleur verte. C’est le cas par exemple de la célèbre épave
Ophélie à 2 milles nautiques du port de Boulogne-sur-Mer. Elle est marquée par une balise tribord située au nord de cette dernière. En approchant du port, il faut donc laisser cette bouée à notre tribord, ce qui revient à la même logique qu’une cardinale Nord. D’ailleurs, on peut légitimement se poser la question de ce choix de balise. Les cardinales marquent aussi des zones dangereuses où de nombreuses obstructions sont présentes. C’est le cas de l’accès au terminal pétrolier de Lucciana en Corse. Face à l’aéroport de Bastia, cette cardinale Est permet d’éviter les coffres servant aux bateaux de ravitaillement en carburant du Lucciana Oil Terminal. Outre les magnifiques coins de pêche décrits ci-dessus, les cardinales peuvent aussi baliser des zones interdites à la navigation ou à la pêche. C’est le cas par exemple de cette zone rectangulaire devant Sète. Observez bien les quadrillages roses et annotations. n