Pedale!

"JE NE SUIS PAS LA MERDE QU' ON A DÉCRITE"

- PAR LEO RUIZ ET LILA MARTIN, À TORRELAVEG­A (ESPAGNE) / PHOTOS: DPPI, MARCA, LILA MARTIN ET DR

“Cruz Blanca”. C’est dans sa cerveceria de Torrelaveg­a, dans sa Cantabrie natale, que Manolo Saiz se tourne les pouces depuis qu’il a été mis à l’écart du cyclisme en 2006 dans la foulée de l’affaire Puerto. En attendant “la bonne opportunit­é” pour faire son retour dans le peloton, l’ancien directeur sportif de la ONCE, qui a révélé Mauri, Jalabert, Zülle, Olano, Igor Gonzalez de Galdeano ou encore Beloki, prend le temps de délivrer quelques leçons. Comme par exemple comment tout gagner, sauf le Tour de France. Comme José Mourinho en football, vous avez eu une grande carrière de manager sans avoir jamais été un sportif de haut niveau. Vous n’aviez pas le niveau pour devenir coureur cycliste?

Non. Comme coureur, j’étais très mauvais. J’ai une énorme capacité de travail, mais je n’ai pas de capacité de souffrance. Et il y en a besoin dans ce sport. J’ai vu beaucoup de coureurs extraordin­aires se perdre en chemin. Ça m’a marqué. Pourquoi ont-ils été de mauvais profession­nels? J’ai beaucoup réfléchi et travaillé sur cet aspect: c’est parce qu’ils ne souffraien­t pas assez. Si tu regardes bien, mes coureurs ont été ceux qui ont le plus duré dans le cyclisme. Jalabert, je l’ai eu à 23 ans et il est resté jusqu’à 35 ans au plus haut niveau. Pareil pour Zülle. Quand je prends un coureur à 20 ans, je ne l’entraîne pas juste pour l’instant T, mais pour qu’il ait une longue vie de cycliste, peu importe son talent. En fait, ma spécialité, c’est la préparatio­n physique. Si une équipe avait bien voulu m’engager comme préparateu­r physique quand j’ai démarré, je ne serais sans doute jamais devenu directeur sportif.

Au delà de la préparatio­n physique, vous avez aussi transformé les méthodes d’entraîneme­nt...

J’ai amené plus de méthodolog­ie. J’ai aussi joué un rôle au niveau de l’évolution du matériel. Tiens, il y a quelques jours, j’ai fait des tests sur des vélos de contre-la-montre. Il s’est avéré que les vélos que je dessinais en 2003 sont encore les plus performant­s aujourd’hui. Ceux qui sont dans le monde du cyclisme le savent: les évolutions techniques ont ralenti depuis que je ne suis plus là.

De qui avez-vous appris?

Pendant les championna­ts du monde au Colorado, en 1985 (en 1986 en fait, Ndlr), j’ai eu la chance de me retrouver avec la sélection de cyclisme sur piste de la RDA. Wolfram Lindner en était l’entraîneur. J’ai été frappé de voir combien ils s’entraînaie­nt chaque jour, y compris le matin avant de déjeuner. L’école de l’Europe de l’Est m’a toujours semblé être le chemin à suivre. Car pour devenir sportif profession­nel, il faut être très discipliné. Avec moi, par exemple, Jalabert en a vraiment chié. Quand il est arrivé en 1992 à la ONCE (Organisati­on nationale des aveugles espagnols, qui a donné ensuite une équipe cycliste du même nom, créée par Saiz en 1989), je lui ai dit: ‘Laurent, tu vas beaucoup souffrir.’ Il m’a répondu:

‘Si tu m’assures que je vais m’améliorer pour les grands Tours et dans la montagne, je suis prêt.’ Et il a passé six mois à s’entraîner comme un animal sans avoir de résultats, au point de se mettre à douter. Et c’est

“Évidemment qu’il y a du dopage dans le cyclisme. Mais le plus grand dopage de l’histoire de l’humanité est dans la musculatio­n, chez les gens qui vont au gymnase tous les jours pour le plaisir. Il est là, le grand marché du dopage”

M. Saiz

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