Que nous dit Colbert ?
L’ordonnance royale de Colbert fut publiée le 31 juillet 1681. Elle est divisée en cinq livres, eux-mêmes subdivisés en plusieurs chapitres. Ces livres portent, respectivement, sur les officiers de l’Amirauté et leur juridiction, les gens de mer et les bâtiments de mer, les contrats maritimes, la police des ports, côtes, rades et rivages de mer et, enfin, la pêche qui se fait en mer.
Le chapitre qui nous intéresse, sur la pêche, comprend comme sous chapitres la liberté de pêche, les espèces de rets ou filets, les parcs et pêcheries, les madragues et bordigues, les harengs, les morues, les poissons royaux et les pêcheurs.
Cet ouvrage comprend 572 pages dont 121 sont consacrées à la pêche et aux pêcheurs.
Les premières lignes définissent fort bien le contenu : « Nous déclarons la pêche en mer libre et commune à tous nos sujets, auxquels nous permettons de la faire tant en pleine mer que sur les grèves, avec les filets et engins permis par la présente ordonnance. » L’ordonnance de Colbert se veut d’une extrême modernité. « C’est un premier principe que la mer n’est point au domaine particulier de qui que ce soit, mais qu’elle est commune à tous les hommes, tout ainsi que l’air. De ce fait, la pêche est libre et commune à tous les sujets du roi, sans lui payer aucun tribut, que ce soit en pleine mer ou sur les grèves. » En quelques lignes, les contraintes, les multiples excès dont furent victimes les pêcheurs au Moyen Âge et sous la Renaissance sont balayés.
La pêche se pratiquera comme l’exige l’ordonnance au moyen d’engins (hameçons, lignes, couteaux…), de rets ou de filets qui sont appelés, sous Louis XIV, folles, drigues, trameaux ou tramaillades. Les mailles sont détaillées avec une grande précision « cinq pouces en quarré », « un pouce neuf lignes en quarré », etc. Dans chaque greffe de chaque siège d’amirauté, un modèle des mailles de chaque espèce de filet est à la disposition des pêcheurs qui sont invités à le respecter.
Il n’est pas question de gêner le voisin sur l’eau. L’ordonnance ne le tolère pas :
« Nous faisons défense aux pêcheurs qui arriveront à la mer de mettre et jeter leurs filets où ils puissent nuire à ceux qui se seront trouvés les premiers sur le lieu de pêche sous peine de 50 livres d’amende. »
La strouille aussi trouve sa place dans l’ordonnance. « Les pêcheurs n’auront pas le droit d’utiliser de la résure [strouille pour la sardine] ni les marchands d’en vendre si elle n’a pas été visitée [contrôlée] et trouvée bonne. » Passer outre, c’est 500 livres d’amende. Nouveauté, un feu devient obligatoire sous peine d’une amende de 50 livres pour mettre un filet à l’eau la nuit. L’amende est omniprésente dans l’ordonnance. « Nous déclarons les pères et mères responsables des amendes encourues par leurs enfants et les maîtres de celles auxquelles leurs valets et domestiques auront été condamnés pour contravention. »
On ne s’étendra pas sur les articles multiples concernant les pêcheries et les parcs, les madragues, ni sur les différentes pêches qui marquent cette époque et la marqueront d’ailleurs longtemps, le hareng, la morue, la sardine. Nous vous invitons à parcourir cette ordonnance dans son ensemble sur le site fortunedemer. com. On y trouve toutes les législations de notre histoire concernant la mer, dont l’intégralité de l’ordonnance de Colbert et ses 572 pages en version PDF. C’est en vieux français, mais très facile à lire. Et passionnant !
Quant à cette ordonnance de Colbert, elle sera la référence sous le règne des autres Bourbon, après Louis XIV, mais aussi ceux des deux Napoléon jusqu’au XXe siècle. Elle constitue encore de nos jours le fondement de la gestion du domaine public maritime. Une telle longévité est tout simplement exceptionnelle.