Paranoia Agent
La face cauchemardesque du japon « kawaii » et l’oeuvre-somme d’un des cinéastes les plus important du XXIe siècle.
À quelques encablures de Twin Peaks navigue cet anime japonais, conçu lui aussi par un génie du cinéma, et qui débute également comme un bon petit polar whodunit avant de tracer la route vers des mondes parallèles et des niveaux de réalité de plus en plus altérés. Un peu moins satirique dans son approche que la série de Lynch, celle de Satoshi Kon ne décide pas de déconstruire ironiquement le moule du soap opera local mais cherche surtout à ausculter le versant cauchemardesque du Japon « kawaii » [mignon]. Première victime du « garçon à la batte », Tsukiko est la créatrice d’un néo-Hello Kitty. Son imagerie mentale rose-bonbon virera au crépusculaire après son agression. Les six premiers épisodes de Paranoia Agent sont autant de mini-portraits de Japonais lambdas (donc très névrosés) qui se chopent tous une bonne crise existentielle à la suite d’un coup de batte bien asséné. La suite est un crescendo délirant en forme de noeud de Moebius visant à la fois à faire converger toutes ces trajectoires fracassées tout en s’offrant des exercices de styles soufflants pour reprendre ses esprits (les épisodes 8 et 9 déconnectés de la trame principale et pensés comme des commentaires métas sur la série). C’est l’oeuvre qui contient tout ce qui précédait (Perfect Blue, Millennium Actress, Tokyo Godfathers) et suivra (Paprika) dans la filmographie trop courte de Satoshi Kon, et s’il ne fallait en garder qu’une, alors…