Pedale!

Interview.

En camping-car avec les réalisateu­rs Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier.

- PAR RAPHAËL CLAIREFOND / PHOTO: ELYXANDRO CEGARRA PROPOS RECUEILLIS PAR RC

Chaque année, le même rituel: des couples de retraités, mais aussi des jeunes, sautent dans leur camping-car et s’installent en bord de route, à la montagne, en attendant “Le Tour”. Pour profiter du paysage? Pour encourager les coureurs? Pour faire des rencontres? Un peu tout ça à la fois, racontent Méryl Fortunat-Rossi et Valéry Rosier dans un documentai­re, La Grande messe.

QOn a une passion pour le Tour qui vient des grandes vacances, l’été, les siestes avec la températur­e élevée, etc. À un moment donné, le Tour, c’est le temps qui s’arrête. C’est une bulle. Valéry Rosier: On a aussi tous les deux un certain amour des personnes âgées. On était très proches de ma grand-mère, qui avait un camping-car. On est partis en voyage à trois avec elle. On voulait retrouver ça, et mettre en valeur cette chose belle et absurde: arriver quinze jours avant le passage du Tour, vivre au bord d’une route et attendre pour voir passer des coureurs quelques minutes... dans le meilleur des cas. C’est peut-être un peu la France rêvée, sur le Tour: les gens sont beaux parce qu’ils sont relaxés, ils savent où ils mettent les pieds.... Y’aura toujours un voisin à chambrer parce qu’il vient du Nord et toi de Marseille, et ça va se résoudre autour d’un verre et d’une grillade. Les gens sont très bienveilla­nts. VR: On espérait aussi montrer des personnes qui partent là-bas pour créer des communauté­s éphémères, qui ont envie de se rencontrer, qui ont peut-être parfois une vie solitaire mais qui, d’un coup, vont les uns vers les autres. On a vu à quel point ça les rendait heureux d’avoir des voisins avec qui parler ou s’entraider. MFR: Il y aussi un côté “fier de chez soi”. On parle de partage: à travers l’apéro ou le repas, il y aura toujours la saucisse faite par le voisin, la tomate récoltée de son propre potager, le digestif un peu “maison”... On partage sa culture avec les autres.

u’est-ce qui vous a intéressés dans ces bords de route? Méryl Fortunat-Rossi: Vous avez tourné dans le col de l’Izoard. Qu’est-ce qui vous a le plus étonnés une fois sur place? MFR:

Et ça n’a l’air de rien mais finalement il existe peu de moments aujourd’hui où les gens peuvent se raconter eux-mêmes et se rencontrer sans avoir peur les uns des autres. Sans compter que c’est inter-génération­nel. Un jeune peut fréquenter quelqu’un qui pourrait être son grand-père mais il va le tutoyer, il y a un rapport amical, sans hiérarchie. L’un va parler de la guerre d’Espagne, l’autre de quelque chose d’actuel...

Vous pensez que le public du Tour a beaucoup évolué au fil du temps? VR:

Je crois que si on avait tourné ce film il y a vingt ans, on aurait fait le même. Sauf qu’au lieu d’entendre Macron à la télé, ça aurait été Chirac... MFR: C’est la magie du Tour: il y a une tolérance au joyeux bordel organisé, interdit le reste de l’année. C’est un peu comme quand on était sur une mobylette à quatre sans casque dans les années 60... Avec le Tour de France, on peut se garer là où, d’habitude, on ne peut jamais faire de camping.

Votre film n’hésite pas à être drôle. Les documentai­res de Strip-Tease, c’est une référence pour vous? VR:

On en a vu pas mal, et il y a certaineme­nt une influence. Strip-Tease a été important dans l’histoire du documentai­re. Ils ont osé l’humour dans le réel. Après, je pense que de temps en temps, ils ont été trop loin, ils ont passé la barrière de la moquerie. Ils ont commencé à rire “de” plutôt que rire “avec”. Et malheureus­ement, à cause de ça, pas mal de réalisateu­rs n’ont plus osé faire de l’humour dans le documentai­re. Pour nous, c’était un défi: oser l’humour, mais ne filmer que des gens pour qui on avait a priori de l’amour et tout faire pour que ça se sente le plus possible à l’image. Les personnage­s qu’on n’aimait pas, on les a virés au montage, en fait.

Voir: La grande messe, de Valéry Rosier et Méryl Fortunat-Rossi

“Si on avait filmé le Tour il y a 20 ans, ça aurait été pareil”

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