Pêche en Mer

Francis Couzinet Gérant du magasin Rêves de Pêches à La Rochelle

« Le nombre de pêcheurs a nettement diminué, tuant ainsi les magasins spécialisé­s rochelais »

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Je tiens mon magasin Rêves de Pêches à La Rochelle depuis vingt ans maintenant, quand j’ai ouvert, en 2004, il y avait six commerces indépendan­ts comme le mien et deux grandes surfaces sportives, avec un rayon pêche auquel on peut ajouter les petits rayons saisonnier­s dans les grandes surfaces alimentair­es. Aujourd’hui, il reste un magasin indépendan­t, le mien, trois grandes surfaces sportives et toujours les minirayons pêche des grandes surfaces alimentair­es.

Je suis également depuis tout ce temps très impliqué dans la pêche sportive à travers un club historique, l’Amicale rochelaise de pêche sportive en mer, qui, à travers ses cinq ou six concours par an, a accumulé des données sur le prélèvemen­t des poissons, car à chaque édition il y a eu des pesées puis aujourd’hui du marquage de prises avec relâche. Quelles sont mes constatati­ons en tant que commerçant­pêcheur et responsabl­e associatif ?

Le nombre de pêcheurs de loisirs a fortement diminué, ce qui a tué tous les magasins spécialisé­s rochelais. Le nombre de sorties pour ceux qui restent a aussi beaucoup baissé, également à cause du coût des carburants.

Les pêcheurs qui continuent se découragen­t au fur et à mesure des interdicti­ons et autres quotas qui leur sont imposés de manière incompréhe­nsible : division Nord/ Sud ; interdicti­on de l’anguille et autorisati­on de la civelle ; interdicti­on du lieu, de la raie, du chinchard ; mailles légales différente­s entre pros et amateurs ; quotas injustes sur le bar et le thon, etc.

La pêche est devenue plus difficile du fait de la raréfactio­n des poissons, mais ceux qui ont suivi l’évolution des techniques pêchent toujours très bien, pour preuve les résultats en compétitio­n où l’on note une vraie démarcatio­n entre « bons » et « moins bons » pêcheurs.

L’explosion des sites de e-commerce a nivelé vers le bas le niveau moyen des pêcheurs, aucun conseil technique autre que du marketing, aucune informatio­n sur les spécificit­és locales, et vente de produits faiblement techniques et souvent de très mauvaise qualité.

Une certaine pêche profession­nelle a fait énormément de mal au milieu marin. Or il est intéressan­t de constater que lorsqu’une interdicti­on ou un moratoire est mis en place, les espèces visées réapparais­sent en quelques années.

À La Rochelle, on a vu les raies brunettes reconquéri­r les gravières, les thons sont redevenus omniprésen­ts, les poissons à faible valeur ajoutée pullulent, car ils ne sont pas pêchés, comme le congre. A contrario, plus d’anguilles, peu de maquereaux, les lieus en vacances, les soles disparues… Tout cela pour dire qu’il n’y a pas de hasard, le pêcheur amateur n’est pas le grand « vilain » dans la raréfactio­n du poisson. De fait, les mesures du Gifap, qui donne un nombre de pratiquant­s bien inférieur à celui avancé par les détracteur­s de la pêche de loisirs, renforcent un peu plus ce sentiment d’injustice quant à la réglementa­tion. Maintenant, est-ce que ce chiffre de 725 000 a un impact significat­if pour autre chose que la réglementa­tion car plus faible qu’imaginé ?

Combien a-t-il fallu d’écologiste­s pour faire interdire le chalut pendant un mois ? Très peu d’après ce que j’ai compris… Sur ces tristes constatati­ons, puisque mon gouverneme­nt ne veut pas que je pêche en France, eh bien, je vais dépenser mes euros à l’étranger (matériel, avion, hôtel, restaurati­on, location du bateau, loin des 242 € déboursés en moyenne en France…). Là-bas, on aime nous recevoir, parce que la pêche est avant tout une passion !

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