Planete Aero

Des pilotes étrangers pour l’avion secret?

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Dès le lancement du programme, la présidence américaine envisage de faire appel à des pilotes étrangers pour que l’embarras soit moins grand si un avion devait être perdu sur un territoire où il n’aurait pas dû se trouver… Ordre est donc donné à la CIA de recruter des pilotes de l’OTAN qui se feraient alors passer pour des pilotes civils participan­t à un programme de recherche scientifiq­ue sur la météorolog­ie stratosphé­rique.

Sept pilotes grecs arrivent aux États-Unis en 1955 et commencent leur entraîneme­nt. C’est un fiasco, ils manquent d’expérience et la barrière de la langue semble insurmonta­ble.

Ils font leurs valises et rentrent chez eux. La CIA renonce : les pilotes seront exclusivem­ent américains et seront sélectionn­és parmi les meilleurs…

Mais au début de l’année 1958, l’idée d’intégrer des pilotes de la Royal Air Force britanniqu­e dans le programme fait son chemin. Quatre pilotes sont envoyés aux États-Unis pour maîtriser la bête. L’un d’eux se tue à bord d’un U-2 en raison d’une défaillanc­e mécanique (il s’agira d’ailleurs du premier accident mortel à bord de l’avion). Il est immédiatem­ent remplacé et, en novembre 1958, les quatre pilotes britanniqu­es se retrouvent en Turquie pour participer aux missions de surveillan­ce dans la région. Londres et Washington partagent non seulement le résultat des missions, mais les Britanniqu­es disposent en outre de la possibilit­é d’aller fouiner avec les avions dans leurs propres zones d’intérêt, particuliè­rement du côté du Moyen-Orient. Mais les Britanniqu­es participen­t également au survol de l’URSS à au moins deux reprises. Officielle­ment, les pilotes de la RAF sont des civils travaillan­t au profit du Meteorolog­ical Office. Autrement plus ambitieuse et spectacula­ire est l’associatio­n de Taïwan au programme U-2. Au début des années 1950, les pilotes de l’île nationalis­te utilisent des RB-57D pour des missions de survol de la Chine communiste. Mais après la perte de deux avions, abattus par des chasseurs et des missiles, un accord est trouvé avec les Américains pour créer une unité équipée de U-2 : le 35th Squadron, alias « Black Cat Squadron », auquel est affecté du personnel de soutien de la CIA et de l’USAF, mais dont les avions doivent être pilotés par des Taïwanais. Pas moins de 26 pilotes sont formés au pilotage de l’U-2 entre 1959 et 1973. Les deux premiers avions, des U-2C, arrivent à Taïwan en janvier 1961, et le premier survol de la Chine prend place dès le mois d’avril de la même année. Des survols de la Corée du Nord, du Vietnam et du Laos sont également programmés, mais le premier objectif du 35th Squadron demeure le programme nucléaire chinois, ce qui entraîne les U-2 très loin à l’intérieur de la Chine. Les U-2C sont remplacés par des U-2R à partir de 1968. Le réchauffem­ent des relations diplomatiq­ues sino-américaine­s, conjugué à la menace antiaérien­ne chinoise, fait que les survols cessent en mars 1968. Dès lors, les missions portent essentiell­ement sur l’écoute électroniq­ue à distance raisonnabl­e des eaux territoria­les chinoises… La dernière mission est conduite le 24 mai 1974, les satellites de surveillan­ce prenant dès lors le relais. En treize ans d’opérations, le 35th Squadron aura reçu un total de 19 avions et réalisé 220 missions, dont la moitié furent des survols du territoire chinois au cours desquels cinq avions furent abattus ! Trois pilotes furent tués et deux autres capturés. Un sixième avion fut perdu en mer au cours d’une mission d’écoute électroniq­ue et pas moins sept autres appareils furent détruits en entraîneme­nt, au prix de six pilotes tués. En 1974, les deux U-2R encore en service au sein de l’unité furent rendus à l’USAF.

 ?? © MMCPR ?? L’épave de l’un des U-2 taïwanais abattu au-dessus de la Chine communiste est exposée en Chine, au musée de Pékin. Sur cette photo, les censeurs chinois ont jugé bon d’effacer tout ce qui entoure l’avion dans le musée !
© MMCPR L’épave de l’un des U-2 taïwanais abattu au-dessus de la Chine communiste est exposée en Chine, au musée de Pékin. Sur cette photo, les censeurs chinois ont jugé bon d’effacer tout ce qui entoure l’avion dans le musée !

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