GOLEM, LE TUEUR DE LONDRES
Derrière l’élégance du thriller victorien et du film d’effroi british, Juan Carlos Medina propose une réflexion sur les laissés-pour-compte du progrès.
Juan Carlos Medina a quitté l’Espagne franquiste d’Insensibles pour se plonger dans les bas-fonds d’un Londres victorien secoué de crimes que ne renierait pas Jack l’Éventreur. Ce changement de période et d’atmosphère réussit plutôt bien au réalisateur qui profite de cette adaptation du roman de Peter Ackroyd, scénarisé par Jane Goldman, pour mettre en scène un récit à tiroirs mêlant avec grâce bouleversements sociétaux, condition féminine et société du spectacle. En 1880, une série de meurtres terrifie et fascine le quartier malfamé de Limehouse. Selon la rumeur, ils ont été perpétrés par un monstre mythologique, le Golem, et semblent de ce fait totalement insolvables. Scotland Yard envoie alors John Kildare, enquêteur placardisé, résoudre cette affaire. Au même moment, Elizabeth Cree, une vedette du music-hall, est arrêtée pour le meurtre de son mari. Dans l’univers très codifié de l’ère victorienne, et avec un casting anglais parfait (du toujours brillant Bill Nighy au séduisant Douglas Booth en passant par la troublante Olivia Cooke), Golem, le tueur de Londres réussit à éviter la lourdeur théâtrale d’un From Hell. En jouant sur le faux-semblant permanent, le film utilise l’ère victorienne comme un décalque, à peine déguisé sous la crinoline, de notre époque en pleine transition, entre progrès industriel et dévissage social. Sous son ambiance de cabaret dégingandé, Golem montre que le divertissement le plus innocent peut aussi transmettre des pulsions de mort.