Pêche en Mer

Benoît Mayolle, président du Gifap

« Ces données sont issues d’une analyse s’appuyant sur le chiffre d’affaires réel des ventes de matériel de pêche »

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Comment es-tu devenu président du Gifap?

J’ai toujours travaillé dans le monde de la pêche, depuis trente-cinq ans, pêcheur en mer, bien sûr, mais aussi en eau douce. Un métier passion que j’ai d’abord exercé comme revendeur d’articles de pêche chez Décathlon pendant vingt ans, où j’ai notamment créé le rayon pêche en mer comme chef de marché, puis, côté producteur, en tant que directeur commercial chez Daiwa et désormais directeur général. À l’annonce du départ de Hugues Nello, plusieurs entreprise­s membres du Gifap m’ont demandé d’en prendre la succession, afin de défendre au mieux les intérêts de notre industrie, de nos entreprise­s et bien entendu de nos emplois directs.

J’ai accepté cette mission importante, d’une part, parce que la pêche m’a beaucoup apporté dans ma vie profession­nelle, avec le souhait de m’impliquer dans cette profession qui m’avait tant donné et pour avoir acquis au fil du temps des relations saines, sincères, voire amicales avec beaucoup de mes concurrent­s, d’autre part. Cet investisse­ment personnel pour le collectif de la filière est une logique contributi­on, faisant suite à une carrière dans ce métier qui m’est si cher.

Peux-tu nous résumer le rôle du Gifap?

À l’origine, seuls les fabricants et importateu­rs pouvaient devenir membres du Gifap. Dans une démarche de filière et pour répondre à une évolution du marché, nous avons autorisé des entreprise­s de la distributi­on et des médias à nous rallier.

Désormais 83 % du chiffre d’affaires du marché français est représenté par les entreprise­s adhérant au Gifap. C’est un pourcentag­e important et nous recevons régulièrem­ent de nouvelles candidatur­es de sociétés pour nous rejoindre.

Aujourd’hui, nous travaillon­s au sein du Gifap de manière coordonnée et transparen­te, à travers six commission­s réparties sur des thématique­s spécifique­s.

Dans un marché du loisir outdoor fragile, notre activité est attaquée de toutes parts et plus récemment par une montée en puissance de microparti­s « extrémiste­s » minoritair­es, militant pour le bien- être animal. Bon nombre d’entreprise­s en ont pris conscience et oeuvrent désormais pour défendre nos intérêts communs. Cette évolution est très favorable à l’esprit de filière, qui, je l’imagine, se développer­a encore dans le futur.

Pourquoi le Gifap a-t-il souhaité fair e une enquête et publier ces chiffres?

Au départ, il y a le poisson que l’on recherche en mer, puis les pêcheurs en mer, les revendeurs, physiques ou par Internet, les moniteurs-guides de pêche, les influenceu­rs, les clubs et associatio­ns, les fédération­s, la confédérat­ion et, enfin les fabricants-importateu­rs. On est tous tournés vers la mer, c’est la filière.

D’un autre côté, il y a la réglementa­tion. Or l’Union européenne a décidé que la compétence réglementa­ire pour les pêches relevait de la Commission européenne et est donc régie par les quotas, dont la pêche de loisir dépend. Sur un autre plan, le gouverneme­nt français nous impose une surrégleme­ntation propre à nos eaux, comme nous pouvons l’observer chaque année. Et qui devient de plus en plus contraigna­nte. La mise en place de nouvelles aires marines avec des systèmes de pointage de prises similaires aux calanques et l’instaurati­on d’un quota familial sont à l’étude chez nos décideurs et pourraient arriver d’ici 2025…

Disons-le clairement, notre loisir est agressé. Mais en même temps, cette filière est organisée de manière globale, tout ce monde se côtoie, mais il n’est pas fédéré, on ressent un grondement général fort.

Il me semble que tous ces acteurs sont conscients de leurs devoirs envers la ressource, les milieux et la pérennité de nos activités et ne rechignent pas forcément à y participer, mais la grande question du moment est : combien de pêcheurs récréatifs en mer sommes-nous ? Quels sont réellement les prélèvemen­ts ? L’Europe nous le demande désormais par la loi.

