THE LITTLE STRANGER
Après Room, Lenny Abrahamson signe un film de terreur gothique qui dépasse largement le cadre du film de trouille.
Si ça continue, Lenny Abrahamson va devenir un vrai cinéaste en chambre. Après Room, il s’intéresse à une autre histoire claustro, l’adaptation d’un roman gothique de Sarah Waters qui se concentre sur le destin d’un manoir anglais dans l’immédiat après-guerre. La bâtisse est comme la famille qui l’habite : lugubre et traumatisée. Avec un art à la Henry James consommé, le cinéaste agite les questions habituelles du genre : Hundreds Hall est-elle hantée par la fille de la propriétaire mystérieusement disparue? Ou bien les événements qui font trembler la maison – une fillette mordue et défigurée par un chien, un incendie, des objets qui se déplacent – sont-ils le fruit du hasard ? On nous souffle bien plusieurs explications (rationnelles ou pas), mais, au fond, ce n’est pas le sujet du film. Fantôme, hystérie ou malveillance intéressent moins Abrahamson que ce monde anglais corseté en train de s’écrouler. The Little Stranger parle d’une société programmée à mourir qui fait un peu de résistance. Le narrateur principal, médecin issu d’une famille pauvre, ne se sent pas vraiment légitime auprès de cette gentry décatie, et ce qui commence comme un thriller victorien bascule progressivement dans un beau traité de lutte des classes. Abrahamson observe son héros rouquin (parfaitement campé par Domhnall Gleeson) hésiter à prendre de force le pouvoir sur l’aristocratie en déroute et notamment l’héritière qu’il convoite. Une maison et ses habitants doiventils nécessairement être effacés ou violés parce qu’ils sont devenus superflus dans une société qui aspire au changement ?