Première - Hors-série

RAISON HANTÉE

- PAR CHARLES MARTIN

The Haunting of Hill House, la nouvelle série d'angoisse de Netflix qui déboule cet automne sur la plateforme, est un pur classique du genre, une adaptation moderne du livre culte de Shirley Jackson racontant le cauchemar vécu par une famille dans un terrifiant manoir hanté. Rencontre avec le cinéaste Mike Flanagan, aux commandes du show.

Depuis le carton Stranger Things et le lancement du premier Netflix Original d’horreur en 2016 (I Am the Pretty Thing that Live in the House) tout laisse à penser que le géant du streaming est en train de développer une vraie politique de production horreur, se penchant – enfin ? – sur ce genre jugé, il y a peu encore, trop risqué pour être exploité en salles. Depuis quelques mois, la plateforme semble concentrer tous ses moyens sur cette niche, surfant sur le succès critique d’Annihilati­on en multiplian­t les films et les séries de trouille. Prochaine date butoir ? Le lancement de The Haunting of Hill House, une série réalisée par Mike Flanagan. Il s’agit d’une adaptation du roman gothique La Maison hantée (The Haunting of Hill House) de l’écrivain Shirley Jackson qui avait déjà inspiré Robert Wise pour son classique La Maison du diable. Flanagan est loin d’être un inconnu. On lui doit Ouija – Les Origines ; Jessie, adaptation de Stephen King tordue et bourrée de beaux moments de frayeur, ou le mélo traumatiqu­e The Mirror qui faisait peur et même plus que peur. Pour Première, le réalisateu­r revient sur sa conception des maisons hantées, sa vision de l’horreur et le passage du cinéma à la série en streaming.

PREMIÈRE : Mike… La maison de votre série, elle existe vraiment ?

MIKE FLANAGAN : Ça vous a fichu la trouille, hein ? (Rires.) Eh bien oui, c’est une vraie maison. Elle se trouve en Géorgie. On a cherché pendant des mois une bâtisse qui pourrait convenir jusqu’à ce qu’on tombe dessus. Elle était… étrange, perdue au milieu des bois, au fin fond de nulle part. Elle dégage un sentiment particulie­r, très énigmatiqu­e, et presque anachroniq­ue. Je suis tombé sous le charme.

Vous saviez ce que vous cherchiez ? C’est quoi une bonne maison hantée ? Pour qu’une maison soit effrayante, il faut qu’elle comporte à la fois des éléments familiers et des éléments plus bizarres. C’est cette contradict­ion qui la rend troublante. On voulait une maison avec une certaine personnali­té, une architectu­re qui exprime quelque chose. Qui donne la sensation qu’elle est un personnage à part entière. Et en même temps, il fallait que le spectateur la trouve belle, attrayante. Parce que si elle est vraiment moche, on ne comprendra­it pas pourquoi une famille viendrait s’y installer. Bref : il fallait de l’étrange, mais fascinant, un peu déconcerta­nt et très élégant. On s’est pris la tête !

Le film de maison hantée est aussi vieux que le cinéma. Et la maison ne fait pas tout. Comment construit-on une bonne histoire sur ce sujet aussi rebattu ?

Toute la question est de savoir comment la demeure marquera la personne ou la famille qui va vivre dedans. Dans un sens, toutes les maisons sont hantées – par leur passé et les gens qui les ont habitées auparavant. Je vous parle de choses très visibles (dans le design ou la décoration), ou au contraire plus

abstraites (un sentiment, une expérience émotionnel­le qui aurait eu lieu dans ses murs). Une histoire de maison hantée n’est bonne qu’à travers les gens qui l’habitent. Parce qu’au fond, nous sommes tous hantés. Et on a tendance à garder ça avec nous, dans l’endroit qui nous semble le plus sûr au monde : notre foyer. Alors, quand on fait rentrer nos démons à l’intérieur de ce qui devrait être notre sanctuaire, c’est là que ça devient cool et que ça parle aux gens !

Vous avez écrit, réalisé et produit une dizaine de films d’horreur pour le cinéma. Comment fait-on pour s’assurer qu’il y aura assez de moments effrayants ? Personnell­ement, je n’aime pas beaucoup les jump scares. C’est trop facile, même s’il y a des réalisateu­rs qui sont absolument brillants, lorsqu’il s’agit de faire grimper le stress et qui réussissen­t à en créer d’hyper efficaces. Pour moi, ce n’est pas indispensa­ble. À choisir, je préfère instaurer un sentiment de tension permanente, qui ne se dissipe jamais vraiment plutôt qu’un sursaut brutal. Un jump scare peut même se révéler contre-productif, parce que, parfois, certains spectateur­s éclatent de rire, juste après. Du coup, cela a pour effet de relâcher la pression. J’ai plutôt tendance à les éviter, même si le genre impose aussi une certaine quantité de moments de vraie trouille, pour garder l’audience en tension, et lui prouver que dans ces films on n’est à l’abri de rien. Vous préférez quoi finalement ?

Le gore très graphique ou les films d’horreur plus subtils qui jouent sur l’angoisse ?

Définitive­ment les films qui ne montrent rien. À mon sens, il n’y a rien de plus effrayant que ce que peut produire votre imaginatio­n. J’y crois vraiment. Le plus souvent, ce qu’on ne voit pas à l’écran est bien plus flippant que n’importe quel truc horrible qu’on pourrait mettre en scène sur un plateau.

Et au niveau du format ? Y a-t-il pour vous une différence entre un film et une série d’horreur ?

C’est l’ampleur qui est différente. Le tournage d’une série est très long. Parfois, on se dit qu’on n’en verra jamais le bout... Mais à part ça, j’ai vraiment construit et pensé The Haunting of Hill House comme un long métrage de dix heures. J’ai surtout apprécié de pouvoir me plonger dans le coeur des personnage­s, de pouvoir prendre le temps de les explorer vraiment. Même s’il y a aussi le challenge de réussir à maintenir de la tension, de l’angoisse et du suspense pendant une durée aussi longue.

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Henry Thomas (à droite)
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The Haunting of Hill House
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Mike Flanagan

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