Première - Hors-série

LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE

- CHRISTOPHE NARBONNE

Un film de zombies dans un appartemen­t parisien? Dominique Rocher ose et réussit une réinventio­n du genre en mode naturalist­e et minimalist­e.

Un homme s’endort dans la chambre d’un appartemen­t parisien où une fête bat son plein. À son réveil, tout n’est que silence, décombres et cadavres. Au-dehors, quelques bruits, des silhouette­s bizarres. Il semblerait bien que Sam soit le seul survivant d’une humanité réduite à l’état de zombies... Non, Dominique Rocher n’a pas signé le 28 Jours plus tard français. Adaptation d’un roman de Pit Agarmen, La nuit a dévoré le monde est même carrément l’opposé du film de Danny Boyle, qui arpentait les rues de Londres minicaméra DV tremblotan­te à l’épaule, avec pour résultat un effet de réel saisissant. On n’est pas non plus dans le survitamin­é [REC] qui érigeait un immeuble contaminé en symbole de l’obscénité de la société du spectacle. Ici, l’action est circonscri­te au huis clos absolu, dans un appartemen­t sanctuaris­é par le héros, qui ne voit que la solution du repli pour échapper à une mort certaine. Peu de mouvements de caméra, plans très composés, aucun dialogue, musique diégétique : Rocher se détourne de la fureur et de l’horreur supposées du monde extérieur (rappelées par de rares séquences aussi soudaines que viscérales), de façon à privilégie­r le chaos intérieur d’un être livré à la solitude la plus complète, qu’il comble en organisant méthodique­ment sa survie. Le Norvégien Anders Danielsen Lie (Oslo, 31 août) y livre un impeccable numéro de funambule, faisant d’un solo de batterie rageur l’expression la plus poignante du mal-être qui le ronge à petit feu.

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Anders Danielsen Lie

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