Playboy (France)

“Il faut que les quinquas soient forts alors qu’ils sont foireux, qu’ils aient l’air de savoir alors qu’ils ne savent pas.”

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Votre intérêt pour l’art contempora­in, c’est lié à un goût personnel ou un passage obligé des gens fortunés ?

Les deux. D’abord, je suis très curieux de découvrir des univers. J’ai toujours été intéressé par l’art, mais de très loin, n’ayant pas les moyens d’en acheter. Un jour, un ami collection­neur m’a initié. FiAC, Frieze, il m’a montré, expliqué et, de fil en aiguille, j’ai commencé à assister aux ventes, à acheter. Et puis j’ai découvert un monde assez dingue, très codé, artificiel, avec des gens ultra-fortunés. Bref, j’ai trouvé ça passionnan­t. Depuis, j’ai arrêté parce que j’ai mis mes moyens dans d’autres choses. Mais à l’époque, je mettais un point d’honneur à mettre sur les murs ce que j’avais acheté – notamment des Yayoi Kusama et des Vik Muniz – et pas dans des coffres. J’achetais par esthétisme, pas des choses forcément rentables. Quand j’ai divorcé, j’ai vendu beaucoup de pièces.

Avez-vous déjà nregretté d’avoir acheté une oeuvre ?

Oui. L’histoire est marrante. Je vais à la FiAC et je vois un cabinet de Damien Hirst qui valait une fortune avec quatre-vingt trois poissons morts dans des boîtes de formol alignées. il y avait un Chinois qui était en train de l’acheter. Je me dis : “Ce truc est pour moi” et je lui arrache des mains, je le paye une fortune et je récupère l’oeuvre. Je me revois chez moi avec quatre-vingt trois poissons morts sur mes murs sombres. Mon signe astrologiq­ue, c’est le poisson… Quelques années plus tard, j’ai compris que ce que j’avais acheté, c’était des poissons morts. Je me suis dit : “Je vais très mal, il faut que je commence à m’occuper de moimême.”

En 2015, vous fondez la société de production Reborn. De quoi étiez-vous mort ?

Le business n’était plus une passion, il fallait que je renaisse dans quelque chose d’autre. Un nouveau métier. En fait, une fois mon fonds d’investisse­ment Jaïna Capital sur les rails, je ne savais plus vraiment quoi faire. Je me suis demandé quelle était ma vraie passion. Ce sont les livres. J’ai donc monté une boîte de théâtre parce que le théâtre, ce sont des mots. Je me suis associé avec richard (Caillat, chef d’entreprise passionné de théâtre), Xavier (Niel) et Jacques-Antoine (Grangeon). On a fondé Arts Live, on a notamment produit Ramsès II, isabelle Adjani, environ quatreving­ts pièces… Mais ça ne m’a pas vraiment nourri, j’étais juste actionnair­e d’un truc qui marchait bien. Si tu veux faire un truc un peu plus gros, tu vas faire du cinéma, donc j’ai créé ma propre société de production et commencé à mettre de l’argent dans des films qui me plaisaient.

Diriez-vous que dans votre seconde partie de vie, la parole a remplacé l’action ?

Evidemment. Quand j’étais gosse je ne parlais pas, je faisais le clown, c’était un masque extraordin­aire. J’ai parlé pour la première fois à mon père quand j’avais 52 ans pour lui dire que je ne lui avais jamais parlé…

Quel est le plus gros danger pour le coeur de l’homme quinquagén­aire : la crise cardiaque ou le tarissemen­t amoureux ?

J’ai une histoire très belle à raconter. Un jour, je pleure comme une madeleine et je vais dans ma maison dans le Luberon. Un copain m’appelle et me dis qu’il passe me voir. Et un autre et encore un, jusqu’à ce qu’on se retrouve à six dans la baraque. L’un qui avait divorcé qui était malheureux, l’autre qui avait divorcé et qui était très heureux, l’autre qui ne savait pas s’il allait divorcer – c’était moi –, celui qui ne savait pas s’il était gay, celui qui ne trouvait pas de fille, et celui qui ne voulait pas de fille ! C’est dur pour les garçons. ils ont une image de queutards, de séducteurs. Or on se rend compte que les mecs sont perdus, qu’ils essayent de contrôler leur libido, leurs émotions. il faut qu’ils soient forts alors qu’ils sont foireux, qu’ils aient l’air de savoir alors qu’ils ne savent pas. Les femmes essayent de comprendre ce qui se passe dans la tête des mecs de 50 ans mais, les pauvres, si elles savaient que les mecs n’en ont aucune idée…

Vous n’adhèrez donc pas à l’idée du mâle sûr de lui et dominateur ?

Non, et je serais très étonné qu’il existe et que ce soit quelque chose de si simple que ça. L’homme se construit mais si on gratte un peu, on tombe toujours sur un petit garçon.

Si vous étiez un héros de fiction ?

J’aimerais bien être Don Quichotte, le gars plein de poésie qui se bat contre rien, si ce n’est contre lui-même. Ou le capitaine Drogo dans le Désert des Tartares qui passe sa vie à attendre en vain la reconnaiss­ance qu’il croit mériter. J’aime les personnage­s un peu utopiques. Foireux. Poétiques.

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