Playboy (France)

“Une chose pareille n’avait jamais existé avant et j’ai bien peur que ça n’existe plus jamais.” Karl lagerfeld

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Le 2 mai 1977, quelques jours après son ouverture en fanfare, le Studio 54 fait son entrée officielle dans l’inconscien­t collectif avec une série de clichés où Bianca Jagger, alors la compagne de Mick, fait son apparition dans le club chevauchan­t un cheval blanc tiré par un homme et une femme entièremen­t nus et le corps recouvert de paillettes. Le cliché fait le tour du monde, se retrouve à la une des magazines people et devient le symbole d’un lieu et d’une période bénis des dieux où tous les excès et extravagan­ces seront permis, comme le confirme un habitué nommé Karl Lagerfeld : “Le Studio 54 a changé la notion de clubbing. Une chose pareille n’avait jamais existé avant et j’ai bien peur que ça n’existe plus jamais.” Situé au 254 West 54th Street à Manhattan, le Studio 54 est, à ses débuts dans les années 1920, un studio de cinéma appartenan­t à CBS où des programmes télé populaires comme Captain Kangaroo ou To Tell the Truth sont réalisés. Mais, en 1976, le bâtiment immense est à vendre : CBS a fait construire un nouveau studio gigantesqu­e plus en phase avec les avancées de la technologi­e. Evidemment, le lieu, situé en plein coeur de New York, suscite de nombreuses convoitise­s. hommes sont déjà à la tête de plus d’une dizaine de steak houses ainsi que de deux discothèqu­es, une à Boston et l’autre en périphérie de New York dans le Queens. Nous sommes au milieu des années 1970 et l’Amérique vit l’explosion disco à fond. Gloria Gaynor avec Never Can Say Goodbye, Donna Summer avec Love To Love you Baby ou Anita Ward avec Ring my Bell occupent le haut des charts, plus de 8 000 discothèqu­es se sont ouvertes depuis le début de cette nouvelle décennie, la guerre du Vietnam est presqu’un mauvais souvenir du passé, le scandale du Watergate, qui a abouti à la démission du président Nixon, également, les minorités raciales font entendre leurs voix, le féminisme tape du talon, les homos s’affichent et la libération sexuelle a tout emporté sur son passage. C’est l’ère de la post-pilule et du pré-sida et la crise économique a beau toucher de plein fouet les Américains, ils n’ont envie que de sortir, danser, se droguer et baiser. Bref, c’est la Saturday night fever. Dans cette explosion de paillettes et de boules à facettes qui tournent 24 heures sur 24, New York dicte les modes et s’impose comme l’épicentre d’une génération de beautiful people qui ne pensent qu’à s’amuser fringués dernier cri, les narines poudrées entre les nombreuses boîtes de l’époque – le Flamingo, le Limelight, les Mouches, le Sanctuary, le Jardin, le Crisco Disco ou le New York New York. Un mélimélo nocturne où se déploie un who’s who de designers, photograph­es, artistes, chanteurs, couturiers, top models, comédiens, écrivains, chroniqueu­rs mondains, dilettante­s, fils et filles de. Une jeunesse dorée qui résonne des noms qu’on retrouve dans le magazine Interview, le vivier à célébrités de l’époque : Paloma Picasso, Anjelica Huston, Jerry Hall, Lauren Hutton, Truman Capote, Calvin Klein, Liza Minelli, rod Stewart, John Travolta, Elton John… Au-dessus de ce petit monde plane Andy Warhol. Le vétéran de la bande ne se déplace jamais sans sa Factory et des célébrités françaises comme Valentino ou Yves Saint Laurent qui débarquent à New York pour faire les quatre cents coups avec, dans leurs bagages, leur cour docile et raffinée, les Loulou de la Falaise, Marisa Berenson, Helmut Berger et autre Marina Cicogna. Une clique friquée, bandante et insolente qui va rapidement faire du Studio 54 son nouveau QG. Si New York ne manque pas de discothèqu­es à l’époque, c’est le Jardin, un club gay situé dans les sous-sols d’un petit hôtel de Times Square où Steve rubbel a ses habitudes et où il va un soir entraîner ian Schrager, qui va provoquer chez les deux hommes le désir de créer le Studio 54. “Cet endroit a eu un impact hallucinan­t sur nous, raconte ian. L’ambiance était totalement électrique, c’était Sodome et Gomorrhe : la folie sur le dancefloor, la musique sortait de partout, il y avait des effets de lumière incroyable­s. Surtout, ça baisait dans les toilettes, sur la piste, sur les banquettes. Le club avait beau être réservé aux gays, les hétéros rêvaient d’y entrer. Je me souviens y avoir vu Bianca Jagger pour la première fois de ma vie, les Rolling Stones y avaient organisé une soirée pour fêter la fin de leur tournée en 1975. Quand tu avais Mick Jagger chez toi, tu n’avais besoin de rien d’autre. C’était comme avec Andy Warhol, sa présence transforma­it ton club en un endroit à part du reste du monde.” Après des mois de travaux et 400 000 $ investis – une fortune pour l’époque –, le Studio 54 peut enfin ouvrir le 26 avril 1977. ian et Steve, qui se sont rapidement débarrassé­s de Uva, n’ont pas lésiné sur la déco. L’endroit ne doit ressembler à rien de connu et le duo a fait appel à des architecte­s, designers et stylistes qui n’ont jamais travaillé sur une boîte de nuit, histoire de se préserver de toute influence. Une fois la porte franchie, on entre dans le club par un long couloir plongé dans le noir, un vestibule sans fin qui débouche sur le bar circulaire et rococo avec ses barmen torses nus, le plus souvent vêtus d’un short ras le pubis. Puis vient l’endroit incontourn­able, là où tout se passe : le dancefloor de plus de mille mètre carrés qui peut accueillir plus de deux mille danseurs déchaînés. Mais le spot le plus stratégiqu­e est ailleurs : la mezzanine, où

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