SANCTUAIRE / LA SECTE
Deux beaux Blu-ray tout récents montrent sous un jour nouveau deux films dingos du meilleur disciple de Dario Argento : Michele Soavi, qui a aussi été assistant réalisateur de Terry Gilliam et auteur du classique DellaMorte DellAmore.
On aurait adoré, sur cette page, vous parler de la superbe édition Bluray de DellaMorte DellAmore dans la collection « exploitation italienne » de l’éditeur français Le Chat qui fume. Malheureusement, l’éditeur n’a pas pu obtenir les droits nécessaires à cette réédition. En attendant un Blu-ray français qui fasse honneur au chef-d’oeuvre de Michele Soavi, on pourra se consoler avec deux autres grands films du réalisateur sortis cet été chez Le Chat qui fume : Sanctuaire (1989) et La Secte (1991), disponibles dans des éditions combo Blu-ray/DVD avec de splendides copies et, à chaque fois, de très copieux bonus sur un disque supplémentaire. De quoi mesurer un peu mieux à quel point Soavi est un auteur important du cinéma de genre italien. Après avoir assisté Joe d’Amato et surtout Dario Argento sur Ténèbres (1982), Phenomena (1985) et Opéra (1987), et avoir réalisé un documentaire sur le maestro (Le Monde de l'horreur, 1985), Soavi tourne en 1987 son premier long métrage, Deliria (sorti en France sous le titre Bloody Bird), très influencé par le giallo « argentesque » (un tueur décime une compagnie de théâtre). Suivront Sanctuaire et La Secte, tous deux produits et coécrits par Dario Argento, et financés grâce à la toute nouvelle société de production cinéma et télévision de Berlusconi, Silvio Berlusconi Communications.
PRINCE DES TÉNÈBRES. Le plus B des deux films, Sanctuaire – à l’origine troisième long métrage de la série des Démons réalisée par Lamberto Bava sur une idée de Dario Argento – s’ouvre sur une scène de massacre, quelque part au Moyen Âge, de sorcières par une bande de chevaliers teutoniques. Les cadavres sont jetés dans un charnier. De nos jours, une église à l’architecture étrange recouvre le charnier et un jeune bibliothécaire va en percer les secrets... Visions flamboyantes, ralentis déments, musique signée Goblin (et apparition d’Asia Argento à 15 ans) : tout en respectant le cahier des charges des obsessions du maître italien (architecture, occultisme et gore sexuel), Michele Soavi semble vouloir effectuer avec ce film assez bordélique une sorte de grande synthèse du cinéma d’horreur. Après avoir assisté Terry Gilliam sur Les Aventures du baron de Münchausen, Soavi tourne La Secte, dont l’héroïne est interprétée par Kelly Curtis, la soeur de Jamie Lee Curtis, clairement plus ambitieux et plus réussi que Sanctuaire. Il s’éloigne vite de son sujet (une secte satanique commet des crimes bizarres à travers l’Europe) et de son style giallo pour se livrer à un exercice de cadavre exquis du gore. Le cinéaste multiplie les cadrages audacieux, les mouvements d’appareil complexes et surréalistes, les visions dingos. Un lapin blanc repose sur le corps d’un magicien, des fragments de visage flottent dans un cercueil rempli d’eau, un marabout (l’oiseau, pas le gourou) démoniaque surgit d’un puits pour posséder une femme... De la folie pure, même si son magnum opus incontestable sera DellaMorte DellAmore avec Rupert Everett trois ans plus tard, géniale somme du film de zombies adaptant la BD Dylan Dog de Tiziano Sclavi. Après quoi, Soavi ne reviendra sur le grand écran qu’en 2006 avec le splendide film noir mélancolique Arrivederci amore, ciao. Entre-temps, il aura surtout tourné pour la télévision avec une série de polars à succès. Son dernier film remonte à 2008 : Il Sangue dei vinti (« le sang des vaincus »), un thriller se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale et inédit en France. L’Italien a tourné en décembre dernier un film fantastique, La Befana ven di notte, qui est actuellement en postproduction. Le titre (« la sorcière vient la nuit ») est issu d’une comptine italienne : peut-être la promesse d’un retour à l’enfance de l’art de Soavi.