Pedale!

Matthew Modine

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“Le vélo, c’est très rock’n’roll, surtout dans les rues de New York”

Peut-on avoir joué dans Full Metal Jacket, L’Enfer du dimanche, Short Cuts, Go Go Tales d’Abel Ferrara et maintenant dans The Dark Knight

Rises de Christophe­r Nolan et s’y connaître aussi bien sur le Tour de France que Jean-Paul Ollivier? Oui, répond

Matthew Modine.

Il paraît que vous être très vélo. Ça vous vient d’où? Le vélo, c’est la matérialis­ation physique de la liberté. J’ai vu au fil des ans l’étalement urbain rampant, j’ai vu la terre qui respirait se transforme­r en asphalte et en ciment. Comme ça me rappelle ces chansons des années 60 - «ils ont pavé le paradis et

y ont mis à la place un parking ...» et qu’il faut que ça change, j’ai créé une associatio­n, Bicycle for a day. Le vélo, c’est très rock’n’roll, surtout dans les rues de New York. Quand je suis arrivé en ville en 1980, je vendais de la limonade à l’angle de Lexington et de la 42ème rue. Par une chaude journée d’août, un gars est arrivé comme une furie et a balancé par terre son vélo orange, un Raleigh Beach Cruiser…

Il regardait par-dessus son épaule, il était clairement traqué. Il s’est barré en courant et ses poursuivan­ts ne sont jamais venus. J’ai donc ramassé le vélo et je me suis dit: “Quand j’aurai fini de vendre ma limonade, si ce gars-là n’est pas revenu, ce vélo sera le mien.” Il n’est jamais revenu, c’est devenu mon vélo pendant vingt ans mais le cadre s’est brisé à l’usure… Aujourd’hui, j’ai changé de vélo, mais je n’ai toujours pas de voiture. Je roule sur un Batavus, un vieux vélo hollandais très sûr, et on m’a offert un Cooper, tout chromé, rapide, avec des roues fines, très léger. Je suis assis très haut sur le siège, tout le monde peut me voir et ça me permet d’avoir une très bonne vision de la route. Je suis un cavalier urbain! Le Tour de France, ça vous parle? Bien sûr. C’est de l’ordre du mythe. Je suis allé à Bourg-Saint-Maurice avec mes enfants il y a quelques années et nous avons fait un bout du tracé du Tour: la route était incroyable­ment difficile, beaucoup plus que ce que j’imaginais. C’est là qu’on s’aperçoit que la télévision ne donne pas au téléspecta­teur la réelle vision de la montagne, ni la véritable compréhens­ion de la manière de négocier la route. Le Tour, c’est surtout des histoires humaines. Vous en avez une

préférée? Celle du vainqueur du deuxième Tour de France, Henri Cornet, en 1904. En fait, c’est Maurice Garin, le vainqueur de la première édition, qui était arrivé en tête de ce second Tour, mais en trichant: il s’était accroché aux voitures, un truc que j’ai fait moi aussi à New York et qui est très amusant, mais vraiment dangereux. Lors de ce deuxième Tour de France, les gens étaient en colère contre les coureurs, beaucoup balançaien­t des clous derrière eux, si bien que Cornet, ayant été un des seuls à ne pas avoir triché, s’est vu attribuer la victoire. Il n’avait que dix-neuf ans et il reste encore aujourd’hui le plus jeune vainqueur du Tour, je crois. A cette époque, c’était quelque chose. Aujourd’hui, les sponsors rendent hélas parfois la course un peu plus laide…

PROPOS

RECUEILLIS PAR BRIEUX FÉROT / PHOTO: BRIAN

SMITH

Voir:

The Dark Knight Rises, de Christophe­r Nolan (2012), avec Tom Hardy, Christian Bale, Liam Neeson, Gary Oldman… et Girl in Progress, avec Eva Mendes (2012)

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