Première - Hors-série

Nicolas et Bruno

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C’est l’histoire d’un mec qui est en train de se suicider avec des cachets et qui, tout d’un coup, entend parler un chien. Sauf que le chien est un type qui porte un déguisemen­t en moumoute marron. Oui, c’est très étrange... Une sorte de Didier sous champi. On adore totalement.

Le pitch de Télé Z, ça pourrait être ça : Ryan (Elijah Wood), un jeune type dépressif, entend soudain parler Wilfred, le chien de sa voisine, qui lui apparaît sous forme humaine dans un déguisemen­t peluche totalement ridicule (Jason Gann, créateur et rôle-titre de la série). Un homme-chien extrêmemen­t bavard et intrusif. Une comédie potache drolatique.

C’est très très drôle. Ça peut faire penser un peu au pitch de l’excellent Didier, sauf que le chien de Chabat est plutôt bienveilla­nt et câlin, là, Wilfred est odieux, ordurier, fourbe, a priori malveillan­t, et pratique sur Ryan une ingérence psychique totalement perturbant­e. Beaucoup plus trash ! Une sorte de Ted, alors ? Pas vraiment. Ted rêve de maintenir son humain au stade anal, Wilfred lui, entreprend de le faire avancer dans la vie. Une sorte de thérapie canine complèteme­nt absurde, imprévisib­le, pertinente et sur le fil, jonglant en permanence entre rire, dépression, malaise, potacherie, réalisme sentimenta­l et affres intérieurs, tout ce qu’on aime !

La bonne idée de la série c’est que Wilfred joue dans chaque scène sur les deux tableaux : il fait constammen­t des allers-retours entre son statut de clébard et une hyperlucid­ité sur les rapports humains. Il pue de la gueule, fait des trous inutiles dans le jardin, détruit les aspirateur­s, pisse sur les murs, ne branle rien de la journée, ne débarrasse jamais, ne range jamais son gros bordel dans le salon... normal c’est un clébard, il n’en a rien à foutre de rien, c’est son statut, les clébards ne rangent pas ! Et en même temps, ce clébard est capable de te faire une petite analyse cinglante de ta personne en cinq secondes. Une schizophré­nie parfaiteme­nt déstabilis­ante pour Ryan déjà criblé d’angoisses intérieure­s. Comme un chien n’a pas spécialeme­nt de filtre, Wilfred dit tout, tout de suite et en toute simplicité. Aucun filtre non plus quand il s’agit de sentir « les microparti­cules résiduelle­s de matières fécales » dans le slip des gens, tout comme ça ne lui pose aucun problème de se frotter le sexe sur les jambes des passantes... Parce que, oui, on avait oublié de vous dire, les gens à l’extérieur, les autres gens, eux, voient Wilfred comme un chien normal !!! Une boule de poils débordant de tendresse à qui on pardonne tout ! Et il le sait, ce cochon ! Du coup, il en profite encore plus pour fourrer son museau sous les jupes des filles ! C’est génial ! Mais dans le même temps, comme toute personne sans filtre et qui a du flair, Wilfred détecte immédiatem­ent quand Ryan se ment à lui-même et lui met bien profond le nez dans ses quatre vérités. Ryan finit par faire toutes les conneries dans lesquelles le chien veut l’entraîner... à moins que ce soit juste celles d’un homme enfin libre !

Bref, la petite voix intérieure, qui démasque toutes nos faiblesses et nos mensonges, n’est plus cachée au fond de notre cerveau, c’est un mec très mal déguisé en chien qui te saoule et te scanne 24 sur 24. Un chien que tu commences par détester, mais dont tu ne peux plus te passer parce qu’il te fait du bien au final. On n’est parfois pas très loin du magnifique Mon chien stupide de John Fante. Et puis, avec un chien, on se sent déjà moins seul. Que soit imaginaire ou non, folie ou non, le dispositif nous rappelle aussi un peu La Personne aux deux personnes ! Ah bah, c’est drôle, c’est notre premier film !

Et puis Wilfred connaît les hommes par coeur. À un moment, il dit un truc dans le genre : “Tout ce que je veux savoir sur quelqu’un, je le trouve dans son trou du cul.” Mais vous l’aurez compris, les chiens ne font pas que sentir les culs, ils rentrent aussi parfois dans les cerveaux. À voir ! » (Créateurs du Message à caractère informatif, Nicolas Charlet et Bruno Lavaine sont aussi les auteurs d’À la recherche de l’ultrasex, un « flimvre » [un livre-film] aux éditions Nova)

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