Playboy (France)

TYLER STEELE, 100 % MADE IN CALIFORNIA

- Texte — Jean-François Tatin Photograph­ie — Sean Flynn

BOSS D’UN CLUB SANS NOM OÙ SE PRESSE LE TOUT-HOLLYWOOD, TYLER STEELE A UNE VIE QUI RESSEMBLE À UN ROMAN. ENTRE STARS DU HIP HOP ET CULTURE DU CANNABIS, VOICI SA LÉGENDE TELLE QU’IL NOUS L’A CONTÉE.

Tyler Steele est le visage d’un bar-club-restaurant sans nom, l’adresse la plus secrète et la plus en vue de Los Angeles. un lieu dans la tradition des speakeasy du temps de la prohibitio­n. Présenté comme un « authentiqu­e angeleno », « famous for the famous people », le Californie­n de 39 ans m’ouvre les portes de son royaume faussement clandestin quelques jours avant les élections présidenti­elles américaine­s. Tyler est un type avenant aux allures de rabbin et à l’aura doucement sulfureuse, peut-être due à ses multiples tatouages. Affublé d’un grand chapeau « pour se protéger des vampires d’Hollywood », il se voit comme un « chaman qui soigne les gens avec sa musique et son amitié ». Jusqu’ici, tout va bien. Le « dude » est avec moi et partout à la fois, cachant sous son apparente bonhomie une hyper activité ne laissant rien au hasard. Ouvert il y a trois ans en lieu et place d’une « venue » où Neil young et d’autres avaient l’habitude de se produire, l’endroit a une âme, une atmosphère rock qui est restée. Quelques guitares garnissent les murs et un vieux Steinway de saloon trône sur une petite scène où se multiplien­t les concerts. Tyler raconte d’incroyable­s sessions improvisée­s comme avec Stevie wonder pour la quarantain­e de chanceux présents ce soir-là ou, plus récemment, avec Bob weir de Grateful Dead. Pendant que la meilleure téquila du monde coule à flots, les habitués défilent : un agent de comédiens (dont vincent Cassel aux uS) comme sorti d’un roman de Bret Easton Ellis, un chef opérateur sympathiqu­e (qui s’avère être celui d’Inception et de Batman), une jolie bassiste à peine majeure, un artiste sous champi… Le gratin de l’entertainm­ent hollywoodi­en vénère ce temple anonyme où l’on pénètre uniquement sur invitation. Pour cette cette «house party» permanente, pas de photo autorisées, pas de selfies. Tyler souhaite que ses petites étoiles se sentent bien. — Suite p37

LEmaître des lieux apparait comme un connecteur d’énergies. un animal qui fonctionne à l’instinct. Quand un ami lui confie chercher des terres à acheter pour la culture du cannabis, fraîchemen­t légalisée, Tyler pense immédiatem­ent au jeune maire de Coachella, qui veut faire de sa municipali­té la Napa valley de la weed… un texto plus tard et les voilà invités à visiter les espaces disponible­s. il suffira de vingt-quatre heures pour que les deux nouveaux associés se portent acquéreurs de terrains avec une licence d’exploitati­on. En se lançant dans la vente d’herbe à grande échelle, Tyler renoue d’abord avec une histoire familiale sulfuresue, sans que l’on puisse vérifier la véracité de tous les détails. Son père, Robin Salame, fut le fabriquant et le vendeur de la cocaïne la plus recherchée de toute la Californie des années 80. En débutant avec Joe Cocker et Tom Petty, les Eagles ensuite puis Fleetwood mac, celui que l’on surnomme « The Chemist » fournit progressiv­ement toute la scène musicale de Los Angeles. Agé d’à peine 4 ans, Tyler assiste à l’arrestatio­n musclée de son daron, orchestrée par le FBi à grands renforts d’hélicoptèr­es. il est placé dans une famille d’accueil tandis que sa mère, Linda Steele, engage un avocat pour défendre Robin. Celui-ci réussit à minimiser la peine du « Chemist » en plaidant la folie mais devient accessoire­ment l’amant de Linda. Quand Tyler retrouve son foyer, il a pour nouveau papa David Kenner, un avocat juif fasciné par le hip hop et la culture gangster. Parmi ses clients se trouvent le jeune Suge Knight que David aide à fonder Death Row, au départ voulue comme une entité d’entertainm­ent totale, destinée à produire des films autant que de la musique.

SAUVÉ PAR TUPAC

Tyler grandit entouré de l’oncle Suge et de son ami Dre, qui produit alors son premier album solo, The Chronic. L’adolescent partage sa vie entre l’école où il n’ose se vanter de ses fréquentat­ions et la maison où il est fasciné par ses idoles. Quand David Kenner demande à sa mère si un des musiciens de l’écurie peut venir vivre chez eux, elle répond avec enthousias­me : « Oui pas de problème y a une chambre pour Snoopy ! » C’est ainsi que Tyler goûte à ses premiers joints en compagnie Snoop Dog, qui travaille en même temps son Doggystyle et sera l’invité d’honneur de sa bar-mitsvah. Mais l’évènement le plus marquant de cette adolescenc­e hors normes se en 1995. Tyler assiste en famille à un concert de Tupac Shakur suivant la sortie du double album All Eyez on Me. une fusillade abrège la performanc­e du rappeur. Panique. Tout le monde cherche à fuir. Le jeune Tyler, incapable de bouger, est sauvé de la panique générale par Tupac lui-même. Quelques instants après ils roulent tous deux sur la highway 10 dans la Ford Bronco de l’adolescent sous le choc, Tupac éructant contre ces violences qui l’empêchent de pouvoir finir le moindre concert. Tyler se souvient lui avoir parlé de ses propres textes, de la poésie qu’il essaye d’écrire alors et de la réponse de Tupac qui l’encourage à la mettre en musique en lui confiant : « Je mets des beats sur ma poésie, c’est le seul moyen pour qu’on m’entende. » Six mois plus tard, l’assassinat de T.S marque la fin de l’adolescenc­e de Tyler.

DIRECTION COACHELLA

Depuis, Tyler trimbale depuis « ses fantômes et ses démons », une histoire familiale et ancestrale qu’il raconte en musique. C’est cette poésie qu’il défend aujourd’hui avec un projet solo vials Davis et avec son groupe The Movees. Pas vraiment hip hop, il a chopisi une pop psychédéli­que et « motorique » pour accompagne­r son écriture quasi automatiqu­e. Niché dans les hauteurs de Los Angeles, dans une maison-studio qui a vu naître le groupe Dead Man Bone’s de Ryan Gosling, Tyler retrouve Mick Mchenry (collaborat­eur de Kid Cudi ou Rihanna) et Mathieu Carratier (ancien rédacteur en chef de Première reconverti dans la musique de films) pour enregistre­r un premier album qui s’annonce épique. Ballades moins pour Beach Boys que pour loup-garous, sa musique est parfaite pour road-triper jusqu’à Coachella, où Tyler propose d’aller assister au résultat de l’élection présidenti­elle. Le maire nous y attend avec une pinata à l’effigie de Trump que l’on se prépare avec plaisir à défoncer… « Dieu est dans la lumière, Dieu est dans les ténèbres, et le chaman joue entre les deux. Aujourd’hui, le cannabis va passer des ténèbres de la black economy à la lumière », assure le chaman Tyler. Le jour de l’élection a lieu un vote au moins aussi important pour lui : celui de la légalisati­on du cannabis en Californie.

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