Pêche en Mer

L’indignatio­n de Du Monceau

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Quand Henri-Louis Duhamel du Monceau édite en 1769 son Traité des pesches, ouvrage qui fait encore autorité, il y a déjà un peu moins d’un siècle que l’ordonnance de Colbert a été publiée. Seulement, entre la législatio­n et la réalité, il y a un grand fossé. Très sensible à la protection des espèces, Duhamel du Monceau dénonce des pratiques qui vont, pourtant, perdurer bien au-delà du règne de Louis XVI.

« Malheureus­ement, on s’occupe en plusieurs endroits de l’océan et de la Méditerran­ée de ces pêches énormément destructri­ces par lesquelles on prend une multitude immense de petits poissons de toutes sortes d’espèces qui ne sont presque propres qu’à faire de la résure pour la pêche des sardines. »

Et l’auteur d’énumérer les pratiques qui malmènent le frai, comme « la pêche de la menuise [sprat, ndlr]

aux environs de Morlaix, la pêche de la guildre avec la bâche traînante, la pêche de la boëtte, près de Tréguier, la pêche de la menuise du premier âge qu’on nomme à Antibes nonnat. » Duhamel du Ponceau s’indigne quand on évoque le Morbihan :

« Les pêcheurs de plusieurs cantons de l’Amirauté de Vannes s’occupent de la pêche de la menuise pour faire une résure [strouille ou rogue locale] qui s’est quelquefoi­s vendue 60 livres la barrique. Quoique cette pêche soit défendue, parce qu’elle fait une énorme destructio­n du poisson, nous ne devons pas nous dispenser d’en dire quelque chose. Il s’agit d’un sac de grosse toile dont l’embouchure a deux brasses de largeur… Le but de cette pêche, qu’on peut regarder comme une drague, est de ramasser dans le sac du frai et de la menuise. »

Colbert avait du mal à faire appliquer son ordonnance. Pendant ce temps-là, la prise de conscience de la protection des espèces montait en puissance. À son tour, le XVIIIe siècle se voulait moderne.

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