Une importante littératur­e a été produite avec, nous semble-t-il, de nombreuses interpréta­tions divergente­s, des imprécisio­ns, des suppositio­ns, des extrapolat­ions… Mais que représente véritablem­ent l’activité des pêcheurs de loisir en mer ? Nous avons voulu, en tant qu’acteurs économique­s, apporter nos outils et donner un ordre de grandeur se basant sur notre expertise qui est celle de l’entreprise. Car ce sont les chiffres qui font référence auprès des décideurs.

Quand avez-vous commencé cette enquête et quelle a été la méthodolog­ie pour obtenir ces chiffres ?

Il faut remonter à l’été dernier, période à laquelle la pêche « à pied » du bar a été interdite dans la Manche et en mer du Nord à la suite d’une mise au point réglementa­ire en réciprocit­é aux pêcheurs profession­nels [cf. PEM 459, ndlr]. Un nombre important de détaillant­s côtiers ont été fortement impactés dans leur chiffre d’affaires par cette interdicti­on stupide et inégalitai­re qui a été promulguée sans avertissem­ent ni concertati­on, en pleine saison estivale. Nous avons, avec d’autres acteurs de la filière, les Moniteurs-guides de pêche, la Confédérat­ion, etc., protesté auprès de la Direction des affaires maritimes. À force de persévéran­ce, il nous a été répondu que cet

arrêté devait s’appliquer, mais que les services de l’État en suspendaie­nt les contrôles, nous pouvions donc à nouveau pêcher…

Dans le cadre de la révision de ce texte, les services de l’État relatifs aux affaires maritimes souhaitaie­nt travailler sur les futures obligation­s déclarativ­es imposées par l’Europe à l’horizon 2028. Ils nous ont demandé de siéger dans une commission, afin de s’entourer de toutes les parties prenantes, pour recueillir les avis des pêcheurs récréatifs incarnés par la confédérat­ion Mer et Liberté, mais également de représenta­nts d’associatio­ns de protection des animaux et de la pêche profession­nelle… Pour éclairer cette commission, une étude parue courant septembre par France Agrimer a décrit les pêcheurs récréatifs en mer dans le but de faire remonter tout cela auprès de l’Europe.

Comme je le disais auparavant, selon le Gifap, de nombreuses interpréta­tions, imprécisio­ns, suppositio­ns ont publiées depuis dix ans. Nous souhaitons diffuser ces chiffres en soutien à cette commission, c’est notre métier, et la plupart des chefs d’entreprise y ont répondu avec beaucoup de transparen­ce.

Les spécialist­es de la pêche en mer, tels que Fiiish, Shimano, Ultimate Fishing, Flashmer, Daiwa, Penn, Sert, Illex, Sunset… et tant d’autres, ont participé à cette expertise de terrain.

Cela permettra de reposition­ner, je crois, le nombre de pêcheurs récréatifs en mer, comme ayant une responsabi­lité dans le prélèvemen­t de poissons, à contribuer à la gestion des stocks, mais dans des mesures plus réalistes et justes que la littératur­e hasardeuse passée.

Ces chiffres ne sont pas issus des résultats d’études effectuées par sondage, ils sont le fruit d’une analyse minutieuse s’appuyant sur le chiffre d’affaires réel et vérifiable des entreprise­s qui vendent l’essentiel du matériel de pêche sur le territoire français. Il existe très certaineme­nt des imprécisio­ns, mais je pense qu’elles sont minimes.

Pourrais-tu estimer cette marge d’erreur?

Il est difficile d’être précis, car les petites marges d’erreur peuvent être nombreuses. Je dirais simplement qu’aucune étude de ce type ne sera parfaiteme­nt exacte, mais qu’actuelleme­nt, il me semble que c’est celle qui se rapproche le plus de la réalité puisque nos données de départ ne sont pas des estimation­s. Le chiffre de 700 000 pêcheurs en mer est peut-être erroné et il pourrait s’agir plutôt de 800 000, soit, mais on est encore loin des trois millions annoncés par d’autres. En clair, nous voulons avant tout donner un ordre de grandeur le moins mauvais possible.

Je tiens enfin à préciser que le Gifap va prochainem­ent lancer une grande enquête auprès des pêcheurs en mer afin de pouvoir affiner encore ces résultats. Dans le cadre de la révision de ce texte, les services de l’État relatifs aux affaires maritimes souhaitaie­nt travailler sur les futures obligation­s.

«La mise en place de nouvelles aires marines avec des systèmes de point age de prises similaires aux calanques et l’ instaurati­on d’ un quo ta familial sont à l’ étude chez nos décideurs et pourraient arriver d’ ici 2025.»

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