Playboy (France)

“J’ai rencontré macron à Bercy parce que je faisais partie de ceux qui avaient un énorme problème d’Isf.”

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Vous êtes restés fidèle à vos amis d’enfance ?

Oui, ce sont mes trois témoins de mariage. Des amis rencontrés au lycée à 14 ans. L’un est prof de sport à Strasbourg, l’autre travaille avec moi dans le cinéma, le dernier a monté un magasin de madeleines.

Y avait-il des ouvrages communiste­s chez vous ?

Non. En revanche, mon grand-père me racontait des histoires avec les yeux qui brillaient. Par exemple, que les Américains n’étaient probableme­nt jamais allés sur la lune, que tout ça était une invention. il a eu la carte du parti en 1923. Mes grandspare­nts n’avaient pas un rond. ils étaient agriculteu­rs, ils habitaient dans une petite ferme. Quand j’étais gosse, à chaque fois que je partais, mon grand-père m’attrapait et me donnait une pièce de 5 francs qu’il avait dû prendre dans le porte-monnaie de sa femme. Je voyais bien que ça lui coûtait. La fois d’après, sans qu’il le voie, je replaçais toujours la pièce dans le portemonna­ie pour lui rendre le pognon.

Quel est votre plus grand souvenir politique jeune homme ?

L’élection de Mitterrand en 1981. Je venais juste d’avoir 18 ans. Je ne me souviens pas si j’avais voté, mais j’étais ravi, d’autant que mon père avait voté Giscard. ravi que les choses changent. C’est la première fois où je me suis dit : “Ça m ‘intéresse.”

Vous aviez donc une couleur politique

? J’ai longtemps eu le coeur à gauche. Petit à petit, j’ai évolué et acquis la conviction qu’on ne peut pas redistribu­er sans produire. Avoir le coeur à gauche, c’est formidable, après il y a aussi des mecs avec un cerveau de droite qui bossent.

Et quand Emmanuel Macron a pointé le bout de son nez ?

J’étais un des premiers à sortir du bois en disant que le jour où il se présentera­it, je serais pour lui un soutien médiatique et financier. Je l’ai rencontré bien avant qu’il ne soit candidat. J’avais senti ce positionne­ment devenu “ni droite, ni gauche”. Je me suis dit : “C’est ce que j’attendais depuis longtemps.” Laisser produire les gens qui produisent et redistribu­er intelligem­ment.

A quelle occasion avez-vous rencontré Macron

? Je l’ai rencontré à Bercy parce que je faisais partie de ceux qui avaient un énorme problème d’iSF qui m’empêchait de rester en France. Donc je rencontrai­s tous les politiques en leur montrant les chiffres et en leur démontrant que je ne pouvais pas rester.

Vos lunettes Sensee à 18 €, votre Ecole de l’Internet ou votre fonds d’investisse­ment Jaïna, c’est une manière de garder une ligne libérale de gauche ?

Disons qu’il y a un fil rouge. Je ne fais pas du business pour faire du business en cherchant le seul profit et en n’en ayant rien à foutre de savoir si ce que je fais est bien. Non, quand je fais des lunettes, au lieu de les fabriquer en Asie, je me dis : “Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt les fabriquer en France tout en retrouvant du pouvoir d’achat ?” Mon fonds d’investisse­ment, si j’avais investi dans Facebook ou Snapchat, j’aurais engrangé plus d’argent qu’en investissa­nt dans des dameuses françaises où j’ai beaucoup perdu. idem pour les vélos. S’il n’y a pas ça, je me perds et je ne suis pas bon. Donc je préfère faire du plus petit, plus difficile, plus aléatoire.

Sur tous les investisse­ments que vous avez faits, quelle est la proportion de succès ?

Sur dix entreprise­s, six vont mourir, entre deux et trois vont survivre et une seule va rattraper celles qui sont mortes. Mais ça, on le sait dans la dernière ligne droite, car c’est l’entreprise que tu vends après dix ans. Aujourd’hui, j’ai investi 85 M€ dans des start-up. Si je prends une photo de ce qui me reste, j’ai peut-être perdu 60 M€. Sauf que derrière, il m’en reste trois ou quatre qui peuvent me faire retrouver ce que j’ai misé – peut-être plus – et que je vais réinvestir.

Revenons en 2000 lorsque vous vous retrouvez ruiné. Destinée d’un imposteur ou mise à l’épreuve d’un self made man ?

C’était un refus inconscien­t d’avoir autant d’argent lié à un sentiment de culpabilit­é. J’avais un contrat qui était négocié avec une banque et qui me garantissa­it que je ne pouvais pas perdre cet argent. Je l’avais sur mon bureau, je ne l’ai pas signé. C’est l’acte manqué absolu : non, je ne veux pas ne pas perdre mon argent !

Comment l’avez-vous vécu ?

C’était terrible. De mémoire, je devais 8 M€. Je ne pouvais pas gagner 8 M€ ! Même en vendant tout, je n’aurais pu en rembourser qu’un quart. A l’époque, je devais gagner 2 000 € par mois… J’ai eu la chance inouïe qu’un associé, devenu un copain, m’ait aidé en apportant une caution bancaire. il m’a donné le temps nécessaire pour monter Meetic. il m’a sauvé la vie.

Donc vous ne vous voyez pas comme un imposteur ?

En tout cas, je commence à croire au fond de moi-même que je ne le suis pas. C’est assez récent. C’est un truc de deuxième vie, de maturité que les hommes ont plutôt vers la cinquantai­ne.

A Paris, vous avez d’abord vécu en banlieue, à Malakoff, avant de vous installer au coeur de Saint-Germain-desPrés, très bourgeois…

Oui. Ce déménageme­nt, c’est le point de départ du basculemen­t de ma vie. Je me suis dit : “Qu’est-ce que tu fais rive gauche, est-ce que c’est vraiment toi, est-ce que c’est vraiment ta vie ?” Aujourd’hui, j’ai l’impression que je suis plus à l’aise avec ça.

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